Eglises d'Asie – Taiwan
En se rendant place Saint Pierre pour les funérailles de Jean-Paul II, Chen Shui-bian est devenu le premier président taiwanais à visiter le Vatican
Publié le 18/03/2010
Avant de s’envoler pour Rome, où, aux termes d’une clause des accords du Latran, signés entre l’Italie et le Saint-Siège, les autorités italiennes ont délivré un visa au président taiwanais (1), Chen Shui-bian avait présenté ses condoléances pour la mort du pape. Dans un discours prononcé le 4 avril, il avait notamment souligné l’action de Jean-Paul II et les efforts de celui-ci pour défendre « les quatre piliers de la paix : l’amour, la justice, la vérité et la liberté ». Les drapeaux du Bureau de la présidence et du Yuan (conseil) législatif avaient été mis en berne.
Selon la presse locale, qui a souligné en gros titres « le caractère historique » (Taipeh Times) et « le beau succès diplomatique de Taiwan » (China Post) qu’a représenté la visite du président taiwanais au Vatican, Chen Shui-bian s’est rendu à Rome à l’invitation du Saint-Siège. Monseigneur Ambrose Madtha, chargé d’affaires à la nonciature du Saint-Siège à Taipei, a eu la charge de transmettre l’invitation du Saint-Siège à la présidence taiwanaise. La délégation emmenée par Chen Shui-bian comprenait cinq personnes : le président, son ministre des Affaires étrangères, Chen Tan-sun, et trois religieux (le P. Jan Van Aert, de la Maison Ste Anne pour les handicapés mentaux, à Taipei, le P. Vincent Hsin Chao-ming, du diocèse de Taichung, et Ma Hsiao-chi, de l’Association des musulmans chinois) (2).
Le 7 avril, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères a précisé : « Nous savons que le pape était très soucieux de l’harmonie entre les religions, tout particulièrement au sein du monde arabe. C’est pourquoi nous avons demandé à Ma Hsiao-chi, un professeur musulman de religion, d’être de la délégation. » Originaire de l’ethnie Bunun, le P. Hsin, de son côté, s’est déclaré très touché de représenter les peuples aborigènes de Taiwan – en grande partie convertis au christianisme – aux obsèques du pape. Le P. Hsin a évoqué le souvenir de la rencontre qu’il avait eue avec le Saint Père, lorsque celui-ci lui avait serré la main à l’occasion d’une présentation des peuples aborigènes taiwanais à Rome, en 1993.
Avant le départ du président pour Rome, les responsables taiwanais ont souligné le caractère exceptionnel de ce déplacement. Pour Chen Shui-bian, même si aucune entrevue avec l’un ou l’autre des quelque deux cents responsables politiques venus du monde entier n’a eu lieu le 8 avril place Saint Pierre, le seul fait d’être vu parmi les principaux dirigeants de la planète était déjà une victoire.
Du point de vue de l’Eglise catholique, à Rome, soulignent certains observateurs, la venue du président Chen était sans doute la seule solution possible. D’une part, les relations diplomatiques existant entre les deux Etats légitimaient la présence d’une délégation taiwanaise. D’autre part, il eut été délicat pour le Saint-Siège d’accueillir une délégation officielle venue de Chine populaire. Celle-ci aurait pu inclure des responsables de l’Association patriotique des catholiques chinois ou des évêques « officiels » dont l’ordination épiscopale n’a pas été reconnue par le pape. Le 7 avril, en déclarant que « la décision de laisser Chen Shui-bian participer [aux funérailles] avait heurté les sentiments du peuple chinois Anthony Liu Bainian, vice-président de l’Association patriotique, a ajouté : « Nous avions prévu d’envoyer quelqu’un aux funérailles du pape, mais maintenant nous n’irons plus. » Ces propos ont sans doute été perçus avec un certain soulagement parmi les responsables du protocole au Saint-Siège.