Eglises d'Asie – Indonésie
Un prêtre catholique récompensé pour son combat en faveur de la paix en Papouasie
Publié le 14/03/2013
« Le P. Neles est quelqu’un de brillant mais humble. Il est capable de comprendre les gens quelles que soient leur culture ou leur religion, qu’ils soient pauvres ou riches, autochtones ou immigrés. Il a consacré sa vie à apporter la paix partout où il allait », explique la Fondation Tji Hak-soon dans sa déclaration annonçant l’attribution du prix, qu’accompagne un chèque de 10 000 dollars.
Né dans l’actuelle province indonésienne de Papouasie en 1964, au sein de l’ethnie autochtone mee, Neles Tebay est ordonné prêtre pour le diocèse de Jayapura en 1992. Il reçoit lors de son ordination le nom traditionnel de ‘Kebadabi’, qui signifie en langue mee « Celui qui ouvre le chemin ». Après des études à l’Institut de philosophie et de théologie de Fajar Timur (STFT) à Jayapura, il poursuit sa formation à l’université de théologie de Manille, aux Philippines, avant de soutenir une thèse de missiologie à l’Université pontificale urbanienne à Rome. Cette dernière porte sur « le travail de réconciliation » de l’Eglise en Papouasie, une mission dans laquelle il s’est déjà fait connaître en tant que militant fervent du dialogue et de la non-violence dans le conflit qui oppose depuis plusieurs décennies l’Indonésie et les Papous.
Aujourd’hui, le P. Neles Tebay est recteur de la STFT. Il est aussi membre de la Commission théologique de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie (KWI) et participe activement au Consultative Forum of Religious Leaders (FKPPA), au Forum for Religious Harmony (FKUB) ainsi qu’à la Communion of Churches in Papua (PGGP), qui dénonce régulièrement les exactions et les violations des droits de l’homme envers les Papous par l’armée indonésienne.
Auteur de nombreux ouvrages sur le conflit en Papouasie, le prêtre catholique a été chroniqueur dans plusieurs revues et quotidiens dont le Jakarta Post. C’est cependant essentiellement au titre de son travail en tant que coordinateur du Papuan Peace Network (PPN), une organisation militant pour la non-violence et l’établissement d’un dialogue de paix entre le gouvernement indonésien et les indépendantistes papous qu’il a reçu aujourd’hui le prix ‘Justice et Paix’ de la Fondation Tji Hak-soon. Le PPN a déjà organisé plusieurs rencontres et pourparlers entre les rebelles papous et Djakarta, et de nouvelles négociations sont attendues dans les semaines à venir.
A la veille de la cérémonie, le lauréat a exprimé sa surprise et sa reconnaissance pour ce prix qu’il estime « n’avoir nullement mérité » mais qu’il espère pouvoir permettre aux acteurs de paix en Papouasie de faire avancer leur cause.
« J’ai été choisi [comme lauréat], explique le prêtre catholique dans une déclaration publiée le 4 mars dernier, alors que le processus de paix entre le gouvernement d’Indonésie et le groupe séparatiste papou – un travail mené par le Papua Peace Network ainsi que par ses nombreux soutiens des deux parties – n’est toujours pas enclenché. Nous n’avons même pas pu mettre fin à la violence et aux massacres qui se poursuivent ici depuis 1963. »
« Malgré cela, poursuit-il, je pense que cette récompense démontre que le peuple papou et le gouvernement indonésien sont sur le bon chemin, et qu’ils ont le même désir de mettre fin à la guerre aussitôt que possible, dans le dialogue et le respect. Le fait de recevoir ce prix va engager les deux parties à s’asseoir à la table des négociations pour y tenir des pourparlers de paix et trouver une solution constructive et satisfaisante pour chacun. »
« Cela démontre aussi que le soutien au dialogue de paix entre la Papouasie et Djakarta ne vient pas que des groupes papous et des différentes provinces d’Indonésie. (…) Moi-même, j’ai été surpris que vous [en Corée du Sud] ayez eu connaissance de nos efforts de médiation ! »
Et le prêtre militant de conclure : « Et si cette récompense est offerte afin d’encourager les efforts de dialogue entre les Papous et le gouvernement indonésien, alors je dois reconnaître qu’elle ne m’est pas destinée à moi seul, mais aux deux parties, ainsi qu’à toutes les personnes, toutes les organisations, toutes les institutions qui soutiennent ce dialogue, afin que soit enfin trouvée la meilleure façon de résoudre le conflit en Papouasie. »