Eglises d'Asie

Le cardinal archevêque de Saigon propose un programme de rénovation (dôi moi) intégrale du pays

Publié le 27/02/2013




A l’occasion du Nouvel An lunaire, le cardinal archevêque de Saigon, Mgr Jean-Baptiste Pham Minh Mân, a rédigé et diffusé une lettre ouverte insolite à plusieurs points de vue (1). Ses destinataires ne sont pas les fidèles de son diocèse, comme c’est la coutume, mais « tous les hommes de bonne volonté, les responsables de l’éducation, les législateurs, les gestionnaires du pays ». …

… Le thème traité dans cette lettre sort lui aussi de l’ordinaire. Le cardinal emprunte un mot d’ordre politique bien connu de la population depuis 1986 – « la politiques de rénovation » (dôi moi) – et l’accommode à sa manière.

La ligne politique de doî moi avait été lancée par les dirigeants du pays en décembre 1986, lors du VIème Congrès du Parti communiste vietnamien. La nouvelle orientation visait à sortir le pays de l’isolement et de la récession économique où il se trouvait après dix ans d’application d’un socialisme « pur et dur ». Ce changement de cap permit l’introduction progressive de l’économie de marché et favorisa l’entrée des modes et courants d’opinion venue de l’étranger.

Selon le cardinal, le mot d’ordre de « rénovation » n’a pas encore été appliqué véritablement et l’objectif de la lettre ouverte est d’indiquer l’ampleur et la profondeur qui doivent être données à un mouvement de réforme pour qu’il transforme fondamentalement la société, dans tous ses domaines.

Selon la lettre ouverte, au cours des décennies qui viennent de s’écouler (depuis 1975, date du changement de régime au Sud-Vietnam), le pays a traversé deux périodes distinctes. Durant une première décennie, les portes du Vietnam ont été maintenues soigneusement fermées et la nation est restée isolée du reste du monde, une situation qui comportait de nombreux inconvénients, à savoir l’absence de biens de consommation, la perte des libertés, etc. Au cours de la seconde période, les portes se sont ouvertes, laissant s’introduire un certain nombre de libertés, que le cardinal énumère non sans quelque ironie : « La liberté de l’économie de marché, la possibilité de rivaliser et de s’éliminer mutuellement, la liberté de se laisser aller à la jouissance matérielle, la liberté de divorce, la liberté d’avortement, la liberté pour l’homosexualité… ». Ces libertés ont contribué au développement de l’économie. Mais elles ont en même temps posé beaucoup de problèmes et causé de nombreux maux. Elles ont desséché les cœurs, restreint les générosités, intensifié l’appétit des biens matériels, en même temps qu’elles étaient sources de rivalités et de conflits.

A cette rénovation manquée, l’archevêque de Saigon oppose une rénovation qu’il qualifie d’« intégrale ». Elle devrait concerner tous les domaines de la vie humaine, « le profane et le sacré, la société et la culture, l’économie et la politique ». Elle se réalisera à travers le perfectionnement individuel, la gestion des affaires familiales, la direction du pays et conduira progressivement à un développement intégral. Le cardinal ajoute encore que cette rénovation doit s’effectuer non dans la violence, mais dans le dialogue, la collaboration et en plein accord avec la culture vietnamienne.

La lettre parcourt ensuite, un par un, les divers domaines qui doivent être transformés par cette rénovation « intégrale ». Le courant de renouveau concernera d’abord l’individu dans de sa vie morale et religieuse, affirme la lettre. Vient ensuite la réforme du système éducatif, dont le souci principal sera la formation aux valeurs morales et ses rituels. La lettre s’attarde ensuite sur le système législatif, qui ne doit plus être un carcan auquel le citoyen se soumet passivement ; il doit être au service de l’homme, protéger les droits de l’homme, la vie en commun. La lettre s’achève sur des propositions concernant l’administration de l’Etat. Celui-ci doit être régi par le droit, un droit tempéré par une profonde humanité.