Eglises d'Asie – Divers Horizons
Les employées de maison en Asie sont parmi les moins bien protégées du monde
Publié le 10/01/2013
… après avoir été reconnue coupable de la mort en 2005 du nourrisson dont elle avait la garde. A l’aide de papiers affirmant qu’elle était âgée de 23 ans, Rizana Nafeek était entrée au service de son employeur saoudien alors qu’elle n’avait que 17 ans. Quelques instants avant son exécution, la jeune femme s’est rétractée, revenant sur sa confession du meurtre et affirmant que l’enfant était décédé de manière accidentelle.
Si le cas de la Sri-Lankaise Nafeek n’a pas été évoqué à Genève ce 9 janvier par l’agence onusienne, il illustre tragiquement la réalité que l’OIT a voulu mettre en avant, à savoir le fait que les employés de maison en Asie – qui sont très majoritairement des femmes – sont globalement plus mal traités que dans d’autres régions du monde.
Ainsi, selon le rapport de l’agence, sur les 21,5 millions d’employés de maison dénombrés en Asie-Pacifique, seulement 3 % ont droit à un jour de congé hebdomadaire, alors que 50 % de ces travailleurs appartiennent à une catégorie qui leur accorde officiellement ce droit (domestiques, jardiniers, chauffeurs, …). De même, seulement 1 % des employés de maison en Asie-Pacifique bénéficient d’une durée légale maximale de leurs horaires de travail (contre trois quarts des domestiques en Amérique latine). La durée moyenne du travail des employés de maison en Malaisie atteint ainsi près de 66 heures hebdomadaires. Et enfin, dans un domaine particulièrement sensible étant donné que huit employés de maison sur dix sont des femmes, la maternité est très faiblement protégée en Asie-Pacifique : seulement 12 % des employées de maison jouissent, dans leur contrat, de clauses leur accordant un congé-maternité ; en Amérique latine, toutes les employées de maison disposent d’un tel droit.
Pour autant, le sort de ces employés de maison ne laisse pas indifférent en Asie même. En effet, le rapport du 9 janvier de l’OIT s’inscrit dans le cadre de la mise en application de la Convention internationale sur « le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques » votée en juin 2011, sous l’impulsion de parlementaires des Philippines, d’Indonésie, du Sri Lanka, du Cambodge et du Bangladesh. En 2008, des parlementaires philippins, notamment Walden Bello, sociologue, député à la Chambre des représentants et pourfendeur de la mondialisation, avaient organisé une conférence internationale à Manille sur le thème des migrations et du développement au cours de laquelle ils avaient appelé la communauté internationale à s’intéresser au sort des employés de maison, les législations nationales et internationales ne reconnaissant le plus souvent pas la spécificité de ce type d’emploi. Quatre ans plus tard, la Convention, dite n° 189, sur les travailleurs domestiques dans le monde était votée par l’OIT et celle-ci vient tout juste d’entrer en vigueur après sa ratification par l’Uruguay, Maurice et les Philippines.
Selon Uramoto Yoshiteru, chargé de la section Asie-Pacifique à l’OIT, il était très important que les Philippines figurent au nombre des premières nations à ratifier la Convention. En tant que pays d’où sont issues un nombre considérable d’employées de maison, les Philippines peuvent avoir un effet d’entraînement sur ses voisins de l’ASEAN, estime le directeur. « Il est très encourageant que certains pays, comme la Thaïlande, Singapour ou les Philippines, s’orientent dans la bonne direction en amendant peu à peu leur législation du travail, mais notre rapport indique clairement que beaucoup reste à faire dans un grand nombre de pays », ajoute-t-il encore.
Parmi les avancées récentes obtenues par les défenseurs des droits des employés de maison figure la disposition entrée en vigueur ce 1er janvier 2013 à Singapour. Après des années d’intenses débats, le Parlement de Singapour a en effet voté (le 5 mars 2012) le droit à un jour de congé hebdomadaire pour les très nombreuses domestiques étrangères au service des familles singapouriennes. La mesure, qui ne concerne que les employées recrutées après le 1er janvier ou dont le contrat sera renouvelé après cette date, n’a toutefois pas été étendue à l’ensemble des domestiques déjà employées sur le territoire de la cité-Etat.
Ces dernières années toutefois, des affaires mettant à la Une des médias les conditions de travail effroyables, les salaires ridicules, les brimades, les coups, les viols dont pouvaient être victimes les employées de maison a jeté une lumière crue sur une réalité humaine, économique et sociale le plus souvent cachée. En 2011, Djakarta avait ainsi suspendu l’envoi de main-d’œuvre chez son voisin malaisien après la révélation d’abus dont avaient été victimes des employées de maison indonésiennes. En octobre de la même année, c’était au tour du Premier ministre Hun Sen d’interdire le départ des Cambodgiennes au service des familles malaisiennes. A chaque fois, ces interdictions n’ont cependant duré qu’un temps et les recrutements ont repris rapidement.
Enfin, au-delà des problèmes engendrés par les flux migratoires des employées de maison, le rapport de l’OIT ne fait qu’effleurer sans le traiter le problème des mineurs travaillant comme domestiques, ce phénomène faisant l’objet d’une étude spécifique par des département dédiés. Très difficile à chiffrer, ce phénomène est en accroissement constant comme en témoignent l’augmentation du nombre de mineurs domestiques en Inde et d’autres pays d’Asie à l’économie montante, les classes moyennes disposant désormais de moyens pour s’attacher les services de domestiques.