Eglises d'Asie

L’université catholique Fu Jen accueille de plus en plus de prêtres et de religieuses de l’Eglise catholique de Chine

Publié le 07/12/2012




Ils étaient une quarantaine en septembre 2011, 90 en septembre 2012 et ils seront environ 120 en septembre 2013. Le programme de formation de membres de l’Eglise catholique de Chine continentale à l’université catholique Fu Jen, à Taipei, monte en puissance.« Ils » sont de jeunes prêtres, des religieuses ainsi que des séminaristes venus de Chine continentale. Ils étudient au sein de la Faculté de théologie de Fu Jen, la principale université catholique de Taiwan, …

… aux termes de l’accord informel passé en septembre 2010 entre l’Administration d’Etat des Affaires religieuses (l’ex-Bureau des Affaires religieuses) du gouvernement chinois (Pékin) et la Conférence des évêques catholiques de Taiwan.

En septembre 2010, alors que les universités taïwanaises s’ouvraient aux étudiants venus de Chine continentale, l’Eglise catholique a souhaité profiter de cette ouverture pour permettre à des séminaristes, des prêtres et des religieuses de venir parfaire leur formation à Fu Jen. Du côté du gouvernement chinois, Wang Zuo’an, directeur de l’Administration d’Etat des Affaires religieuses, plus ouvert que son prédécesseur Ye Xiaowen, déclarait apprécier le travail effectué par l’Eglise, que ce soit à Taiwan ou ailleurs, dans le domaine de la formation du clergé chinois. Du côté de l’Eglise catholique de Taïwan, conclure un accord avec Pékin afin de faciliter la venue à Taiwan de futurs cadres de l’Eglise de Chine présentait un bénéfice évident. Outre un commun usage du mandarin comme langue d’enseignement, Fu Jen offrait l’avantage de fournir un cadre universitaire nettement plus riche et diversifié que celui existant au sein des grands séminaires du continent.

Le programme de formation sur trois ans mis au point à la Faculté de théologie de Fu Jen pour accueillir ces étudiants est attentivement suivi à Rome par la Congrégation pour l’Education catholique, l’objectif étant de permettre aux séminaristes, prêtres et religieuses d’obtenir une licence canonique.

Le P. Louis Gendron, jésuite canadien d’origine québécoise, supérieur de la province de Chine pour la Compagnie de Jésus jusqu’en janvier 2012, assume la présidence de la Faculté de théologie de Fu Jen depuis septembre dernier. Il explique que les étudiants en provenance de Chine « s’en sortent plutôt bien jusqu’à présent » et que la première promotion devrait être diplômée l’an prochain. A l’exception d’une poignée de prêtres quadragénaires, la majorité d’entre eux sont des séminaristes, des prêtres et des religieuses qui ont entre 25 et 39 ans. Diocésains pour certains, appartenant à des congrégations religieuses pour d’autres, ils sont mêlés aux étudiants taïwanais de la Faculté de théologie, lesquels sont principalement des religieuses et des laïcs, les vocations sacerdotales se faisant rares au sein de la communauté catholique de Taiwan (1).

Interrogé par l’agence Ucanews, un des prêtres de Chine continentale faisant partie de la première promotion à avoir intégré ce programme de formation ne cache pas sa satisfaction à étudier à Fu Jen. « En comparaison de Hongkong, des Philippines ou des pays occidentaux, l’énorme avantage est que les études se font en mandarin. Cela veut dire que nous n’avons pas de barrière linguistique à franchir », explique-t-il. Il ajoute néanmoins que l’impact sur l’Eglise de Chine de ce programme sera relativement limité, étant donné que les quelques dizaines d’étudiants du continent chinois à Fu Jen seront amenés à rejoindre une Eglise vaste et forte de plus d’une centaine de diocèses et de plusieurs millions de membres.

Le P. Gendron explique que les démarches administratives préalables à l’accueil des étudiants sont complexes. Du côté chinois (Chine continentale), l’autorisation de sortie du territoire n’est jamais garantie et un futur étudiant peut se trouver bloqué au dernier moment sans qu’il soit possible d’y remédier. A la rentrée 2011, les étudiants du continent sont arrivés avec un mois et demi de retard, leur départ du continent ayant été retardé par les autorités chinoises. Du côté taïwanais, les étudiants continentaux qui se destinent à une université taïwanaise voient leur dossier traité par le ministère taïwanais de l’Education, tandis que les étudiants de la Faculté de théologie de Fu Jen ont leur dossier traité par le ministère de l’Intérieur (2). Les autorités taïwanaises se montrent plutôt méfiantes envers l’ensemble des étudiants continentaux, à qui il est interdit de conduire une voiture ou un scooter ou bien d’exercer une activité rémunérée à Taiwan. Pour les étudiants de la Faculté de théologie, le visa de trois ans accordé par Taipei stipule qu’ils doivent repartir sur le continent immédiatement après la fin de leurs études et que, durant les trois années d’études à Fu Jen, il leur est interdit, même pour raisons familiales (un décès par exemple), de retourner en visite sur le continent.

Du point de vue académique, étant donné le démarrage récent du programme, l’équipe pédagogique de la faculté de théologie manque encore de recul, notamment au sujet de l’intégration des étudiants de Chine continentale. Si l’usage du mandarin supprime l’obstacle linguistique, les difficultés relatives aux différences de niveau culturel entre étudiants taïwanais et étudiants continentaux demeurent tant il est vrai, souligne un prêtre impliqué dans le programme, qu’en l’espace de soixante ans les mentalités ont évolué différemment de part et d’autre du détroit de Formose. De plus, l’accueil des étudiants continentaux, tant dans ses modalités financières que pratiques (logement, aide pédagogique, accompagnement spirituel) représente un investissement important pour l’Eglise locale et les congrégations religieuses présentes à Taiwan. Que ce soit du fait de ces aspects logistiques ou du fait du contexte politique sensible des relations entre les deux rives du détroit, la pérennité du programme n’est pas garantie et celui-ci demeure fragile, souligne-t-on au sein des instances chargées du suivi des étudiants continentaux.