Eglises d'Asie

Le vote de la RH Bill prévu pour le 7 août : l’Eglise se mobilise

Publié le 27/07/2012




Ce vendredi 27 juillet, les évêques catholiques ont appelé à une mobilisation générale afin de contrer la loi controversée sur « la santé reproductive » (communément appelée RH Bill – Reproductive Health Bill), que l’administration Aquino veut faire passer en force malgré la forte opposition depuis des années de l’Eglise, très majoritaire aux Philippines.

La loi sera soumise au vote du Sénat le 7 août prochain, ont annoncé jeudi 26 juillet, les représentants de la Chambre des représentants au sein de laquelle les débats concernant la RH Bill sont considérés comme clos. Il ne reste plus que le vote du Sénat pour entériner la loi, après des débats qui s’achèveront lundi 30 juillet prochain. Cette accélération des procédures parlementaires fait suite au discours à la nation prononcée par ‘Noynoy’ Aquino lundi dernier, dans lequelle il a pressé le Parlement d’approuver, entre autres mesures, la loi sur la « santé reproductive » rebaptisée depuis 2011 Responsible Parenthood, Reproductive Health and Population Development Act.

L’Eglise qui, aux côtés de différents acteurs de la société civile et politique, d’associations, d’universitaires et d’économistes, lutte depuis des années contre une loi qui va « à l’encontre de la culture de vie » (1) se prépare à organiser des manifestations de protestation massives ainsi que des veillées de prière afin d’empêcher l’adoption de la RH Bill.

« Les gens sont libres de faire part de leurs convictions, aussi bien ceux qui sont pour la RH bill que ceux qui sont contre. Et ces derniers doivent savoir que notre soutien leur est totalement acquis » a déclaré sur Radio Veritas, Mgr Jose de Palma, archevêque de Cebu et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP).

Partout dans le pays, les responsables catholiques ont eux aussi accordé publiquement leur soutien aux manifestants, qu’il s’agisse de ceux s’apprêtant à faire entendre leur opposition, ou de ceux qui avaient participé aux houleuses démonstrations de protestation qui ont accompagné lundi 23 juillet, le traditionnel discours à la nation du président Benigno Aquino.

Entre 5 000 et 10 000 manifestants selon les sources, ont en effet manifesté à Manille pendant que le président philippin prononçait son traditionnel discours sur l’Etat de la nation (Sona) – le troisième depuis son élection. D’autres marches de protestations rassemblant des milliers de personnes, avaient lieu parallèlement dans différentes villes de l’archipel, scandant les mêmes accusations contre le président accusé d’avoir trahi le parti des pauvres en ne tenant pas ses promesses électorales (2) et de vouloir presser le vote de la RH Bill en dépit de l’opposition d’une grande partie de la population. La manifestation de Manille a cependant donné lieu à des affrontements entre protestataires et forces de l’ordre qui ont fait plus d’une centaine de blessés.

Après avoir brûlé des effigies de ‘Noynoy’ Aquino, la foule composée de groupes d’étudiants, de syndicats, de paysans, de divers opposants politiques, de militants des droits de l’homme mais aussi de responsables des Eglises et d’associations de la société civile, avait tenté d’approcher la chambre des représentants devant laquelle le président prononçait son discours. Les violences ont commencé lorsque les manifestants se sont heurtés au barrage des 6 000 policiers mobilisés pour endiguer la manifestation. Parmi les victimes des affrontements avec la police, on compte plusieurs prêtres catholiques, séminaristes et pasteurs protestants dont un prêtre catholique qui a été grièvement atteint à la tête et se trouve actuellement à l’hôpital dans un état préoccupant.

Rommel Linatoc, du Conseil National des Eglises des Philippines (organisme rassemblant les principales dénominations protestantes), a expliqué pour sa part s’être joint aux manifestants pour dénoncer le fait « qu’avec Aquino, rien n’avait changé », ni les violations des droits de l’homme, ni les exécutions extra-judiciaires, ni la corruption.

Sur le site de la CBCP, Mgr Oscar Cruz, archevêque émérite de Lingayen-Dagupan, a déclaré mardi 24 juillet qu’il soutenait sans équivoque la « mobilisation de masse de la population philippine » qui s’était tenue la veille et a appelé le président à réfléchir sur le terme de « parentalité responsable » que ce dernier avait abondamment utilisé dans son discours à la nation pour désigner la RH Bill (3). « Je pense que le président ne connait pas le sens de ce terme, qui appartient en fait au vocabulaire ecclésial, a ironisé le prélat, ajoutant que « la notion de ‘parentalité responsable’ était la clef de voûte du principe de planification naturelle des naissances », selon l’encyclique Humanae Vitae de 1968.

Si depuis le discours du président philippin du 23 juillet, la plupart des évêques catholiques de l’archipel ont réitéré clairement leur opposition à l’adoption de la RH Bill, l’annonce du vote de la loi le 7 août prochain a déclenché une mobilisation immédiate de tous les responsables des Eglises chrétiennes.

Membre du conseil permanent de la CBCP, Mgr Leonardo Medroso a appelé tous les croyants à intensifier leur campagne contre la loi, et les prêtres à célébrer des messes avec « l’intention spéciale du prélat » (Oratio Imperata) (1). « Nous devons continuer notre campagne et notre prière afin d’éveiller les consciences, spécialement celles des législateurs qui sont en faveur de la RH Bill », a déclaré le prélat ce 27 juillet, dans des propos repris par le Philippine Daily Inquirer. « L’Oratio imperata est l’un des moyens dont nous avons pu constater qu’il pouvait le plus interpeller les consciences », a-t-il ajouté.

Des veillées de prière, des marches et des neuvaines sont également mises en place actuellement par les diocèses. Le P. Melvin Castro, secrétaire exécutif de la commission sur la Famille et la Vie de la CBCP, a proposé de son côté une neuvaine à l’intention des membres du Congrès, qui sera lancée samedi prochain pour se terminer le 6 août, veille du vote.

« Notre demande est que le débat se poursuive. S’ils [les sénateurs] prennent la décision de le clore, ils doivent être certains que les tenants et aboutissants de cette loi ont été clairement compris par l’ensemble de la population », a-t-il déclaré sur le site de la CBCP.