Eglises d'Asie

Crise démographique : le gouvernement rejoint l’Eglise sur l’urgence d’une politique nataliste

Publié le 13/07/2012




Selon un rapport de l’Institut coréen de la santé et des affaires sociales, paru mercredi 11 juillet, la dénatalité qui touche la Corée du Sud est en passe de devenir irréversible.A l’occasion de la Journée mondiale de la population, célébrée pour la première fois en Corée du Sud mercredi 11 juillet, l’Institut coréen de la santé et des affaires sociales (KIHASA) a publié un rapport accablant sur l’avenir démographique du pays. …

« Nous devons relever notre taux de fécondité à 1,8 [enfants par femme] durant la prochaine décennie, sinon nous disparaitrons, a averti sans détour l’organisme dépendant du ministère de la Santé. Si nous ne nous maintenons pas cet indice au niveau minimum de 1,8, nous passerons sous la barre des 50 millions d’habitants [d’ici une vingtaine d’années] et nous ne pourrons plus garder notre place sociale, économique et militaire dans le monde. » La Corée du Sud compte aujourd’hui près de 49 millions d’habitants.

Actuellement, le taux de fécondité des Sud-Coréennes – l’un des plus bas du monde – se situe à 1,22 enfant par femme en âge de procréer et ne montre aucun signe de reprise. Néanmoins, après vingt ans d’une politique résolument antinataliste, le gouvernement semble de plus en plus conscient des conséquences dramatiques du vieillissement de la population, et surtout du non-renouvellement des générations (celui-ci ne pouvant s’effectuer qu’à partir d’un taux de fécondité de 2,1). Une grande campagne d’affichage interpellait récemment les Sud-Coréens en leur disant : « En avortant, vous avortez du futur ».

Depuis plus de vingt ans, l’Eglise catholique – et avec elle, d’autres instances religieuses sud-coréennes – lutte contre la poursuite des politiques antinatalistes lancées sous le régime militaire (1961-1987), qui voyait dans un taux élevé de croissance démographique une menace pour le développement économique. Ce fut durant cette période que fut votée en 1973 la « loi sur la santé de la mère et de l’enfant », dont l’Eglise catholique réclame avec constance l’amendement, en particulier son article 14 qui légalise de facto l’avortement (1).

Aujourd’hui, l’avortement est largement pratiqué en Corée du Sud où les chiffres officiels évoquent 340 000 interruptions volontaires de grossesses (IVG) par an. L’Eglise catholique en dénombre quant à elle 1,5 million. La plus grande part des avortements échappe en effet aux statistiques officielles, l’acte n’étant ni remboursé ni comptabilisé dans les actes médicalisés (l’IVG, pratiquée souvent de façon non déclarée, est alors payée en liquide).

Pour tenter d’inverser la tendance, l’Eglise catholique a lancé ces dernières années de nombreux programmes en faveur des familles et de la « culture de vie », pilotant entre autres des programmes d’aide aux futures mères en difficulté, mettant à leur disposition des maisons d’accueil ainsi qu’un encadrement social, psychologique et médical. Le 8 février dernier, lors d’une célébration en faveur de « la culture de vie », Mgr Gabriel Chang Bong-hun, évêque de Cheongju et président du Comité de bioéthique de la Conférence épiscopale, a de nouveau appelé à la suppression de la loi, rappelant que « l’Eglise catholique enseignait que la vie humaine commençait dès la fécondation, et que l’avortement comme la destruction des embryons humains étaient des crimes graves attentant à la vie ».

Rejoignant les préconisations faites depuis des années par les responsables catholiques, les experts du KIHASA ont pressé le gouvernement de s’impliquer plus concrètement dans le redressement du taux de natalité du pays. Les conclusions du rapport enjoignent les autorités d’augmenter les dépenses de l’Etat pour la politique familiale (actuellement inférieures à 1 % du PIB) (2) et de mettre en place des dispositifs permettant d’aider financièrement ceux qui « décident de fonder une famille ».

Selon l’Institut, le problème le plus difficile auquel devra s’atteler l’Etat est le changement des mentalités, après des décennies d’incitation à la diminution des naissances. « Beaucoup trop de Sud-Coréens cherchent à éviter de se marier et d’avoir des enfants », constate ainsi l’organisme qui souligne que le gouvernement doit prendre ses responsabilités en incitant la population à ne pas avoir peur des conséquences financières de la venue d’un enfant, un obstacle essentiel dans l’esprit des Sud-Coréens, selon l’étude. « L’Etat, ainsi que les employeurs, doivent mettre en place un système de protection sociale et d’assurance maladie pour les familles qui ont des enfants. »

En Corée du Sud, où le niveau de protection sociale est le moins élevé des pays de l’OCDE, des études ont démontré que les conséquences financières et professionnelles à la venue d’un enfant étaient considérées comme les freins les plus importants à la reprise de la natalité. Selon un sondage du ministère de l’Egalité des sexes et de la Famille de 2008, portant sur les femmes mariées, il a été constaté que plus de la moitié d’entre elles avaient dû quitter leur travail en raison de leur mariage, de leur grossesse ou de la naissance d’un enfant. Plus récemment, une enquête de l’Institut de Développement des Femmes coréennes a révélé qu’en 2011, seulement 18,3 % des femmes enceintes déclaraient avoir pris un congé maternité.

En Corée du Sud, l’investissement dans l’éducation est très élevé afin d’assurer le meilleur avenir possible pour ses enfants et ces dépenses atteignent parfois près de 10 % du budget des ménages sud-coréens. Dans une société accordant à la réussite professionnelle et financière un rôle si central que la perspective du chômage pousse bon nombre de personnes au suicide chaque année, les difficultés pour les femmes à retrouver du travail après une grossesse, comme la perspective de ne pas pouvoir assurer l’avenir matériel de leur enfants, sont des éléments que le gouvernement doit prendre en compte dans sa politique en faveur de la natalité, conclut le rapport.

Le KIHASA révèle également que la Corée du Sud est désormais reléguée à la 32ème place sur les 34 pays de l’OCDE, pour ce qui est de son « indice de bonheur » (fondé sur des critères comme la qualité de vie, le taux d’emploi, le réseau social etc.).