Eglises d'Asie

Goa : l’Eglise catholique demande au gouvernement BJP de « faire preuve d’un peu d’humanité »

Publié le 03/07/2012




L’Eglise catholique à Goa a demandé au nouveau gouvernement BJP, parti nationaliste hindou, de ne pas priver de leur emploi les 230 candidats à des postes dans l’industrie minière d’Etat qui avaient été embauchés par le gouvernement précédent.

Le 28 juin dernier, le Conseil pour Paix et la Justice sociale (CSJP), branche sociale de l’archidiocèse de Goa (1), a publié une lettre ouverte adressée au ministre-président de Goa, Manohar Parrikar, dans laquelle il le presse de « faire preuve d’un peu d’humanité » en gardant les 230 chefs de chantiers destinés au département des exploitations minières et de géologie, qui s’étaient vus offrir un emploi par le gouvernement sortant, dominé par le Parti du Congrès, vaincu lors des élections de mars dernier.

Ce recrutement avait été lancé en février, très peu de temps avant le scrutin par l’ancien ministre-président Digambar Kamat alors sous le coup de graves accusations de corruption, concernant justement l’activité minière illégale dans l’Etat qu’il était soupçonné d’avoir couverte en échange de pots-de-vin conséquents. De jeunes candidats avaient été sélectionnés dans la précipitation pour 230 postes de chefs de chantier sur les sites miniers et au sein du département de géologie. Le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien – BJP) avait vivement critiqué ce qu’il considérait comme une manœuvre politique du Congrès, le qualifiant même de « job-for-vote ».

Dès son accession au pouvoir, le BJP, qui avait fait de la lutte anti-corruption son principal argument de campagne, avait mis un point d’honneur à « nettoyer » le secteur minier. L’une de ses premières mesures avait donc été de suspendre les embauches auxquelles s’était engagé son prédécesseur et de soumettre les dossiers de tous les candidats à l’examen du département de Vigilance.

Alors que le gouvernement vient de faire connaître son intention d’annuler ces contrats, le P. Maverick Fernandes, secrétaire exécutif du CSJP, affirme dans un communiqué en date du 28 juin que refuser leur emploi aux candidats qui ont été sélectionnés, équivaut à une violation des droits de l’homme. « Lorsqu’ils ont reçu leur acceptation de poste, la plupart des candidats ont quitté leur ancien travail », plaide le prêtre catholique, qui explique qu’aujourd’hui ces jeunes ont tout perdu alors qu’ils sont le plus souvent la seule et unique source de revenus de leurs familles. « Parce qu’il s’agit de retirer [à ces hommes] leur unique moyen de subsistance et cela sans aucune faute de leur part, cela revient à une simple question d’humanité », conclut-il.

En outre, le P. Fernandes rapporte, qu’après avoir étudié les dossiers qui ont été soumis au CSJP par les candidats, il est apparu clairement que « le protocole d’embauche avait été parfaitement respecté et que chacun des candidats avait répondu de manière satisfaisante aux critères demandés pour le poste ». Le communiqué adressé au chef de l’Etat poursuit : « En conséquence, il est incompréhensible que le gouvernement les ait empêchés de prendre leur travail, sans même une notification écrite leur en donnant les motifs. »

Depuis le retour du BJP à la tête de l’Etat de Goa, c’est la deuxième critique directe que l’Eglise catholique adresse au gouvernement de Manohar Parrikar. Au-delà des alliances provisoires comme celle qui avait récemment vu les chrétiens et les hindouistes s’unir contre le projet du gouvernement du Congrès de faire de Goa une destination touristique « gay-friendly », l’Eglise et le parti nationaliste sont habitués à croiser le fer régulièrement. Pourtant, c’est bien au vote catholique que le BJP doit la victoire de sa coalition en mars dernier. La présentation (et l’élection au sein de l’Assemblée) de cinq catholiques sur la liste du BJP, tout en provoquant une importante polémique au sein de l’Eglise, a en effet permis au parti hindouiste de remporter la majorité, acquise à quelques voix près.

Dans l’Etat de Goa, où la présence chrétienne est l’une des plus importantes de l’Union indienne (27 % de la population), les catholiques, très majoritaires parmi les chrétiens, représentent une bonne part de l’électorat que le BJP ne peut se permettre d’ignorer. C’est ce qu’en avril dernier le P. Fernandes avait rappelé au ministre-président en lui écrivant une première lettre ouverte dans laquelle il l’avait menacé de faire boycotter par les catholiques les élections des panchayats de village (2), pour irrégularités dans le découpage électoral et le processus de vote, lesquels favorisaient ouvertement les membres du BJP. Pressant le gouvernement de « remettre au plus vite le processus électoral dans les rails démocratiques », le secrétaire du CSJP avait évoqué la possibilité que « l’électorat catholique se retourne contre les autorités » si le vote ne présentait pas les garanties de « transparence et d’équité » nécessaires.