Eglises d'Asie

La mise en place d’un petit séminaire bloquée par les musulmans

Publié le 05/06/2012




Depuis des années, les autorités locales, en lien avec des organisations musulmanes très présentes dans la région, bloquent l’établissement du premier séminaire de la province des îles de Bangka-Belitung.Le diocèse de Pangkalpinang, qui comprend le chapelet d’îles entre Sumatra et Bornéo formant la province de Bangka Belitung, ainsi que l’archipel Riau, plus au nord, …

… s’étend sur un territoire de seulement 30 000 km2. Très majoritairement musulman (à plus de 80 %), l’archipel accueille également près de 8 % de bouddhistes, presque autant de confucianistes et plus de 4 % de chrétiens (dont les catholiques représentent un peu moins de la moitié).

« Ce projet est poussé par une vraie nécessité », explique Nicolas de Francqueville, séminariste aux Missions Etrangères de Paris (MEP), qui connaît les efforts de longue date de l’évêque de Pangkalpinang, Mgr Hilarius Moa, pour mettre en place un petit séminaire. « L’Eglise diocésaine est essentiellement formée de prêtres extérieurs au diocèse, la plupart venus de Florès, poursuit-il, mais pour former un clergé autochtone, il faut absolument un séminaire local. »

Parmi la quarantaine de prêtres qui travaillent dans le diocèse, tous sauf trois sont des migrants. Quant aux séminaristes actifs au sein de l’Eglise de Pangkalpinang, seuls deux d’entre sont issus du diocèse, que l’on a encore coutume d’appeler « l’Eglise des migrants ».

« Actuellement, expose le séminariste MEP, les jeunes qui s’interrogent sur leur vocation ou veulent suivre une formation catholique, sont obligés d’aller à Palembang [sur l’île de Sumatra], où le séminaire interdiocésain est tenu par une congrégation religieuse. Cela a pour conséquence d’inciter les jeunes à poursuivre leur cursus dans d’autres établissements de l’ordre, voir à y être ordonnés. Alors que les vocations sont de plus en plus nombreuses, celles-ci sont malheureusement ‘perdues’ pour le service diocésain. »

Dès le début, et plus particulièrement depuis la mise en place en 2010 d’un comité pour la construction du petit séminaire, le projet s’est heurté à l’opposition farouche des habitants et de l’administration locale. « Nous avons soumis tous les documents nécessaires à l’administration du district, mais nous n’avons toujours pas obtenu de permis de construire », déplore une source ecclésiastique locale proche de l’équipe chargée du projet. Selon celle-ci, l’action de plusieurs organisations islamiques, telles que le Conseil des oulémas indonésiens (Majelis Ulama Indonesia, MUI), le Communication Board of Mosque Teenagers-Youths in Indonesia, ou encore le Brotherhood of Indonesian Hajj, seraient à l’origine du blocage de la construction du bâtiment.

« En Indonésie, ce type de construction nécessite un grand nombre de conditions et d’autorisations, mais dépend surtout de l’acceptation des autorités locales et de l’accord des habitants de la région », explique encore Nicolas de Francqueville, qui souligne que, dans ce cas précis, les tracasseries administratives doublées de l’opposition des résidents locaux ont obligé le comité catholique à accepter de changer plusieurs fois l’emplacement du futur séminaire Mario John Boen (1). La construction, qui doit se faire à Pangkalpinang, capitale provinciale et siège de l’évêché, sur l’île de Banka, semble pour le moment suspendue, du moins en ce qui concerne le terrain choisi à l’origine par le comité, situé près du centre de retraite du diocèse. Dans l’attente d’un déblocage de la situation, Mgr Hilarius Moa a fait installer provisoirement dans un ancien lycée catholique désaffecté la première promotion du petit séminaire.

Mais à ces difficultés récurrentes auxquelles sont habituellement confrontées les Eglises chrétiennes en Indonésie, s’ajoute ici la crainte des communautés musulmanes d’une « invasion missionnaire » consécutive à l’installation du petit séminaire. « Mgr Hilarius Moa axe l’essentiel de sa communication avec les autorités locales sur le fait qu’un petit séminaire ne fait courir aucun danger aux communautés musulmanes, rapporte Nicolas de Francqueville. Il est parfois difficile de faire comprendre que sur la trentaine de jeunes qui rentreront au petit séminaire, très peu deviendront prêtres, parfois moins d’un sur dix ! Et que de plus, les études étant longues, il n’y aura pas une ‘armada’ de 30 à 40 nouveaux prêtres qui sortiront du petit séminaire chaque année… »

Le catholicisme est arrivé tardivement dans cette partie de l’Indonésie ; il fut introduit sur l’île de Banka en 1830 par un médecin chinois, Paulus Tsen On Njie, baptisé en Malaisie, qui accompagnait des migrants chinois venus travailler dans les mines d’étain de Pankalpinang. En 1849, ayant entendu parler d’un embryon de communauté chrétienne qui s’était créé à Bangka, Mgr Vrancken, évêque coadjuteur du vicariat apostolique de Batavia, y envoya le P. Claessens qui baptisa 60 catéchumènes formés par Tsen. Dès 1853, un prêtre résident, le P. Langenhoff, fut affecté à Sungaiselan, à l’ouest de l’île de Bangka, tandis que Paulus Tsen continuait de suivre la communauté chrétienne établie dans la partie ouest de l’île.

En 1923, Pangkalpinang devenait préfecture apostolique, puis vicariat en 1951 avec plus de 2 230 catholiques. En 1963, le diocèse de Pangkalpinang était érigé, devenant suffragant de l’archidiocèse de Palembang. Selon les statistiques de l’Eglise locale, les catholiques du diocèse de Pangkalpinang représentaient environ 2 % de la population en 2005.

Dans ce diocèse né de l’apostolat de laïcs, la communauté catholique a évolué au rythme des transformations de sa population ces dernières décennies. Si l’implantation puis la diffusion du catholicisme à ses débuts fut essentiellement le fait des émigrés chinois, les flux migratoires des années Suharto ont amené dans les îles de Bangka Belitung des populations venues d’autres provinces d’Indonésie, créant peu à peu une communauté aux origines ethniques très diverses, mêlant Malais, Indonésiens, Chinois et de nombreux groupes aborigènes comme les Javas, les Bataks, ou encore les Minahasas.