Eglises d'Asie

Loi sur « la santé reproductive » : dernière étape avant le vote

Publié le 03/12/2012




Vendredi 30 novembre, le président Aquino était à Cebu aux côtés de l’épiscopat catholique et d’une foule estimée à 500 000 personnes pour célébrer la canonisation de Pedro Calungsol (1654-1672), un laïc de 17 ans, martyrisé pour sa foi en 1672. Le lendemain, il était à Manille pour assister à une messe d’action de grâces célébrant l’élévation au cardinalat du jeune archevêque de Manille, Mgr Luis ‘Chito’ Tagle, 55 ans. Toutefois, …

… en dépit de ces apparentes bonnes et cordiales relations entre le chef de l’Etat et l’Eglise catholique des Philippines, les grandes manœuvres se poursuivent sur le terrain politique : ce 3 décembre, au palais présidentiel de Malacanang, ‘Noynoy’ Aquino a réuni l’ensemble des membres de la Chambre des représentants appartenant à sa coalition pour les inviter à voter sans délai un projet de loi en chantier depuis quinze ans, la Loi sur la santé reproductive, connue sous le nom de RH Bill (Reproductive Health Bill) et activement combattue par l’épiscopat catholique (1).

Selon les proches du président philippin, la procédure parlementaire et le calendrier électoral ne laissent pas d’autre choix aux partisans de cette loi que d’agir sans délai. Manuel Mamba, directeur au palais présidentiel du Bureau de liaison avec le Parlement, explique qu’étant donné les allers-et-retours que doit connaître le projet de loi entre la Chambre des représentants et le Sénat, il est « impératif » que les députés de la Chambre basse du Parlement votent le texte dans les tout prochains jours, « avant l’ajournement de la session parlementaire le 21 décembre prochain pour les fêtes ». Après Noël, précise-t-il, il ne restera que quelques semaines de travail parlementaire avant le lancement de la campagne électorale pour les scrutins de la mi-mandat (les ‘midterm elections’ de 2013).

Pourtant, l’empressement de la présidence de la République à voir le projet voté ne semble pas rencontrer le même écho du côté des parlementaires. Ces mois derniers, il a ainsi été impossible de réunir à la Chambre des représentants le quorum nécessaire pour étudier le texte de loi dans le détail et y introduire d’éventuels amendements. Manuel Mamba précise que les alliés politiques du président se sont à chaque fois arrangés pour être absents de l’hémicycle aux moments-clés et que « même les co-auteurs du texte de la RH Bill avaient disparu ». Ce n’est que la semaine dernière, en réponse aux pressions multiples du palais présidentiel, que le quorum a été atteint et qu’une nouvelle – et énième version – du projet de loi a été adoptée.

C’est ce nouveau texte qui devra faire la navette entre les deux Chambres du Parlement avant d’être définitivement adopté. Selon les informations disponibles, la Loi sur la santé reproductive, rebaptisée depuis quelque temps déjà « Loi sur le développement de la population, la santé reproductive et la parentalité responsable », a été amendée notamment afin d’écarter de son champ d’application les procédés contraceptifs qui empêchent la nidification d’un ovule fécondé, méthodes qui ressortent des produits abortifs et qui sont condamnées comme telles par l’Eglise catholique.

Sur les ondes d’une radio gouvernementale, Abigail Valte, l’un des porte-paroles du président Aquino, a commenté la présence du président à la messe d’action de grâces en l’honneur du nouveau cardinal Tagle en ces termes : « Vous savez, des hommes de principe peuvent ne pas être d’accord entre eux et pourtant s’estimer assez pour partager le pain ensemble. » Elle poursuivait ainsi : « Le président est pro-RP [Responsible Parenthood] et il n’a pas changé d’un iota sur ce point. Il a dit et répété que ce texte était très important, mais que les parlementaires restaient libres de le voter selon ce que leur dictait leur conscience. »

A l’heure actuelle, les forces en présence à la Chambre des représentants sont favorables, sur un strict plan politique, au président Aquino : sur 287 députés, 170 appartiennent à la coalition qui le soutient. Toutefois, admet Manuel Mamba, si « les parlementaires pro-RH sont légèrement majoritaires par rapport à leurs collègues anti-RH », le résultat du vote « est loin d’être acquis (…), les parlementaires ne souhaitant pas vraiment durcir les relations entre l’Eglise catholique et le président », analyse Rufus Rodriguez, élu de Cagayan de Oro et opposant au projet de loi.

Du côté de l’Eglise catholique, si l’opposition au projet de loi paraît déterminée, des voix entendues ici et là laissent apparaître quelques dissensions. Le parlementaire Teddy Baguilat, élu d’Ifugao et proche du président, a récemment déclaré que si la Conférence épiscopale continuait à s’opposer au projet, plusieurs prélats se montraient moins résolus, notamment depuis le dernier remaniement du texte. « En privé, de nombreux évêques ne montrent pas d’opposition à la nouvelle mouture de la RH Bill », a-t-il affirmé.

Ce 3 décembre, Mgr Gabriel Reyes, évêque d’Antipolo et président de la Commission épiscopale pour la famille et pour la vie, a annoncé qu’« à partir d’aujourd’hui et durant les prochains jours », les chrétiens des Philippines étaient invités « à prier et à jeûner afin que [les] législateurs rejettent le projet de loi ». « Nous demandons à Dieu de protéger la vie, la famille, le mariage et la jeunesse de notre pays », a déclaré le prélat. Le même jour, l’archevêque de Manille, le cardinal Tagle, et ses évêques auxiliaires ont publiquement demandé aux législateurs de « prendre leur temps » et de ne pas se précipiter pour voter le projet de loi. Ils ont ajouté que les délibérations devraient être transparentes et les votes nominatifs, de manière à « respecter la diversité des points de vue ».

Les jours précédents, une polémique avait éclaté quant à l’existence d’un supposé « vote catholique » aux Philippines. A la fin du mois de novembre dernier, l’archevêque de Lipa, Mgr Ramon Arguelles, avait en effet appelé les Philippins à faire preuve de discernement lors des élections de 2013 et à rejeter les hommes politiques qui « ne suivaient pas les enseignements de l’Eglise», en particulier ceux qui auraient voté en faveur de la RH Bill. Mgr Jose Palma, archevêque de Cebu et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, avait sèchement commenté par voie de communiqué de presse, qu’il n’existait pas aux Philippines de « soi-disant ‘vote catholique’ » et qu’il appartenait aux électeurs philippins de se décider en conscience, restant libres de s’inspirer des « directives » de l’épiscopat local.