Eglises d'Asie – Népal
L’ONU condamne les récentes attaques contre les écoles privées
Publié le 01/08/2012
Dans la nuit du 27 juillet dernier, le président du Népal, Ram Baran Yadav, a publié une déclaration dans laquelle il exprimait sa profonde préoccupation au sujet des actes de violence contre les écoles commis par des groupes de jeunes nationalistes et « a pressé le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur d’assurer la sécurité des établissements scolaires ».
Cette déclaration faisait suite à la condamnation le 24 juillet par les représentants au Népal des Nations Unies, de la Commission des droits de l’homme, de l’UNICEF et de l’UNESCO, des attaques des écoles mais surtout de l’incendie criminel de deux bus scolaires, l’un à Katmandou et l’autre sur la route de Dharan dans l’est du pays, alors qu’il transportait 150 élèves.
« Nous condamnons dans les termes les plus vifs ces actes criminels, et demandons aux autorités de mener les investigations nécessaires afin d’identifier les responsables », ont déclaré les organisations internationales dans un communiqué commun. « De tels actes vont à l’encontre du droit des enfants à recevoir une éducation dans un environnement exempt de toute violence ou insécurité : des vies d’enfants ont été mises en danger et leur droit à l’éducation bafoué », ont-elles poursuivi, rappelant qu’en mai 2011 le gouvernement népalais avait ratifié leur résolution déclarant toutes les écoles et les espaces scolaires « zones de paix ». Ces attaques de bus, « alors que des élèves étaient encore à l’intérieur, auraient pu avoir des conséquences dramatiques », ont encore souligné les représentants des Nations Unies, de l’UNICEF et de l’UNESCO.
Les jeunes militants des partis maoïstes et de la branche extrémiste du Congrès népalais ont commencé leurs attaques le 15 juillet, en saccageant six écoles privées, détruisant les installations et le matériel scolaires. Puis de jeunes maoïstes ont attaqué six autres collèges dont le Rato Bangla School, l’Everest Florida College, le South Western State College ou encore le Kathmandu Institute of Science and Technology College. D’autres attaques ont été rapportées pour les jours suivants, dont les incendies des deux bus de transport scolaire, qui n’ont heureusement pas fait de victimes.
Les militants nationalistes ont justifié leurs actions au nom d’une campagne contre « les inégalités dans le système éducatif népalais »(1) et l’utilisation de noms étrangers pour les établissements scolaires. Les écoles privées visées avaient toutes en commun de recevoir des fonds de l’étranger ou d’être dirigées par des organismes extérieurs au pays. Il semble que seuls les établissements dirigées par les jésuites aient été pour le moment épargnés par la vague de violence.
Sharad Rasaili, coordonateur de la All Nepal National Independent Students´ Union (Revolutionary), maoïste, a expliqué que ces attaques étaient des « actes symboliques » destinés à « se faire entendre du gouvernement » pour dénoncer les coûts de scolarité élevés de ces établissements dûs à « des malversations financières honteuses », ainsi que le fait que ces écoles portaient atteinte à « l’identité nationale et culturelle du pays » en arborant des noms étrangers. Au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue le 29 juillet, le même mouvement a « donné une semaine » aux établissements en question pour changer de nom.
Parallèlement, une pétition a été déposée devant la Cour Suprême du Népal le 23 juillet par les avocats Raj Kumar Rana et Dayaram Humagain, réclamant un contrôle plus sévère des écoles privées, dénonçant des frais scolaires trop coûteux qui « creusaient le fossé entre le niveau du public et du privé », et demandant que des noms népalais soient attribués à toutes les écoles, places et clubs au Népal ayant des dénominations étrangères.
Des revendications qui semblent avoir l’aval du gouvernement lequel a annoncé « réfléchir à la question », et préparer des réformes concernant les écoles privées pour les mois prochains. Certains médias ont stigmatisé l’impunité patente dont jouissaient les auteurs des actes de violence qui ne se cachaient pas et n’avaient pas même été inquiétés.
Face à la vague de panique que cette flambée du nationalisme a provoqué parmi les minorités religieuses, particulièrement visées par ces attaques, Subash Nemwang, ancien porte-parole de l’Assemblée Constituante (dissoute depuis mai dernier), a déclaré le 29 juillet que la nouvelle constitution (2) entérinerait la laïcité de l’Etat et qu’aucun « retour en arrière », comme la réhabilitation d’un Etat hindou, n’avait été envisagé par les parlementaires.
Subash Nemwang s’exprimait lors d’un grand rassemblement, organisé à Katmandou par Freedom for All Nepal, une organisation récemment créée pour la protection des minorités et la laïcité de l’Etat. Ce meeting auquel participaient des représentants des différentes religions du pays, était retransmis en direct à la télévision. Egalement présents, le ministre de la paix et de la reconstruction,Top Rayamaihi, le chef du parti du Congrès népalais, Arjun Narsingh, ainsi que le leader du parti communiste ( CPN-UML) Pradeep Nepal, et le président du parti maoïste (UCPN ), Ram Karki, ont assuré eux aussi, que le maintien de la laïcité du pays était la priorité du gouvernement.
Le Rév. Chari Gahatraj, président de Freedom for All et également à la tête de la Nepal Christian Federation (NCF), a cependant rappelé que parmi les débats houleux qui avaient empêché l’Assemblée, à plusieurs reprises, d’achever la Constitution du pays, se trouvaient en première ligne le caractère séculier du pays et la question d’une éventuelle promulgation de lois anti-conversion qui permettraient de rétablir un Etat hindou, des mesures contre lesquelles les chrétiens et les différentes minorités religieuses s’étaient fortement mobilisées ces derniers mois.
Le lendemain du meeting, Damodar Gautam, qui dirige la branche népalaise de la World Hindu Federation et avait décliné l’invitation à la réunion, a reproché aux minorités religieuses d’utiliser la laïcité « comme slogan pour la liberté religieuse », ajoutant que « ce terme étant anti-religieux par définition, toutes les confessions devraient s’y opposer dans un pays aussi profondément spirituel que le Népal ».