Eglises d'Asie

Condamnation à quatre ans de prison d’un journaliste qui dénonce la corruption dans le pays

Publié le 12/09/2012




Un tribunal de Saigon a condamné un grand reporter du journal le plus lu du Vietnam, Tuôi Tre, à quatre ans de prison pour « corruption active ». Cette sentence, prononcée le 7 septembre dernier, a provoqué de fortes protestations de la part de certaines associations internationales comme Reporters sans frontières. Elle a aussi troublé l’opinion intérieure ; dans le pays, les débats sur le bien-fondé et les motivations profondes de ce jugement sont loin d’être achevés.

Le journaliste Hoang Khuong, 37 ans, avait été arrêté au début de l’année sous l’accusation de corruption de fonctionnaires. A l’époque des faits, il travaillait à un reportage sur les fonctionnaires qui acceptaient, moyennant finances, de fermer les yeux sur des infractions à la circulation routière.

A son procès, le journaliste a expliqué qu’il avait commis l’erreur d’accepter de remettre une somme d’argent à un officier de police de la part d’un trafiquant. Hoang Khuong a certifié que, en jouant ce rôle d’intermédiaire, il ne poursuivait aucun intérêt personnel, son seul but étant de recueillir des informations sur la corruption de certains fonctionnaires. La remise d’argent au fonctionnaire de police avait eu lieu en juin 2011. Et il avait, par la suite, publié les résultats de son enquête dans des articles publiés les 3 et 10 juillet. Lorsque le journaliste a pris la parole à la fin du procès, il a déclaré que, s’il n’avait pas écrit ces articles, il n’aurait pas comparu devant le tribunal et n’aurait pas été condamné. Tout en reconnaissant que l’action qui lui étaie reprochée était une erreur, il a affirmé qu’elle devait être comprise dans le cadre de ses recherches professionnelles et, plus généralement, dans celui de la lutte contre la corruption, une ligne politique préconisée par l’Etat et le Parti communiste depuis déjà de très nombreuses années.

Le procureur a requis une peine de six à sept ans de prison. La défense a plaidé l’innocence et demandé la libération immédiate de l’accusé. Le tribunal a tenu compte des mérites acquis par le journaliste en publiant ses articles contre la corruption. Il a prononcé une sentence de quatre ans de prison ferme.

La réaction la plus vigoureuse à cette condamnation a été celle de l’association internationale Reporters sans frontières, qui a estimé la sentence aussi injuste que scandaleuse et a en réclamé la libération immédiate du journaliste. « En punissant Khuong pour ses enquêtes et ses deux reportages sur la corruption de la police, le juge a transformé un service d’intérêt général en crime passible de prison », peut-on lire dans le communiqué publié par l’association, le jour même du procès.

A l’intérieur du pays, les comptes-rendus du procès publiés par la presse gouvernementale ne mettent pas en doute la culpabilité du journaliste. Cependant, l’accusation de corruption active portée contre le journaliste est loin d’avoir convaincu l’ensemble de l’opinion.

Selon un reportage de Radio Free Asia, le journaliste s’était rendu célèbre par de très nombreux articles révélant et fustigeant diverses affaires de concussion. Dans les milieux intellectuels et juridiques, beaucoup ont pensé que le procès et la condamnation ont été voulus par une coalition des instances concernées, désireuses de se venger et de faire taire un gêneur. Beaucoup sont persuadés que, s’il n’avait pas été impliqué dans cette lutte contre la concussion, le journaliste n’aurait même pas été cité en justice. Certains mettent en rapport ce jugement avec les décisions du dernier plénum du Comité central du Parti, qui, précisément, demandait le renforcement de la campagne contre la corruption… (1)