Eglises d'Asie

Java : des écoles catholiques menacées de fermeture pour avoir refusé d’enseigner l’islam

Publié le 18/01/2013




Six écoles catholiques du diocèse de Surabaya, dans la province de Java-Est, sont menacées de fermeture pour leur refus de se soumettre à de nouvelles directives des autorités locales obligeant chaque établissement scolaire à enseigner l’islam et le Coran à leurs élèves musulmans. 

Ces écoles, dirigées par la Yohanes Gabriel Foundation et la Joseph Foundation (1), ont reçu fin décembre une injonction d’appliquer le décret municipal, édicté « avec l’aval du ministère des Affaires religieuses », d’ici le samedi 19 janvier 2013, sous peine de se voir retirer leur autorisation d’enseigner.

Ce décret sur l’éducation, intitulé Blitar Mayoral Decree N° 8/2012, rend obligatoire l’enseignement de l’islam et l’étude du Coran par des professeurs qualifiés pour tous les élèves de religion musulmane dans tous les établissements scolaires, qu’ils soient publics ou privés.

Jusqu’à aujourd’hui, l’usage est que les (nombreux) élèves musulmans inscrits dans les écoles chrétiennes suivent un enseignement religieux dans un cadre privé, généralement au sein d’associations musulmanes dédiées. Il est tout au contraire acquis que les établissements tenus par les Eglises chrétiennes enseignent la foi chrétienne et proposent le catéchisme à leurs élèves.

Les écoles concernées par l’ultimatum des autorités municipales ont argué du fait que leurs conditions d’enseignement avaient toujours été acceptées sans difficulté par leurs élèves musulmans et leurs familles. Mais, de leur côté, les autorités de Blitar et le bureau local du ministère des Affaires religieuses affirment que le décret municipal n° 8/2012 n’est qu’une application de la loi nationale sur l’enseignement religieux (Government Regulation n° 55/2007), elle-même découlant d’une loi de 2003 et que chercher à s’y soustraire est donc une infraction.

Les protagonistes se renvoient mutuellement les prérogatives accordées par la-dite loi nationale sur l’enseignement religieux. En effet, si l’article 12, mis en avant par les autorités municipales, stipule que « chaque élève doit recevoir une éducation religieuse en concordance avec sa foi, et dispensée par des enseignants appartenant à cette même religion », l’article 55 quant à lui autorise les membres d’une communauté (dont les écoles catholiques) à « dispenser à ses membres une éducation en accord avec ses convictions religieuses, sociales et culturelles ».

Le maire de Blitar, Samanhudi Anwar, a déclaré qu’il ne reviendrait pas sur son décret, celui-ci étant fondé sur une législation établie par le gouvernement central. « Ce décret a pour vocation de permettre à tous les élèves de recevoir un enseignement religieux afin qu’ils deviennent de meilleurs membres, actifs au sein de leur communauté », a-t-il déclaré, ajoutant que cette règle « ne s’appliquait pas seulement aux institutions catholiques mais aussi aux écoles islamiques qui seraient elles aussi dans l’obligation de donner une instruction religieuse aux non-musulmans ».

Aan Ansori, leader de l’Islamic Network Anti-Discrimination (JIAD), qui milite pour un islam modéré, a pris la défense des écoles chrétiennes et appelé le maire de Blitar à révoquer le décret, déclarant douter de la soi-disant réciprocité qui serait exigée des écoles islamiques : « Si ces règles sont appliquées, les écoles islamiques, qui sont beaucoup plus restrictives que les écoles catholiques en ce concerne l’accueil d’élèves de religions différentes, vont-elles réellement dispenser des cours aux bouddhistes, aux chrétiens ou aux hindous ?… »

A la veille de l’ultimatum posé par la municipalité de Blitar, nul ne semble connaître le résultat du bras de fer actuellement en cours entre l’Eglise catholique et les autorités municipales. Des informations selon lesquelles les chefs d’établissements auraient cédé aux autorités et auraient accepté de mettre en place un enseignement de l’islam dans leurs écoles ont été fermement démenties par les intéressés eux-mêmes. « Nos déclarations ont été détournées par le ministère des Affaires religieuses qui a transmis aux médias des informations erronées, affirmant que nous aurions été d’accord avec leur obligation d’assurer l’enseignement religieux des élèves musulmans », s’est indigné auprès du Jakarta Post, ce vendredi 18 janvier, le vicaire général du diocèse de Surabaya, le P. Agustinus Tri Budi Utomo.

« Le diocèse dit non à l’enseignement de l’islam dans les écoles catholiques » titrait donc ce matin le quotidien indonésien, faisant amende honorable après avoir publié la veille un article assurant que les responsables catholiques « avaient finalement accepté d’appliquer le décret » à l’issue d’une réunion avec la municipalité et le ministère des Affaires religieuses (2).

« Le président de la Yohanes Gabriel Foundation, le P. Justinus Budi Hermanto, les responsables de la Joseph Foundation et moi-même avons rejeté la demande des autorités locales et du ministère des Affaires religieuses », a réitéré fermement le P. Agustinus Tri Budi Utomo.

Imam Mukhlis, à la tête du Bureau des Affaires religieuses de Blitar, a rétorqué par voie de presse que « si le diocèse de Surabaya refusait toujours d’assurer cette éducation religieuse aux élèves musulmans », le ministère et les autorités municipales « n’auraient pas d’autre choix que de transmettre des recommandations à ce sujet au gouvernement central », avouant paradoxalement « ne pas avoir le pouvoir de fermer eux-mêmes ces écoles » comme ces dernières en avaient été menacées.

Le président du Conseil des oulémas de Java-Est, Abdusomad Buchori, a quant à lui pressé les autres districts de la province de publier des décrets similaires afin que toutes les écoles, qu’elles soient tenues par l’Etat ou par des institutions catholiques, dispensent désormais des cours d’islam obligatoires aux éléves musulmans.