Eglises d'Asie

Les trois blogueurs dissidents condamnés à de très lourdes peines

Publié le 25/09/2012




Ce 24 septembre 2012, trois des blogueurs les plus connus du Vietnam ont comparu devant le Tribunal populaire de Saigon sous l’accusation de propagande antigouvernementale. Les sentences prononcées contre eux, à l’issue d’un procès de quelques heures à peine, ont été exceptionnellement lourdes. Le premier, le plus célèbre, Nguyên Van Hai, plus connu sous le nom de son blog « Diêu Cây » (‘la pipe du laboureur’), a été condamné à la peine la plus sévère : douze ans de prison ferme et cinq ans de résidence surveillée.

Le tribunal a prononcé une sentence de dix ans de prison et de cinq ans de résidence surveillée contre Ta Phong Tân, ancien officier de police, convertie au catholicisme et responsable d’un blog intitulé « Justice et vérité ». Sa mère s’est récemment immolée par le feu pour protester contre la détention de sa fille.

Le troisième, Phan Thanh Hai, qui signe son blog du nom de « Anh Ba Saigon », le seul qui ait plaidé coupable, a écopé de quatre ans de prison et trois ans de résidence surveillée.

La gravité des peines prononcées à ce procès, reporté à plusieurs reprises, n’est sans doute pas sans rapport avec la campagne lancée par le Premier ministre, quelques jours auparavant, visant à empêcher dissidents et opposants de faire entendre leur voix à travers ce type de médias.

L’accès à la salle d’audience avait été sévèrement filtré et contrôlé. Une salle spéciale avait été prévue pour les diplomates et les journalistes qui ont pu suivre les débats sur un écran de télévision. Des barrières disposées dans les rues menant au tribunal empêchaient le passage des personnes désireuses d’assister aux débats. Plusieurs témoins, dont l’avocat de Diêu Cây, ont pu constater que les parents des accusés n’ont pas pu assister au procès. Pour la plupart, ils avaient été arrêtés ou assignés à résidence, très tôt dans la matinée. Ainsi, l’épouse de Diêu Cây, après avoir reçu une autorisation pour assister à l’audience, a été convoquée par la police pour interrogatoire dans la matinée du 24 et a été retenue au poste de police jusqu’à la fin du procès. Les amis et les proches des trois accusés ont aussi été retenus par la police, comme le blogueur Huunh Công Thuận et quelques autres. Un groupe de dix catholiques, parmi lesquels deux religieux rédemptoristes, ont également été arrêtés alors qu’ils essayaient d’approcher du tribunal.

Jusqu’à présent, peu de choses ont été révélées concernant le contenu des débats lors du procès. Le représentant de l’AFP a rapporté une déclaration de Diêu Cây à la fin de l’audience. Ce dernier affirmait que ses critiques n’avaient jamais eu pour cible l’Etat lui-même, mais « l’injustice, la corruption, la dictature, qui ne représentaient pas l’Etat mais seulement quelques individus ». La transmission du son a été ensuite brusquement coupée. Selon ce même témoin, le juge a estimé que les trois blogueurs avaient « abusé de leur popularité sur Internet pour poster des articles qui noircissaient les dirigeants, sapaient et critiquaient le Parti ». Quant à l’avocat, à l’issue du procès, il a déclaré à Radio Free Asia qu’il n’y avait pas eu de véritable confrontation entre l’accusation et la défense. Selon lui, les droits de cette dernière n’avaient pas été respectés.

Diêu Cây, dans son blog, s’était exprimé sur tous les sujets « sensibles » de la société vietnamienne d’aujourd’hui : la corruption, les empiétements territoriaux de la Chine, les confiscations de terre, l’affaire de la bauxite… Ces articles étaient attendus chaque jour par de milliers de lecteurs. Il a été arrêté le 19 avril 2008. Cinq mois plus tard, un tribunal populaire de Saigon l’avait condamné à deux ans et demi de prison pour une prétendue fraude fiscale, en réalité pour le faire taire. Cette détention avait été prolongée jusqu’à ce procès du 24 septembre où il vient seulement d’être jugé pour sa véritable activité, à savoir les textes parus sur son blog.
Anh Ba Saigon et Tạ Phong Tân traitaient de sujets analogues dans leurs blogs respectifs. Cette dernière avait soutenu avec vigueur les catholiques de la paroisse de Thai Ha lors de leur procès. Son début de carrière dans la police la rendait plus dangereuse aux yeux de la censure officielle.