Eglises d'Asie

Côn Dâu : malgré les pressions, les habitants d’une centaine de foyers refusent toujours de quitter leurs maisons

Publié le 16/11/2012




A Côn Dâu, les chances de voir leurs revendications acceptées diminuent chaque jour un peu plus pour les foyers qui sont encore une centaine à s’accrocher à leurs maisons et à leur église, voués à disparaître pour laisser place à une « zone touristique écologique ». Lors d’une réunion organisée en août dernier, le secrétaire du parti communiste de la ville de Da Nang, …

… tout en déclarant qu’il était prêt à écouter toutes les doléances, avait cependant affirmé que personne ne resterait sur place… Car, ajoutait-il, tous les terrains habités et cultivés étaient déjà vendus.

Depuis lors, la pression de la municipalité s’appesantit chaque jour davantage même si elle ne s’exerce pas sur l’ensemble du village, mais seulement sur chacun des foyers, l’un après l’autre. Le 17 octobre dernier, une nouvelle maison a été rasée par les forces de l’ordre et ses habitants ont été obligés de quitter les lieux.

Déjà, près des deux tiers des familles (soit 250 sur 350) ont abandonné leurs maisons. Au tout début, certains habitants avaient volontairement vendu leurs demeures et leurs terres pour aller vivre ailleurs et échapper ainsi à la pression des autorités du district. Mais, pour la plupart d’entre eux, les habitants de Côn Dâu ont été obligés de partir en se soumettant aux conditions fixées par la municipalité et de rejoindre le lieu de résidence qui leur était assigné. Aux dires des paroissiens encore sur place, la vie de ces « expatriés » est loin d’être meilleure que celle qu’ils menaient autrefois. Désormais dans l’impossibilité d’exploiter les terres qui étaient leur seule source de revenus, dépourvus de toute qualification professionnelle, ils n’ont pour le moment aucune perspective d’avenir.

Une centaine de foyers continuent de résister désespérément Deux raisons principales motivent leur dernière lutte, disent-ils. L’indemnisation prévue pour les dédommager de la perte de leur maison et de leurs terres ainsi que pour leur permettre de recommencer une nouvelle vie est par trop insuffisante. En outre, ils ne peuvent se résoudre à se séparer de leur église, des prières communes qui ont rythmé leur vie quotidienne depuis leur enfance. Ils sont aussi très préoccupés par le transfert des restes de leurs parents décédés, même si un terrain a déjà été attribué par l’État au diocèse pour y aménager un nouveau cimetière.

Le territoire du village de Côn Dâu aménagé il y a plus d’un siècle par un missionnaire et des catholiques vivant uniquement de la l’agriculture, constitue aujourd’hui la parcelle la plus prestigieuse du projet de « zone urbaine écologique » de la ville de Da Nang. C’est ce qu’affirme l’opuscule publicitaire publié par la société Sun Group à laquelle la réalisation du projet a été confiée. Sur la première page de la brochure on peut ainsi lire : « Le projet se situe dans un environnement extrêmement favorable du point de vue de la géomancie. Il en est de même pour l’ensemble du paysage environnant. Encadré par la chaîne de montagnes Ngu Hanh Son (1), le site est traversé par trois cours d’eau, les rivières Han, Câm Lê et Cô Co… »

Cependant cette présentation idyllique omet de préciser que sur les 450 hectares du projet, 440 n’ont pu être aménagés qu’après en avoir expulsé les habitants. Pour leur malheur, les paroissiens de Côn Dâu qui faisaient partie de cette population arrachée à ses terres, avaient le tort d’être attachés à leur village et à leur mode de vie. Dès que le projet de « zone urbaine écologique » leur fut connu, ils manifestèrent aussitôt leur profond désaccord. Il l’exprimèrent à maintes reprises lors des réunions organisées par le secrétaire du parti communiste pour la ville de Da Nang afin de les faire changer d’avis.

Ce refus, à partir du début de l’année 2010, se transforma en véritable affrontement entre la population de la paroisse et les forces de l’ordre du district. Un événement dramatique se produisit au mois de mai 2010, lorsque malgré les interdictions, un cortège funéraire essaya de faire transporter la dépouille d’une défunte jusqu’au cimetière. Les forces de l’ordre, dépêchées en grand nombre, avaient chargé la foule et de nombreuses arrestations avaient eu lieu. Peu après, un jeune paroissien mourait des suites des mauvais traitements infligés par la police dans le cadre de l’affaire. Enfin le tribunal populaire de Da Nang jugea et condamna en première instance et en appel (janvier 2011), quelques-uns des paroissiens arrêtés lors de la bagarre avec les forces de l’ordre aux portes du cimetière (2).