Eglises d'Asie

La loi sur la « santé reproductive » en passe d’être votée au Sénat

Publié le 07/06/2012




Dans le bras de fer qui l’oppose au gouvernement sur la politique de la famille et de la démographie, l’Eglise catholique est en train de perdre une bataille, le Sénat venant d’ouvrir la voie au vote de la loi sur la « santé reproductive ».

C’est sur sa page Facebook que la sénatrice Miriam Defensor-Santiago a commenté ce qu’elle a présenté comme une victoire, en annonçant que les débats sur le projet de loi concernant la « santé reproductive » (RH Bill – Reproductive Health Bill) était désormais clos et que les 23 membres du Sénat philippin pourraient prochainement voter ce texte très controversé. Ce jeudi 7 juin, elle a estimé que la loi pourrait être votée par le Sénat entre le mois d’août et la fin de l’année 2012. « Je suis très heureuse que les choses avancent ainsi, la RH Bill étant à l’étude au Congrès depuis tant et tant d’années », écrit-elle sur Facebook.

Le projet de loi en question, introduit en 1998 sous le nom de Reproductive Health Bill puis rebaptisé en 2011 Responsible Parenthood, Reproductive Health and Population Development Act, soulève depuis des années d’intenses débats aux Philippines. Au nombre de ses adversaires figurent l’Eglise catholique ainsi que des universitaires, des économistes et des acteurs de la société civile et politique. Les évêques reprochent à ce texte de mettre en place un financement public obligatoire de tous les moyens de contraception, l’introduction de l’éducation sexuelle dans les écoles ainsi que l’autorisation de l’avortement, à ce jour interdit par la Constitution du pays. Selon eux, la loi devrait au contraire sauvegarder la mission éducative des parents et non l’affaiblir par de telles mesures. L’actuel président des Philippines, Benigno Aquino III, s’étant engagé en faveur de ce projet de loi, l’épiscopat n’a pas hésité à croiser le fer avec le chef de l’exécutif, affirmant que la position de l’Eglise sur le sujet était « non négociable ».

Dans ce contexte, la page qui vient de se tourner ce 7 juin au Sénat représente une incontestable victoire des promoteurs du texte. Selon la presse philippine, ceux-ci ont su profiter du fait que la scène politique était tout entière occupée depuis quatre mois par la procédure en destitution engagée à l’encontre de Renato Corona, président de la Cour suprême (1). Quoi qu’il en soit, la clôture officielle des débats ouvre une nouvelle phase de la procédure parlementaire, celle du dépôt des amendements, avant le vote final du texte, étape à propos de laquelle Miriam Defensor-Santiago se déclare optimiste. « En ce qui concerne les amendements, nous sommes prêts, dans un esprit d’ouverture, à accepter ceux qui pourraient apparaître nécessaires car la politique est l’art du compromis, pour autant toutefois qu’ils ne compromettent pas les principes fondamentaux qui sous-tendent la RH Bill », a-t-elle déclaré ce 7 juin au Philippine Star.

Du côté du principal lobby favorable au vote de la loi, la Philippine Legislators’ Committee on Population and Development Foundation, la nouvelle a été très bien accueillie. « [Ce projet de loi] a fait l’objet de tant et tant de débats depuis plus de dix ans que toutes les questions possibles et imaginables ont été posées – et ont trouvé une réponse – que ce soit dans les murs du Congrès ou à l’extérieur », a commenté son directeur exécutif, Romeo Dongeto. Il a aussi adressé « [ses] salutations à ces dames sénatrices qui, en dépit de la forte opposition manifestée par la hiérarchie catholique et différents responsables, sont restées fermes dans leurs convictions et sont parvenues à vaincre l’opposition résolue de certains sénateurs qui auraient été très satisfaits de voir le texte à nouveau repoussé par de nouvelles mesures ».

Dans l’immédiat, la Conférence des évêques catholiques des Philippines a réagi en déclarant qu’elle maintenait sa campagne d’opposition au projet de loi. « Nos prières vont aux sénateurs, non pour qu’ils amendent la RH Bill mais qu’ils la rejettent définitivement », a déclaré le P. Melvin Castro, secrétaire de la Commission épiscopale pour la famille et la vie. Il a ajouté : « Nous ne ferons pas que prier pour eux, nous jeûnerons aussi si cela est nécessaire. Nous continuerons à expliquer à l’opinion publique et aux législateurs que nous n’avons pas besoin de ce type de loi pour prendre soin de la santé des mères et des femmes. » Au début du mois de mai dernier, l’Eglise s’était félicitée que le gouvernement reconnaisse que la croissance démographique était un fait positif pour l’économie, et non un frein au développement comme cela est souvent affirmé.

A la Chambre des représentants, la chambre basse du Congrès philippin, la session parlementaire s’est achevée ce 7 juin sans examen de la RH Bill. Son président, le speaker Feliciano Belmonte Jr., farouche partisan du projet de loi, a toutefois déclaré que dès que les députés siègeraient à nouveau, soit au mois de juillet prochain, la RH Bill serait en tête de liste des projets de loi à examiner. Il a ajouté que le projet de loi sur le divorce serait également soumis aux votes des députés.