Eglises d'Asie

Le responsable d’une ONG catholique demande l’interdiction de deux organisations hindouistes

Publié le 04/02/2013




Le 1er février dernier, une ONG catholique, le Catholic Secular Forum (CSF), a demandé aux autorités indiennes d’interdire deux organisations appartenant à l’aile la plus extrémiste de la mouvance hindouiste. Le CSF a également mis en cause la hiérarchie de l’Eglise catholique, lui reprochant sa « timidité » à demander justice pour les chrétiens pris pour cible par les hindouistes.

Joseph Dias, qui dirige le CSF à Bombay, capitale de l’Etat du Maharashtra, depuis sa fondation il y a sept ans, a appelé le ministre fédéral de l’Intérieur Sushil Kumar Shinde à interdire sans délai deux organisations hindouistes, Sanathan Sanstha (‘Forum éternel’) et Abhinav Bharat (‘Inde nouvelle’), affirmant qu’elles étaient responsables d’attaques contre les chrétiens.

Ces deux organisations sont affiliées au RSS (Rashtriya Swayamsewak Sang, ‘Corps national des volontaires’), qui fédère les organisations prônant l’hindutva (l’hindouité) et soutient le BJP (Bharatiya Janata Pary, ‘Parti du peuple indien’), vitrine politique du nationalisme hindou. Selon Joseph Dias, il y a un lien direct entre l’activisme dont font preuve les organisations hindouistes les plus extrémistes et les violences faites aux chrétiens dans le pays. « Pratiquement chaque jour, on déplore une attaque contre la minorité chrétienne en Inde », a-t-il expliqué, citant le rapport compilé par le CSF pour l’année 2012 et les 250 affaires d’attaques antichrétiennes qui y sont recensées. « Cela va de personnes nouvellement converties au christianisme contraintes à boire de l’urine de vache, à des viols et des meurtres de dalits chrétiennes mineures ou de membres du clergé des Eglises chrétiennes », a-t-il détaillé.

Selon le militant catholique, trois Etats de l’Union indienne se distinguent par le nombre et la violence des attaques dirigées contre les chrétiens : le Madhya Pradesh en premier lieu, suivis par le Karnataka et le Chhattisgarh. Coïncidence ou pas, ces trois Etats sont dirigés par des gouvernements dominés par le BJP. Joseph Dias a ajouté que les violences antichrétiennes pouvaient aussi toucher d’autres Etats, où le BJP est dans l’opposition ; il a cité le cas du Maharashtra, où le Parti du Congrès est au pouvoir, et qui selon lui est en train de devenir « un point chaud » de l’activité déployée par les extrémistes hindous.».

Les déclarations de Joseph Dias interviennent dans le contexte créé par de récents propos tenus par le ministre fédéral de l’Intérieur. Le 20 janvier dernier, lors d’une réunion du Parti du Congrès, Sushil Kumar Shinde a cité le « terrorisme hindou » parmi les « menaces » sécuritaires menaçant le pays. Le fait que le ministre fédéral de l’Intérieur place ainsi le « terrorisme hindou » et ses « camps d’entraînement » sur le même plan que les menaces répertoriées de longue date, telles les actions des groupes armés venus du Pakistan au Cachemire, les insurrections ethniques du Nord-Est du pays ou bien encore les rébellions armées maoïstes présentes notamment au sein des populations tribales du centre de l’Inde, a immédiatement fait réagir le BJP, qui a demandé la démission du ministre et exigé des excuses du gouvernement fédéral.

Si l’association des termes « terrorisme » et « hindou » a créé la polémique, y compris au-delà des cercles proches du BJP, de récentes enquêtes judiciaires ont pourtant mis en évidence que différents attentats meurtriers commis ces dernières années dans le pays qui avaient initialement été imputés à des groupes djihadistes avaient en fait été perpétrés ou inspirés par la mouvance nationaliste hindoue. Le groupe ultranationaliste Abhinav Bharat a notamment été mis en cause, notamment l’un de ses dirigeants, lieutenant-colonel dans l’armée fédérale.

Pour le leader du CSF, l’appel lancé le 22 janvier dernier par le ministre de l’Intérieur du Maharashtra, R. R. Patil, visant à obtenir de New Delhi l’interdiction du Sanathan Sanstha et Abhinav Bharat est donc « justifié ».

Réagissant à cette actualité, des prêtres catholiques engagés dans la défense des droits de la personne se sont montrés prudents quant à l’idée de désigner l’ensemble du mouvement hindouiste comme une entité terroriste. Basé au Gujarat, le jésuite Cedric Prakash, estime que « si le gouvernement fédéral dispose d’informations à propos d’organisations gérant des camps d’entraînement au terrorisme ou impliquées dans des activités terroristes, il doit agir sans délai et avec fermeté ». Il ajoute également que, selon lui, les liens qui existent entre le « terrorisme » et « certaines organisations » sont connus de tous et de longue date, mais qu’il n’est pas pour autant possible de parler de « terrorisme hindou ».

Pour le P. Joseph Appavoo, responsable d’un centre de service social au Gujarat, si « le ministre [Sushil Kumar] Shinde a dit la vérité, il n’a rien dit de ce que le gouvernement se propose de faire » pour mettre fin à d’éventuelles activités terroristes de la part de groupes associés à l’extrême-droite hindoue.

A Bombay, le 1er février dernier, aux côtés de Joseph Dias du CSF, se tenait Michael Saldanha, catholique et ancien juge à la Haute Cour de Bombay et du Karnataka. Membre du CSF, il a pris la parole pour dénoncer ce qu’il estime être la « timidité » des responsables des Eglises chrétiennes face aux attaques visant les chrétiens. « La communauté chrétienne est devenue une cible facile parce que nos cardinaux, nos évêques et notre clergé n’osent pas protester dans les termes les plus fermes auprès du gouvernement », a-t-il affirmé, ajoutant que si les responsables des Eglises se montraient déterminés à « exiger une tolérance zéro » face aux attaques dont sont victimes les chrétiens, « les violences antichrétiennes, qui pour le moment vont croissant, diminueraient de manière drastique ».

Le CSF a précisé avoir fait parvenir une copie de son « Rapport sur la persécution des chrétiens en Inde en 2012 » au cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay et président de la Conférence des évêques catholiques d’Inde (CBCI). Cette démarche est intervenue quelques jours avant l’ouverture de l’assemblée pléinière de la CCBI, qui se réunit à compter du 10 février prochain à Vailankanni, au Tamil Nadu (1).