Eglises d'Asie

Madhya Pradesh : un conflit opposant hindous et musulmans à propos d’un lieu de culte pourrait avoir de dangereuses conséquences

Publié le 18/03/2010




Dans l’Etat du Madhya Pradesh, un conflit concernant un lieu de culte menace d’envenimer encore davantage les relations entre hindous et musulmans. Ces derniers ont déposé une plainte contre un service fédéral, la Commission d’enquête archéologique, qui, le 7 avril dernier, a donné la permission aux fidèles hindous de venir prier, tous les mardis, dans le site historique du Bhojshala (‘L’école du roi Bhoj’), à Dhar.

Selon les archives gouvernementales, le roi Bhoj aurait construit un premier lieu de culte en 1034 en l’honneur de la divinité hindoue de l’étude, Saraswati. Au XVe siècle, les envahisseurs musulmans convertirent ce lieu de culte en mosquée (Maulana Kamal Masjid), tout en laissant sur place l’ancien temple hindou. Le site, avec ses deux lieux de culte accouplés, fut classé monument historique en 1952 par la Commission archéologique. Par la suite, celle-ci avait donné la permission aux musulmans de venir s’y rassembler tous les vendredis tandis que les hindous ne pouvaient s’y rendre qu’une fois par an, lors de la fête annuelle de Saraswati.

Ces derniers mois, divers groupes de militants hindous ont organisé plusieurs mouvements de protestation contre les dispositions actuelles donnant aux musulmans l’autorisation de célébrer leur culte une fois par semaine, alors que celle-ci n’était accordée aux hindous qu’une fois par an. Au mois de février dernier, quatre personnes étaient mortes au cours de ces manifestations alors que des hindous essayaient de forcer l’accès du temple. La décision prise le 7 avril par la Commission archéologique ouvrait le temple aux hindous le mardi et aux musulmans le vendredi tandis que les autres jours étaient réservés aux touristes. Dès le lendemain de la publication de la décision, un mardi, plus de 8 000 fidèles hindous vinrent se rassembler à Bhojshala.

Alors que les musulmans se préparent à entamer une action en justice, le Hindu Jagran Manch (Forum pour la mobilisation des hindous), qui a mené le mouvement pour la reconquête du site de Bhojshala, considéré comme la propriété exclusive des hindous, a accueilli favorablement la décision de la Commission archéologique et lutte pour de nouveaux avantages. Depuis plus d’un an déjà, le mouvement fait distribuer des tracts où il affirme que la campagne pour la récupération de Bhojshala est une part essentielle de la lutte des hindous contre les atrocités que les musulmans ont commises contre eux.

La communauté catholique s’est émue de ce différend qui risque de mettre le feu à des passions religieuses toujours prêtes à se manifester. L’archevêque de Bhopal, Mgr Pascal Topno, principal responsable de l’Eglise catholique dans l’Etat, a déjà exhorté les deux parties. Selon lui, musulmans et hindous ne devraient pas perdre leur temps dans ces querelles sur des points d’histoire. En ce cas précis, chacun devrait aller de l’avant. L’archevêque a conseillé au gouvernement de transformer en musées les sites historiques controversés, susceptibles d’être à l’origine de conflits interreligieux. Il s’est également montré sceptique sur les dispositions cultuelles récemment mises en place par la Commission archéologique et sur leur capacité à maintenir une paix durable. Même les petites disputes, a-t-il dit, peuvent engendrer de très graves incidents. Pour lui, l’actuelle controverse présente de nombreuses similitudes avec celle qui concerne le site d’Ayodhya, dans l’Etat voisin de l’Uttar Pradesh, qui a entraîné la destruction de la mosquée et des milliers de morts dans tout le pays.

Le ministre-président de l’Etat, Digvijay Singh, a accusé le principal parti d’opposition, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien), majoritaire au niveau fédéral mais minoritaire dans l’Etat, d’avoir envenimé la querelle dans une perspective politique, celle des prochaines élections. La dirigeante du BJP a aussitôt démenti. Elle a toutefois fait remarquer que chaque hindou de l’Inde désire libérer les lieux de culte originellement hindous de la tutelle musulmane, mais sans détruire la confiance mutuelle et la compréhension réciproque.

Les musulmans quant à eux ne cachent pas leur anxiété à la pensée d’un éventuel conflit religieux. Un de leurs dirigeants a déclaré publiquement redouter les heurts interreligieux qui pourraient surgir de l’actuelle tension. Les politiciens hindous sont soupçonnés de vouloir se servir du sang des innocents pour accroître leur influence politique, comme ils l’ont fait après l’affaire de Ayodhya et plus récemment au cours des élections qui ont suivi les troubles de l’Etat du Gujarat.