Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – « De nouveaux missionnaires pour une nouvelle évangélisation en Asie »

Publié le 29/12/2012




Message de la Xe Assemblée plénière de la FABCLe 28 décembre, la FABC (Fédération des Conférences épiscopales catholiques d’Asie) a mis en ligne sur son site Internet le message rédigé à l’issue de sa dixième assemblée plénière qui s’est tenue du 10 au 16 décembre 2012 au Vietnam. Fondée il y a quarante ans et rassemblant aujourd’hui dix-neuf Conférences épiscopales d’Asie, la FABC s’est réunie peu après la tenue à Rome du Synode pour la nouvelle évangélisation. Face aux défis …

… que doivent affronter les chrétiens sur un continent où ils ne rassemblent pas plus de 3 % de la population, les délégués réunis à Xuân Lôc puis à Saigon ont réfléchi à « la spiritualité » de la nouvelle évangélisation avant d’appeler dans leur message final chaque chrétien d’Asie à renouveler en lui « l’esprit missionnaire » ainsi que « l’audace de la foi et du martyre ». La traduction est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

« Ce que nous avons vu et entendu, nous nous l’annonçons » (Jean I, 1,3)

Nous, évêques représentant les Conférences épiscopales et la Fédération des conférences épiscopales d’Asie (FABC), nous nous sommes réunis à Xuân Lôc et Hô Chi Minh-Ville au Vietnam du 10 au 16 décembre 2012, afin d’y tenir la 10e assemblée plénière de la FABC.

Etaient à nos côtés : le cardinal Gaudencio Rosales, envoyé spécial du Saint Père, Mgr Savio Hon Tai-fai, secrétaire de la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, Mgr Leopoldo Girelli, représentant non résident du Saint-Siège au Vietnam, nos frères délégués par les Conférences épiscopales d’Océanie, d’Amérique Latine et d’Europe, les représentants de quelques partenaires financiers et donateurs, les évêques et les secrétaires des différents services de la FABC ainsi que nos invités. Nous étions au total 111 participants (7 cardinaux, 69 évêques, 35 prêtres, religieux et laïcs).

Nous rendons grâces à Dieu pour l’approbation historique des statuts de la FABC qui a eu lieu il y a quarante ans. Quelle extraordinaire bénédiction représente pour nous le fait que quatre événements importants aient coïncidé avec le 40e anniversaire de la FABC : l’Année de la foi, le 50e anniversaire de l’ouverture du concile Vatican II, le 20e anniversaire de la publication du Catéchisme de l’Eglise catholique et la clôture da la XIIIe assemblée générale ordinaire du synode des évêques sur la nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi.

Tous ces événements nous font prendre conscience de notre identité profonde ; nous sommes une communauté de foi appelée par le Seigneur pour une mission d’évangélisation dans le monde. Nous rendons grâces au Seigneur d’avoir béni la FABC dans son travail sur le renouveau de sa mission d’amour et de service en Asie.

Nous sommes profondément reconnaissants pour l’hospitalité extrêmement chaleureuse qui nous a été offerte par l’Eglise du Vietnam, en particulier à Xuân Lôc et à Hô Chi Minh-Ville. Nous remercions également le gouvernement du Vietnam pour son accueil et son soutien à notre rassemblement dans ce pays riche en cultures et en traditions. Nous souhaitons demander la bénédiction toute particulière de Dieu pour l’Eglise et le peuple du Vietnam tout entier.

Nous voudrions également exprimer notre communion, notre solidarité et notre soutien à l’Eglise catholique en Chine. Nous avons regretté l’absence de ses représentants dans notre assemblée et nous espérons très sincèrement qu’un jour nous pourrons nous réjouir de leur participation au sein de la FABC. En communion de prière avec eux, dans le magnifique pays qui est le leur, nous souhaitons qu’ils puissent recevoir, la paix, la joie et l’espoir que le Christ est venu apporter sur terre.

Nous voudrions aussi transmettre notre profonde gratitude à tous les laïcs, hommes et femmes consacrés, prêtres et évêques, qui exercent leur mission d’évangélisation dans les situations les plus difficiles et parfois au risque de leur vie. Leur courage et leur dévouement total au témoignage de l’Evangile est une source d’édification et d’inspiration pour nous tous.

Cela a vraiment été une semaine de la Foi. La flamme de notre foi dans le Seigneur a été renouvelée par celle, vivante et profonde, de l’Eglise au Vietnam et par celle de leurs martyrs. Par l’épreuve suprême qu’ils ont traversée, ils ont permis à la flamme de la foi et de l’espoir de briller à jamais.

A travers l’éclairage de l’Evangile, notre assemblée plénière a cherché quels étaient les chemins de mission sur lesquels nous appelait l’Esprit de Dieu. Guidés par l’Esprit nous avons scruté « les signes des temps », [les bouleversements induits par] la mondialisation, par les réseaux sociaux en Asie ainsi que nos propres réalités ecclésiales, puis analysé les multiples défis et possibilités par lesquels nous pourrions y répondre, du plus profond de notre foi.

Nous avons la redoutable tâche de proclamer le Christ Sauveur dans une Asie en complète et rapide mutation. Pour cette raison, nous sommes encore plus conscients de la nécessité d’être une communauté vivant davantage du Christ et témoignant davantage du Christ. Au cœur de la nouvelle évangélisation initiée par le bienheureux pape Jean Paul II et reprise par le pape Benoît XVI, se trouve l’appel à être d’authentiques et véritables témoins du Christ Jésus Sauveur.

Le même Esprit qui a animé Vatican II nous demande aujourd’hui de devenir des missionnaires renouvelés pour une nouvelle évangélisation. C’est l’Esprit qui peut refaçonner notre Eglise et chacun d’entre nous. C’est l’Esprit qui peut nous rendre capables de répondre de manière convaincante aux défis de la société actuelle et des réalités ecclésiales que notre Assemblée a définis.

Pour devenir ces nouveaux missionnaires, nous devons répondre à l’Esprit qui agit dans le monde, dans les profondeurs de notre être, dans les signes des temps et dans tout ce qui est authentiquement humain. Nous devons vivre une spiritualité de la nouvelle évangélisation.

Pour vivre cette spiritualité, nous vous proposons quelques principes de base :

1. Une rencontre personnelle avec Jésus Christ. Les nouveaux missionnaires ont besoin en tout premier lieu d’avoir une foi vivante, fondée sur la rencontre profonde, intime et bouleversante de la personne de Jésus Christ, une rencontre qui convertit et fait devenir disciple du Christ en paroles et en actes. Et enfin, nous proclamons celui que nous avons vu, celui que nous avons entendu, celui que nous avons touché (voir Jean I, 1,3). Le fait de rencontrer personnellement le Christ et de devenir son disciple est absolument indispensable. Sans cela, nul ne peut être capable d’atteindre et de toucher l’Asie dans son âme.

2. Une passion pour la mission. Si nous existons pour la mission, nous devons avoir la passion de la mission. L’histoire de l’Eglise en Asie est intrinsèquement mêlée à celle de l’histoire des missionnaires et des martyrs – laïcs, hommes et femmes, religieux et membres du clergé – qui ont risqué leur vie pour l’amour du Christ. Leur histoire nous encourage et nous fortifie. Ils sont la parfaite illustration de cette passion pour la mission, qui est vécue d’une manière qui semble impossible à l’homme mais qui est possible pour Dieu (Cf. Luc, 18, 27). Le bienheureux pape Jean Paul II l’a affirmé : « Un feu ne peut être allumé que par ce qui est déjà enflammé… [Nous] devons être embrasés par l’amour du Christ et brûler du désir qu’Il soit connu de tous, aimé davantage, et suivi encore plus fidèlement » (Cf. Ecclesia in Asia, 23). Les mots de saint Paul résonnent dans notre cœur : « L’amour du Christ nous presse » (Corinthiens 2, 5,14) de partager cet amour unique de Jésus avec le monde entier. Nous sommes fermement persuadés que les aspirations des peuples de l’Asie ne trouveront leur ultime accomplissement qu’en Jésus, qui est la Vie.

3. Un regard tourné vers le Royaume des cieux. La proclamation de Jésus touche tous les aspects de notre vie, l’organisation de la société, l’humanité tout entière. Ainsi, la vie spirituelle du nouveau missionnaire ne fait pas de séparation entre notre monde et le royaume de Dieu. Elle ne dissocie pas le matériel du spirituel, ni la religion du travail de transformation de la société dans ses aspects socio-économiques ou politiques. Et surtout, la vie spirituelle du nouveau missionnaire ne sépare pas Jésus Christ du Royaume des cieux, ni les valeurs du Royaume de la personne de Jésus. Aller vers le royaume de Dieu, c’est s’engager derrière le Christ et sa vision d’une humanité nouvelle, restaurée par Lui.

4. Vivre en communion. Jésus a prié pour que nous restions en communion avec le Père, avec Lui mais également les uns avec les autres (Jean 17,20-22). A travers sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, il a restauré toute chose et mis l’humanité et toute la création en communion avec le Père et l’Esprit. Comme Jésus, les nouveaux missionnaires doivent être des hommes et des femmes qui vivent en communion et la transmettent. La spiritualité de la communion est la spiritualité de la nouvelle évangélisation. Le bienheureux Jean Paul II nous rappelle que « la communion et la mission sont indissociablement liées ». La communion avec la Trinité est « à la fois la source et le fruit de la mission : la communion fait croître la mission et la mission s’accomplit dans la communion » (Ecclesia in Asia 24, Christi fideles laici, 32). Cela pourrait être notre devise : « La communion pour la mission » et « la mission de communion » (Ecclesia in Asia 25). Les missionnaires ne pourront œuvrer efficacement que s’ils vivent une profonde et intime communion avec Jésus et s’engagent avec générosité à être les témoins de cette communion avec Dieu, les uns avec les autres et avec toute la création.

Face à la quête d’harmonie que poursuit l’Asie au milieu des tensions croissantes et des conflits, tous les membres de l’Eglise – le clergé comme les laïcs, les hommes comme les femmes, les jeunes comme les enfants – sont tous appelés à être des missionnaires, des hérauts de l’Evangile, des ouvriers de paix et des instruments de communion. Et cette communion doit s’exprimer de façon forte et vivante au sein de nos communautés, de nos paroisses et de nos diocèses.

5. Le dialogue comme mode de vie et de mission. La nouvelle évangélisation appelle à un esprit de dialogue qui doit porter la vie quotidienne et orienter les relations à l’autre vers l’entente et non l’opposition. Le dialogue doit être le signe par lequel se reconnaissent ceux qui œuvrent en Asie au service de Dieu. Il se caractérise par l’humble reconnaissance de la présence cachée de Dieu dans les luttes des pauvres, les richesses des différentes cultures des peuples, les diversités des traditions religieuses et les profondeurs du cœur des hommes. Ce dialogue doit être notre mode de vie et notre mission. Il est essentiel à la spiritualité de communion du nouveau missionnaire.

6. Une présence humble. Nous considérons que chaque personne en Asie est un compagnon de route sur le chemin qui nous mène au Royaume des cieux et que les champs de mission sont les terres où œuvrent la présence et l’action mystérieuses de l’Esprit de Dieu. Dans ce vaste terrain de mission que représente l’Asie, le témoignage silencieux mais éloquent d’une vie chrétienne authentique demande une présence humble et priante, voire « contemplative ». Il est impératif pour les nouveaux missionnaires de réaliser l’importance de la modestie et de la prière. Cette humble présence doit être accompagnée d’une simplicité de vie et de la communion avec les pauvres.

7. Evangéliser en prophète. Etre prophète, c’est être conscient dans la lumière de l’Esprit Saint, des contradictions de notre monde asiatique et dénoncer tout ce qui diminue et dégrade la dignité des enfants de Dieu. Le nouveau missionnaire doit protéger la dignité de tous, en particulier celle des femmes, des enfants ainsi que celle de tous ceux qui ont été réduits à une condition leur valant de ne pas être considérés comme des personnes à part entière dans notre société asiatique. En dénonçant l’injustice, le nouveau missionnaire annonce l’amour de Dieu, « ce qui est plus important dans la loi » c’est à dire la justice, la miséricorde et la foi (Matthieu, 23,23) et l’amour tout particulier de Jésus pour les pauvres.

8. La solidarité avec les victimes. Nous avons souligné lors de notre assemblée que le nombre de victimes de la mondialisation, de l’injustice, des catastrophes naturelles et nucléaires, des attaques de terroristes et extrémistes divers, augmentait de jour en jour. Jésus est du côté des victimes des catastrophes et des injustices. Il est solidaire de tous ceux qui sont rejetés sur les bas-côtés de notre société. La solidarité et la compassion envers les victimes et les personnes marginalisées doivent former une part essentielle de la spiritualité des nouveaux missionnaires.

9. Respecter la création. Notre assemblée s’est aussi préoccupée des atteintes toujours croissantes à la création, commises au nom d’intérêts économiques et financiers, de manière égoïste et irresponsable. Des facteurs humaines contribuent de façon significative au réchauffement climatique de la planète, dont les conséquences affectent encore plus terriblement les pauvres et les défavorisés. Le souci de l’écologie et le respect de la création sont avec la justice et la compassion, indispensables à une spiritualité de communion.

10. L’audace de la foi et le martyre. Des débuts du christianisme jusqu’à aujourd’hui, le sang des martyrs a coulé sur la terre d’Asie. Si aujourd’hui nous sommes appelés à témoigner de notre foi par le sacrifice suprême, nous ne devons pas nous dérober. Jésus nous a avertis qu’un tel sacrifice était la preuve ultime de notre totale fidélité à Lui et à Sa mission. Que les martyrs de nos pays, dont bon nombre d’entre eux sont évoqués sur nos autels, nous inspirent par leur exemple et nous fassent grandir dans la foi par leur intercession. Nous sommes reconnaissants au bienheureux Jean Paul II et au pape Benoît XVI d’avoir proclamés martyrs de l’Eglise tant de témoins du Christ en Asie. Oui vraiment, « le sang des martyrs est semence des chrétiens » !

Conclusion

En cette année de la Foi, en cette seconde décennie du deuxième millénaire et à l’occasion du 40e anniversaire de la FABC, nous appelons toute l’Eglise en Asie à développer un zèle ardent pour la nouvelle évangélisation.

Nous ne devons pas nous laisser aller à la léthargie ou au pessimisme face aux réseaux sociaux en Asie qui menacent les fondements et valeurs de la société, la stabilité de la famille et la manière de penser de la communauté chrétienne elle-même. Il se pourrait que, cachés derrière ces valeurs [matérialistes] asiatiques, se trouvent, fécondés par l’Esprit, les germes d’une humanité nouvelle, assoiffée de la vie en Jésus.

La mission de cette nouvelle évangélisation, nouvelle dans sa ferveur, dans ses méthodes et dans son expression, est urgente. Elle demande des missionnaires renouvelés avec une spiritualité revivifiée, une spiritualité de communion, de mission, de nouvelle évangélisation. Chaque paroisse, chaque communauté, chaque famille se doit d’être une école de spiritualité. Le nouveau missionnaire doit faire l’expérience d’une conversion profonde, d’un changement de vision du monde ainsi que du choix d’imiter le Christ en tout, et d’être en communion avec Dieu. Il doit avoir une foi vivante en son Seigneur, se consacrer totalement à Lui, et suivre Jésus en pensée, en esprit et en acte.

Le « petit troupeau » de Jésus ne doit pas être timide ou effrayé, face aux milliards d’habitants de l’Asie où se masse plus de 60 % de la population mondiale. Nous avons pour nous la force unique de notre foi, Jésus-Christ lui même, don unique de Dieu à l’humanité. Il chemine avec nous exactement comme il l’a fait avec ses disciples sur le chemin d’Emmaüs (Luc 24,13-32). A chaque eucharistie, il ouvre nos yeux et réchauffe nos cœurs avec le feu de son amour, pour une nouvelle évangélisation en Asie.

Puisse Marie, Mère de Jésus et notre Mère, nous accompagner sur les routes de l’Asie pour y « proclamer l’histoire de Jésus ». Nous n’avons pas à avoir peur. Nous avons la promesse du Seigneur : « Garde courage, c’est Moi, n’aie pas peur » (Matthieu 14,27). Et il nous l’a assuré : « Souvenez-vous, Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Matthieu 28,20).

Fait à Xuân Lôc et Hô Chi Minh-Ville, Vietnam
Le 16 décembre 2012