Eglises d'Asie

Immolation de la mère d’une blogueuse emprisonnée : le gouvernement reconnaît les faits

Publié le 02/08/2012




Ce jeudi 2 août, Luong Thanh Nghi, porte-parole vietnamien des Affaires étrangères, a reconnu officiellement et pour la première fois, la mort « lors de son transfert à l’hôpital » de Dang Thi Kim Lieng, 64 ans, mère d’une blogueuse emprisonnée depuis 2011, décédée des suites de son immolation par le feu le 30 juillet, et a annoncé le lancement d’une « enquête sur l’incident ». Jusqu’à aujourd’hui …

… aucun média d’Etat n’avait parlé de cette affaire et le gouvernement avait refusé de répondre aux questions des journalistes comme des diplomates étrangers.

Cette confirmation officielle suit de très près la parution mercredi 1er août d’un communiqué des Etats Unis qui se sont déclarés « profondément préoccupés et attristés d’apprendre l’immolation [de Lieng] qui serait liée aux circonstances de la détention de sa fille [Ta Phong Tan ]», et ont demandé au gouvernement vietnamien de “relâcher immédiatement les trois blogueurs” actuellement emprisonnés et en attente de leur jugement, au nom de la liberté de la presse.

Ta Phong Tan ainsi que deux autres blogueurs ‘dissidents’ (1) doivent en effet être jugés le 7 août prochain, pour avoir publié des articles « de propagande portant atteinte à la sécurité de l’Etat » sur le site internet interdit du “Club des journalistes libres”, fondé en septembre 2007.

Maria Ta Phong Tan, convertie catholique, appartenait à la police vietnamienne avant de devenir l’une des plus célèbres blogueuses en faveur des droits de l’homme du Vietnam (2). Agée de 43 ans, elle est en prison depuis septembre 2011 pour « divulgation de fausses informations portant atteinte au Parti (communiste) et à l’État ». Sur son blog, elle publiait de nombreux articles dénonçant des affaires de corruption, en particulier au sein du système judiciaire du pays. Elle avait notamment révélé les violations des droits de l’homme dans l’univers carcéral qu’elle connaissait de par son ancienne profession. Sa conversion au catholicisme à l’âge adulte a été considérée comme une « trahison » supplémentaire aux yeux des autorités, Ta Phong Tan ayant été au début de sa carrière la fidèle représentante d’une génération formée à l’idéologie du Parti.

Ta Minh Tu, sœur de la blogueuse, a expliqué à Radio Free Asia (RFA) que leur mère, « très affectée » par la situation de sa fille qui encourt une peine de vingt ans de prison, était également harcelée par les autorités qui la menaçait d’expulsion de son lieu d’habitation. Surveillée « 24 h sur 24 », elle avait été interrogée à plusieurs reprises par la police, et n’avait jamais pu obtenir l’autorisation de voir sa fille depuis son incarcération, dix mois plus tôt.

Par ce geste de désespoir, très rare au Vietnam (3), et en s’immolant devant les bâtiments du gouvernement de la province de Bac Liêu, Dang Thi Kim Lieng voulait protester contre l’iniquité du système judiciaire dont sa fille allait être victime pour en avoir justement dénoncé les abus. Ses funérailles doivent avoir lieu aujourd’hui jeudi 2 août.

La blogosphère a immédiatement réagi à ce nouveau drame en publiant de nombreux commentaires et articles sur la politique de répression du régime et les violations répétées des droits de l’homme au Vietnam. Ces trois dernières années, des dizaines de blogueurs ont été emprisonnés, toujours sous l’accusation de « propagande portant atteinte à la sécurité de l’Etat ». Selon le dernier rapport de Reporters sans Frontières, du 12 mars 2012, le pays est classé parmi les Etats exerçant la cyber-censure la plus forte.