Eglises d'Asie

Importante rencontre islamo-chrétienne à Djakarta

Publié le 27/02/2013




Rassemblés dans un hôtel de Djakarta, une centaine de responsables religieux chrétiens et musulmans venus de seize pays asiatiques ont entamé hier, 26 février, une rencontre qui durera jusqu’au 1er mars. Quatrième du genre, la « Conférence des responsables religieux musulmans et chrétiens d’Asie » s’est donné pour thème l’intitulé suivant : « D’une parole commune à une action en commun ».

Conjointement organisée par des instances catholiques, protestantes et musulmanes d’Indonésie, la conférence a reçu le soutien de partenaires asiatiques et internationaux. Aux nombres des organisateurs, pour la partie indonésienne, du côté musulman, on trouve des personnalités telles que Nazaruddin Umar ; spécialiste de la place de la femme dans l’islam et fondateur de l’instance de dialogue interreligieux Masyarakat Dialog antar Umat Beragama (‘Dialogue interreligieux public’), il a occupe un poste important au ministère des Affaires religieuses, où il a été nommé par le président Susilo Bambang Yudhoyono. Hasyim Muzadi, qui préside la Nahdlatul Ulama, la plus importante organisation musulmane de masse du pays, figure aussi au nombre des organisateurs de la conférence ; il y siège en sa qualité de secrétaire général de l’ICIS (International Conference of Islamic Scholars (1)). Du côté chrétien, pour l’Indonésie, la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie (KWI) ainsi que la Communion des Eglises d’Indonésie (PGI) ont apporté leur concours à l’organisation de l’événement, de même, que l’ont fait, au plan continental, la FABC (Fédération des Conférences épiscopales d’Asie) et la CCA (Conférence chrétienne d’Asie).

Sans être directement représenté, le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux suit attentivement, depuis Rome, les échanges qui ont lieu durant ces quatre jours de dialogue. La rencontre de Djakarta découle en effet directement du discours prononcé par le pape Benoît XVI à Ratisbonne, en Allemagne, le 12 septembre 2006, et des polémiques qui ont suivi. On se souvient que le pape avait ce jour-là abordé les rapports entre religion et violence, condamnant de façon claire et argumentée la violence exercée au nom de la religion. Sa citation d’un empereur byzantin du XIVème siècle, rapportée sous une traduction approximative par la presse, entraîna de vives réactions dans le monde politique et religieux, notamment dans les pays musulmans. Dès le 13 octobre 2006, 38 responsables religieux et intellectuels musulmans, suivis un mois plus tard de 138 chercheurs universitaires, hommes de religion et intellectuels musulmans, exprimèrent leur mécontentement sous forme de lettres adressées à Benoît XVI. Le Saint-Siège y répondit en invitant les uns et les autres à ouvrir un dialogue entre chrétiens et musulmans. Des rencontres furent organisées à Madrid ainsi qu’au Vatican. En Asie, des intellectuels catholiques, en Inde notamment, formulèrent une « réponse chrétienne » aux questions des musulmans. La création, il y a quatre ans, de la « Conférence des responsables religieux musulmans et chrétiens d’Asie » constitue l’initiative la plus pérenne en vue de maintenir et développer un dialogue effectif entre les chrétiens et les musulmans dans une région du monde qui réunit plus de huit sur dix des musulmans de la planète.

Le 26 février, les échanges ont été introduits par un mot de bienvenue prononcé par Suryadharma Ali, ministre des Affaires religieuses. Le ministre a estimé que la conférence « témoignait d’un engagement fort des trois religions [catholicisme, protestantisme et islam] en faveur de la promotion des valeurs de l’harmonie ». Secrétaire du comité d’organisation, le P. Benny Susetyo a ajouté que, pour la très grande majorité des Asiatiques, la religion se situait au centre de la vie de tous les jours et que, dans ce contexte, « la conférence avait pour objet de faire que les religions contribuent à apporter une solution aux conflits ethniques, communautaires et religieux » qui existent dans cette partie du monde. Hasyim Muzadi, pour sa part, a souligné combien « les problèmes pouvaient être importants, qu’ils soient de nature politique, sociale ou religieuse », mais, a-t-il ajouté : « Nous sommes réunis ici pour faire de nos idées des réalités nouvelles. »

Venus de seize pays, des délégués ont expliqué que les difficultés de cohabitation entre groupes religieux en Asie trouvaient à s’expliquer du fait de situations caractérisées par « l’injustice, la disharmonie et le désordre », qui elles-mêmes plongeait leurs racines « dans l’absence d’amour entre voisins et entre communautés ». Telle était notamment la teneur des propos tenus par le Philippin Fernando Capalla, archevêque de Davao dans le sud philippin et membre fondateur de la Conférence des oulémas et des évêques, structure de dialogue interreligieux à Mindanao.

Mgr Capalla a ajouté qu’« au sein de la FABC, [les évêques] estiment que les situations marquées du sceau de l’injustice ne peuvent être corrigées que si nous suivons l’enseignement qui se trouve dans la Bible et le Coran, un enseignement marqué de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain. La justice est une expression de l’amour de Dieu et de l’amour du prochain ».

En plaçant ainsi un thème théologique au cœur des échanges entre musulmans et chrétiens, l’archevêque catholique de Davao invitait les conférenciers à approfondir le sens de leurs échanges, sans toutefois, semble-t-il, qu’il soit encore possible de faire référence à la liberté religieuse, notion qui reste une pierre d’achoppement dans les rencontres entre musulmans et chrétiens.

Durant ces quatre jours, les membres de la conférence se rendront à la cathédrale Sainte-Marie de Djakarta ainsi qu’à la mosquée Istiqlal (‘Indépendance’), la plus grande mosquée d’Asie, les deux édifices se faisant face. Ils visiteront également des organisations telles que Migrant Care ou bien encore les bureaux de l’ICRP (Indonesian Conference on Religion and Peace – Conférence indonésienne sur la religion et la paix).