Eglises d'Asie

A deux mois des élections présidentielles, l’Eglise catholique publie ses recommandations

Publié le 19/10/2012




Comme ils en ont pris l’habitude ces dernières années, l’épiscopat catholique sud-coréen vient, à deux mois des élections présidentielles du 19 décembre prochain, de publier un livret détaillant les recommandations politiques que l’Eglise adresse au personnel politique en général et aux futurs dirigeants du pays en particulier.

Selon le P. Hugo Park Jung-woo, secrétaire du Comité ‘Justice et Paix’ de la Conférence épiscopale, l’Eglise catholique, qui réunit un peu plus de 10 % des Sud-Coréens, « a le devoir de faire connaître le jugement moral qu’elle porte y compris sur les affaires politiques car la défense des droits fondamentaux de la personne humaine ainsi que le salut des âmes l’exigent ».

Long de 31 pages, le livret des évêques prend des allures de catalogue dans sa volonté de balayer l’ensemble des questions sur lesquelles les catholiques prennent position depuis de nombreuses années en Corée. On y trouve ainsi un appel aux candidats à la magistrature suprême en vue d’abolir la peine de mort ou bien encore une invitation à amender la Loi sur la sécurité nationale de 1948, jugée contraire aux libertés fondamentale (car permettant la mise en examen de toute personne se livrant à « l’apologie » ou au « soutien » de la Corée du Nord). En matière de défense de la vie, les évêques voudraient que le gouvernement révise ou même abroge la Loi sur la santé de la mère et de l’enfant, le texte qui légalise de fait l’avortement dans le pays (la loi permet l’avortement en cas de viol ou d’inceste, ou bien lorsque la santé mentale ou physique de l’un ou l’autre parent n’est pas assurée).

En matière sociale, les évêques appellent de leur vœu la mise en place d’une société plus « juste » et respectueuse tant des personnes que de l’environnement. A cet égard, le P. Park cite les heurts et controverses qui accompagnent la construction d’une base navale sur l’île méridionale de Cheju (Jeju), le harcèlement exercé par la police sur les opposants au projet – dont de nombreux chrétiens – posant problème. Il cite aussi le licenciement massif de 2 600 salariés du constructeur automobile Ssangyong en 2009, qui a été suivi de violents affrontements avec la police. Ces licenciements illustrent « un cas où le capital a traité les travailleurs comme un simple outil, comme une variable d’ajustement », a précisé le P. Park, affirmant que l’être humain ne doit jamais être réduit à l’état de moyen dans la recherche d’un objectif commercial.

Publié suffisamment tôt avant la date des élections du 19 décembre pour ne pas être perçu comme une démarche partisane, le livret des évêques catholiques s’inscrit néanmoins dans la campagne électorale, désormais pleinement lancée. Le dépôt des candidatures est clos et neuf candidats brigueront les suffrages des électeurs. Trois d’entre eux constituent les principaux prétendants : Park Geun-hye, fille du dictateur Park Chung-hee (au pouvoir de 1961 à 1979), est la candidate du camp conservateur, celui du président sortant, le protestant Lee Myung-bak, dont le mandat s’achève dans un climat de désillusion et d’amertume ; face à elle se trouve Moon Jae-in, avocat défenseur des droits de l’homme et candidat du Parti démocrate unifié (actuellement dans l’opposition, le parti est affaibli par ses luttes internes) ; et enfin le candidat indépendant, nouveau venu dans le paysage politique, Ahn Cheol-soo, ancien médecin et chef d’entreprise auréolé du prestige de sa réussite professionnelle.

Pour l’heure, les trois candidats sont au coude à coude dans les sondages mais les analystes politiques locaux placent Ahn Cheol-soo en position de faiseur de roi en fonction des alliances qu’il passera éventuellement. Agé de 49 ans, Ahn réussit à capter les attentes de la population, du moins tous ceux qui s’inquiètent du chômage des jeunes, de la compétition scolaire exacerbée, du fossé grandissant entre riches et pauvres (lui-même a fait fortune avec son entreprise de logiciels anti-virus mais en décembre dernier il a exprimé la volonté de faire don de la moitié de ses actions en faveur de l’éducation des enfants issus de foyers défavorisés), ou bien encore des tensions récurrentes avec la Corée du Nord et de la défiance envers la classe politique.

Sur un plan religieux, les candidats ne négligent aucune chance de courtiser l’électorat dans un pays où, outre les catholiques (10,9 % de la population), les protestants sont nombreux (18,3 % de la population) et les ordres bouddhiques puissants (22,8 % de la population). La candidate Park Geun-hye a ainsi rendu visite aux principaux responsables religieux, qu’ils soient protestants, catholiques ou bouddhistes (notamment ceux de l’Ordre Jogye). L’entourage de la candidate la décrit comme athée bien qu’ayant été baptisée dans la foi catholique lors de ses années d’études à l’Université Sogang, établissement jésuite. Ce même entourage prend soin de préciser que feu sa mère, Yuk Young-soo (assassinée le 15 août 1974 sous les balles d’un assassin pro-nord-coréen qui visait son époux) était profondément bouddhiste et qu’elle-même est proche de plusieurs éminents protestants. Manière sans doute de montrer que Park Geun-hye est « compatible » avec les trois religions, à la différence du président sortant Lee Myung-bak dont la foi protestante évangélique a été, à l’occasion, mal perçue par certains responsables bouddhistes.

Moon Jae-in, à l’image d’un grand nombre de militants des droits de l’homme en Corée du Sud, est chrétien. Catholique pratiquant, il ne met toutefois pas en avant son appartenance religieuse dans son engagement politique. Ahn Cheol-soo a déclaré quant à lui ne pas être affilié à l’une ou l’autre religion ; son épouse est connue comme catholique et engagée comme bénévole dans un hôpital.