Eglises d'Asie

Le préfet apostolique dresse le bilan des 20 ans d’existence de la jeune Eglise catholique de Mongolie

Publié le 10/07/2012




Ce 10 juillet 2012, l’Eglise catholique en Mongolie fête officiellement ses 20 ans d’existence. A cette occasion, le préfet apostolique d’Oulan-Bator, Mgr Wenceslao Padilla, a adressé à ses fidèles une Lettre pastorale intitulée « Célébrer les 20 ans de la présence catholique en Mongolie ». Il y dresse un bilan contrasté …

… où se mêlent la joie de la croissance de la communauté catholique et l’inquiétude pour l’avenir, assombri par l’évolution très rapide de la société mongole.

L’Eglise de Mongolie s’est consacrée toute l’année à la préparation de cet anniversaire, lequel a déjà donné lieu à plusieurs célébrations (comme la fête de la Jeunesse mongole samedi dernier) et dont les festivités culmineront ces 10 et 11 juillet, date de l’arrivée en 1992 des premiers missionnaires philippins de la Congrégation du Cœur Immaculé de Marie (CICM), dont le futur préfet apostolique Mgr Padilla (1). A l’époque, la jeune nation mongole, tout juste libérée du joug communiste, venait de rétablir ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

Dans sa Lettre pastorale, Mgr Padilla rappelle la difficile naissance de la petite communauté catholique crée ex nihilo par sa congrégation. « Le 10 juillet 1992, une Eglise a vu le jour dans les steppes de l’Asie centrale – au moment même où trois missionnaires CICM ont posé le pied sur le sol mongol », écrit-il à ses fidèles, se réjouissant aujourd’hui de la croissance exceptionnelle d’une communauté « constituée à l’origine de zéro catholique, pour compter maintenant plus de 835 frères et sœurs mongols dans la foi, sans compter tous ceux qui se préparent au baptême ».

Avec l’arrivée des missionnaires fut instituée une première mission sui iuris, laquelle fut élevée le 8 juillet 2002 au rang de préfecture apostolique, Mgr Padilla étant nommé à sa tête. C’est donc un double anniversaire qui est célébré en ce mois de juillet 2012 ; les dix ans de la préfecture apostolique d’Oulan-Bator ont été commémorés par une messe solennelle dimanche 8 juillet dernier en la cathédrale Saint-Pierre-Saint-Paul, en présence de différentes autorités civiles et religieuses. Parmi ces dernières se trouvaient Mgr Savio Hon Tai-fai, secrétaire de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, et Mgr Lazare You Heung-sik, évêque de Daejeon, en Corée du Sud, un diocèse très impliqué dans l’évangélisation de la Mongolie.

Aujourd’hui, rapporte Mgr Padilla, 81 missionnaires de 22 nationalités travaillent dans le pays ; les deux premiers séminaristes autochtones sont en train de se former au séminaire de Daejeon, tandis que de jeunes catholiques suivent les cours de l’université de Saint-Louis de Baguio City, aux Philippines, dirigée par les CICM.

La préfecture apostolique de Mongolie compte quant à elle quatre paroisses : trois dans la capitale Oulan-Bator (Sainte-Marie, Saints Pierre-et-Paul, le Bon Pasteur) et la quatrième à Darhan, deuxième ville plus importante du pays (Marie-Secours des chrétiens, créée en 2007). A ces communautés, il faut également ajouter un nombre croissant de chapelles et de missions dont l’une deviendra en octobre prochain, la cinquième paroisse de Mongolie, sous le nom de Marie Mère de la Miséricorde.

Dans son message aux fidèles, le préfet apostolique poursuit le bilan de ces vingt années de mission : l’Eglise gère maintenant plusieurs centres d’accueil pour les enfants des rues, les jeunes, les personnes âgées, les handicapés, mais elle a ouvert également de nombreuses cliniques et des centres médicaux (un nouveau centre pour les plus pauvres sera ouvert cette année en banlieue d’Oulan-Bator). L’investissement des missionnaires a été tout aussi important dans le domaine éducatif, la Mongolie n’ayant pratiquement aucune infrastructure de ce type lors l’effondrement du régime soviétique. Les missionnaires dirigent aujourd’hui un bon nombre de jardins d’enfants, d’écoles primaires (dont plusieurs pour les enfants déshérités), de bibliothèques, de centres sociaux et même quelques fermes communautaires.

« C’est à l’invitation du gouvernement que l’Eglise est venue en Mongolie, et ce, pour les services dans le domaine social et éducatif qu’elle pouvait rendre », rappelle le P. Kuafa Hervé, CICM, prêtre à la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul. Agé de 34 ans, le missionnaire rapporte que depuis quelque temps, « le ton n’est plus aussi amical » entre l’Eglise et l’Etat, expliquant que la résurgence du chamanisme et une certaine méfiance envers l’Occident auquel est toujours associé le christianisme, a changé l’attitude du gouvernement et d’une grande partie de la population mongole.

« Il n’est plus permis d’évangéliser en dehors des bâtiments d’Eglise, les jeunes de moins de 16 ans doivent avoir l’autorisation écrite de leurs parents pour le catéchisme et les prêtres ne peuvent plus porter de signes distinctifs en public », rapporte le jeune vicaire qui décrit une « Eglise sous surveillance ». Ces dernières années, quelques incidents comme l’interdiction par les autorités de célébrer le culte catholique dans certaines régions, sont venus confirmer la mise en place d’une certaine forme de censure, contrastant avec l’euphorie des débuts de l’Eglise en Mongolie.

Mais pour Mgr Padilla, ce sont surtout les bouleversements économiques qui sont la cause de la récente transformation de la société mongole : avec la découverte du potentiel minier du pays, la vie de la population a été profondément modifiée. Dans sa Lettre apostolique, le prélat consacre un long développement à ces questions qui, selon lui, « auront de graves conséquences pour l’Eglise ».

S’inquiétant de l’inflation galopante camouflée par une apparente prospérité, Mgr Padilla dénonce l’inconséquence du gouvernement qui « distribue » à chaque habitant du pays des sommes d’argent et des actions des sociétés minières chinoises. L’Etat, dit-il, loin de stimuler l’économie, permet ainsi aux entreprises les moins pointilleuses sur les questions environnementales de piller les richesses naturelles de la Mongolie.

De plus, poursuit-il, « tout cela se fait au détriment de l’Eglise catholique, qui, en tant qu’organisation à but non lucratif, ne peut bénéficier d’aucun revenu local, ni des éventuelles retombées économiques promises aux habitants. Elle ne dépend que des fonds étrangers pour survivre et continuer ses activités au service de la population mongole. Or, ces derniers temps, la récession économique mais aussi la propagande gouvernementale sur la prospérité nouvelle de la Mongolie ont dissuadé nos donateurs de verser autant que les années précédentes. Avec la hausse des salaires, qui a atteint 53 % cette année, il est plus que probable que les missionnaires devront se serrer la ceinture, licencier une grande partie de leurs employés et renoncer à certains projets ».

Mais quoi qu’il en soit, poursuit le préfet apostolique, l’Eglise doit s’adapter aux changements d’une société devenue plus matérialiste et accompagner la population qui doit « passer de la ruralité et du nomadisme à l’urbanisation et à la sédentarité ». Notre rôle reste le même, affirme-t-il à ses fidèles : « enseigner à accueillir et à soutenir les plus pauvres » et « témoigner de l’Evangile et de ses valeurs ».

Selon les dernières estimations, les chrétiens, toutes confessions confondues, représentent à l’heure actuelle un peu plus de 2 % de la population mongole, laquelle suit majoritairement les pratiques d’un bouddhisme tibétain mêlé de croyances chamaniques, aujourd’hui en pleine renaissance.