Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – La Bible et le groupe des traducteurs de la Liturgie des Heures au Vietnam

Publié le 22/03/2013




L’abandon du latin par le Concile Vatican II au profit des langues vernaculaires dans le culte divin est lié au souci de rendre la Parole de Dieu accessible à tous. Les Pères du Concile voulaient par là faire redécouvrir les Saintes Ecritures, puisque selon la forte parole de saint Jérôme, « L’ignorance des Ecritures, c’est l’ignorance du Christ ». …

… Et comment accéder aux Ecritures Saintes, sinon en les écoutant ou en les lisant dans sa propre langue ? Déjà, pour les pays occidentaux, voilà un aggiornamento bouleversant. A plus forte raison pour les pays qui, comme le Vietnam, relèvent d’autres sphères culturelles.

Célébrer la liturgie, lire la Bible et l’écouter en vietnamien… C’est dans ce cadre qu’intervient le « Groupe des Traducteurs de la Liturgie des Heures » (Groupe TLH), qui depuis plus de quarante ans se consacre à la traduction du corpus liturgique, sous des formes variées. L’histoire de ce groupe est retracée dans un ouvrage collectif : 40 Năm Hiện Diện (‘40 années de présence’) (format 17/24, 330 pages). Le P. Pascal Nguyễn Ngọc Tỉnh, principal animateur et, actuellement encore, permanent du Groupe, y décrit en détail la formation, les activités et surtout la vie du groupe. Sa description est complétée et renforcée par le témoignage de membres et amis du Groupe. A travers ce livre, on découvre un espace spirituel qui, au fil des ans, s’est constitué au sein de l’Eglise du Vietnam, dans sa partie Sud, d’une manière privée, indépendante en quelque sorte de la structure hiérarchique. Mais qui finit par s’imposer comme incontournable. Nous évoquons ici très sommairement la formation et les activités de ce groupe, les difficultés qu’il a eu à surmonter et les soutiens qui ne lui ont jamais manqué. (Le lecteur vietnamien peut se référer au site Internet très riche du groupe : www.kinhthanhchomoinguoi.org, pour la documentation sur le Groupe, ainsi que pour les textes liturgiques quotidiens.)

Le contexte historique

Si le groupe est né en 1971, il a été, de fait, présent dans les esprits dès Vatican II, concrètement avec l’abandon du latin. Ecoutons le P. Pascal Nguyễn Ngọc Tỉnh : « En 1964, au cours d’un camp d’été organisé à Soleure (Suisse) pour les prêtres, religieux et séminaristes vietnamiens, j’ai rencontré pour la première fois les PP. Hoang Kim et Do Xuan Quê. Ils discutaient du travail à accomplir pour que la foi, à travers la pastorale, assimile les valeurs culturelles du pays. Leurs discussions ne me préoccupaient guère, moi qui étais encore en deuxième année de théologie. » Il se trouve que ces trois prêtres, le P. Tỉnh, franciscain, le P. Quế, dominicain, et le P. Hoàng Kim, prêtre diocésain, seront plus tard parmi les membres les plus importants du Groupe TLH.

En 1964, on est encore en plein Concile et, si le Concile était un événement considérable pour l’Eglise et pour le monde, il l’était bien plus pour les catholiques vietnamiens qui vivaient une situation historique exaltante. Le pays avait été coupé en deux après Điện Biên Phủ et les Accords de Genève (1954). Pourtant, la partie Sud du Vietnam était relativement prospère et en plein développement. L’aggiornamento de l’Eglise coïncidait avec l’accès à l’indépendance de nombreux pays du tiers-monde, et s’appliquait très concrètement à l’Eglise au Vietnam. En effet, le 24 novembre 1960, le décret Venerabilium Nostrorum du pape Jean XXIII instituait la hiérarchie catholique vietnamienne et, par conséquent, l’Eglise du Vietnam. Une terre de mission devenait une Eglise locale. Un peu tard, certes, pour une communauté catholique ancienne (plus de quatre siècles) et proportionnellement la plus nombreuse en Asie, après les Philippines et qui continuait malgré des persécutions cruelles à s’affirmer et à se développer. Mais l’accueil fut fier et grave : il s’agissait maintenant d’être à la hauteur de ce vent nouveau soufflant sur l’Eglise.

Inculturation avant la lettre

Avant d’examiner l’aggiornamento dans le cas du Vietnam, il convient de faire une remarque préliminaire. La Bonne Nouvelle se laisse écouter dans toutes les langues, à tous les niveaux. L’inculturation de la foi se réalise d’elle-même pour ainsi dire, au-delà de la tour de Babel linguistique. Les missionnaires portugais, espagnols, français avec leur culture, leurs préjugés et autres a priori, peuvent proclamer le Message évangélique dans n’importe quelle langue, à partir de n’importe quelle culture, s’ils sont emplis de l’Esprit-Saint, chacun l’entend dans sa propre langue maternelle (Actes 2,8). Dieu parle au cœur de l’homme, dans son existence concrète. Le paysan du Tonkin, par exemple, qui a reçu le don de la foi, trouve forcément le moyen de l’exprimer dans sa propre langue. La profondeur de la foi ne se mesure point à l’aune d’une prise de conscience de type intellectuel ou théologique. Nos Pères dans la foi, particulièrement les cent mille martyrs vietnamiens, en sont les témoins. Naturellement, cela ne dispense pas de lire « les signes du temps ». Il appartient à chaque génération de scruter ce qui change pour approfondir ce qui demeure et d’ajuster l’expression de la Foi aux réalités changeantes du monde.

C’est dans cette perspective qu’il faudrait aborder le travail du Groupe TLH. Son but ultime est de vivre et aider à vivre, humblement, le Message évangélique dans toute sa dignité et sa profondeur. Pour le Groupe, traduire n’est pas simplement plaquer sur la langue maternelle le texte à traduire comme on le voit trop souvent dans les traductions vietnamiennes dont la lecture sent terriblement ‘occidental’. La langue vietnamienne est une langue à tons. Les tons déterminent la tonalité du discours comme dans toutes les langues. Mais en plus, ils font les mots. Il ya six tons, ces tons sont rangés en bằng et trắc. On qualifie de bằng les tons/mots plats ou graves et trắc (modulés) les tons/mots qui ont les quatre autres tons. L’écoute est bonne ou mauvaise selon le choix et la succession des tons. Le rythme de la phrase demande une certaine succession des tons. Une succession maladroite rend l’écoute désagréable. Une traduction sérieuse doit tenir compte de toutes ces exigences de la langue.

Si, en plus, le texte à traduire est de nature poétique, comme les Psaumes par exemple, la tâche devient ardue. Ce n’est pas pour rien que les membres du Groupe restent parfois des heures sur un psaume sans arriver à s’entendre sur une traduction. Car, traduire ici, c’est exactement ajuster la Parole de Dieu à la langue et donc aux valeurs culturelles du pays ; non point pour placer cette Parole à un certain niveau culturel, si noble soit-il, mais pour qu’elle se trouve comme chez elle dans cette langue avec sa tonalité, son rythme, sa sensibilité. En somme, il s’agit de l’harmoniser avec l’âme vietnamienne. Tradutttore, traditore (‘Traduire, c’est trahir’), dit-on en Occident entre langues occidentales. Que ne faudrait-il pas dire quand la traduction enjambe les océans et les cultures ! Trahison ou non, il est évident que, dans traduction, il y a création, inventivité. Seule l’inventivité nous donne quelque chance de rester fidèle à l’esprit sans trahir la lettre.

Les traductions

Avant le Groupe, et même avant le Concile Vatican II, du côté catholique, on a beaucoup traduit. « Dès 1913, l’imprimerie Nazareth des MEP à Hongkong faisait paraître le premier des quatre volumes de la traduction du P. Albert Schlicklin, missionnaire au Nord-Vietnam, accompagnée du texte latin de la Vulgate et de commentaires. » [NdT : Eglises d’Asie, n° 238, 01.03.1997. EDA a rendu compte largement des travaux du Groupe TLH jusqu’à l’an 2000. Voir EDA 179, 183, 203, 238, 317]. A partir des années 1960, les auteurs de traductions complètes ou partielles de la Bible se multiplièrent. On peut citer le P. Gagnon Nhân, rédemptoriste canadien, le P. Trần Đức Huân, le P. An Sơn Vi, M. Mai Lâm Đoàn Văn Thăng, le P. Nguyễn Thế Thuấn, le cardinal Trịnh Văn Căn.

Mais, sur le plan de la quantité et de la durée, il n’existe aucun équivalent du travail accompli par le Groupe TLH. En quarante ans, on ne compte pas moins d’une trentaine de publications ronéotypées ou imprimées, publiques ou clandestines en fonction des fluctuations et bouleversements politiques du pays. Le Groupe a vraiment pensé à tous. Pour les enfants et les jeunes, il y a la Bible racontée aux enfants (6-9 ans), la Bible racontée aux adolescents (10-15 ans). Mentionnons en particulier les Quatre Evangiles, les Actes des Apôtres, les 150 Psaumes et le livre des Lectures de la Messe en braille, réalisés par Nguyễn Quốc Phong, un non-voyant de l’Institut Don Bosco. Ces œuvres en braille sont offertes par le Groupe aux centres pour malvoyants de Saigon et d’autres villes.

Sur le plan de la qualité, c’est bien la première fois qu’existe au Vietnam dans l’Eglise – et même hors de l’Eglise – une équipe de traducteurs aussi compétente, cohérente et surtout aussi constante. Ses publications depuis la Liturgie des Heures jusqu’au Rituel de la Messe, malgré la réticence de quelques évêques, reçoivent l’accueil chaleureux des congrégations religieuses dont sont issus la plupart des membres du Groupe et de la communauté chrétienne. Bien plus, la valeur de son travail a été reconnue par les plus hautes instances internationales, catholiques comme protestantes.

Kinh Thánh ấn bản 2011 (‘La Sainte Bible édition 2011’) du Groupe TLH est sans conteste la traduction la plus aboutie. Il n’y a pas – et il n’y aura jamais – de traduction parfaite et définitive, car la langue évolue, les sciences bibliques s’approfondissent. Mais, sans entrer dans le détail du contenu de ce volume de taille respectable avec ses 2 800 pages, on peut affirmer sans crainte de se tromper que c’est à l’heure actuelle la meilleure traduction de la Bible en vietnamien. Pour deux raisons : elle est l’œuvre de gens compétents et elle est collective.

Il y dans le groupe de nombreux biblistes aux spécialités différentes, des enseignants d’hébreu et de grec, des théologiens, des liturgistes, des littéraires, des poètes…

La Bible est une forêt vieille de plusieurs millénaires. Pour l’explorer et la traduire, il n’y a jamais assez de gens compétents. Le premier atout du Groupe, c’est la compétence. Le second est le caractère collectif de toute traduction, puisqu’il est toujours fait appel à tous les membres du groupe pour examiner et réexaminer une traduction jusqu’à ce qu’elle obtienne l’assentiment de tous.

Ajoutons que cette Bible est traduite dans une perspective pastorale. Elle est la Parole de Dieu pour tous (Lời Chúa cho Mọi Người). Le site Internet du Groupe s’intitule d’ailleurs kinhthanhchomoinguoi.org (‘la Sainte Bible pour tous’), analogue au site AELF (Association épiscopale liturgique pour les pays francophones).

Le Groupe n’oublie pas la recherche. Il entreprend déjà une traduction scientifique, réservée à l’enseignement et aux études bibliques. Le Nouveau Testament, le Pentateuque, les livres historiques sont sortis. L’idéal serait de parachever cette traduction vers 2020, quand le Groupe fêtera ses cinquante ans d’existence.

Un animateur exceptionnel

L’initiateur du Groupe est le P. Pascal Nguyễn Ngọc Tỉnh. Lui que les préoccupations des aînés ne touchaient guère, comme nous l’avons vu plus haut, il fut rattrapé par elles une fois retourné au pays. Il s’aperçut par exemple que, pour la Liturgie des Heures, « trouver une traduction des psaumes était une tâche ardue ». Un jour, il tombe sur une traduction du Psaume 42, non pas en prose mais en langage poétique. N’étant pas exégète, il ne sait pas dans quelle mesure la traduction est fidèle, mais sa conviction est faite : « Si les psaumes sont élaborés sous forme poétique, c’est bien la première fois que je rencontre une traduction vietnamienne qui en garde la charge poétique et j’ai pensé que si l’on voulait avoir une bonne version des psaumes, il fallait forcément l’intervention de poètes. »

Sitôt dit, sitôt fait. Début 1971, il rencontre un prêtre poète, Xuân Ly Băng, et lui soumet le problème. L’été de la même année, il reçoit de ce dernier quelques traductions, les apporte au P. Nguyễn Văn Vi, secrétaire général de la Commission épiscopale pour la liturgie, et lui demande de les publier dans la revue Phụng Vụ (‘Liturgie’). Ensuite, il se rend auprès du P. Đỗ Xuân Quế, rédacteur en chef de la revue Nhà Chúa (‘Maison de Dieu’), pour la même demande. Celui-ci lui fait savoir qu’à l’occasion d’une rencontre de jeunes prêtres organisée à Nha Trang, des confrères ont formé le projet de traduire la Liturgie des Heures et que lui-même est désigné comme animateur, mais qu’il devait partir pour la France. Il lui conseille alors d’aller voir le P. Trần Phúc Nhân, professeur d’exégèse, d’hébreu et de grec au grand séminaire. Ce qu’il fit.

Désormais, le P. Pascal Nguyễn Ngọc Tỉnh, en plus du prêtre poète Xuân Ly Băng, se lie avec le groupe qui veut traduire la Liturgie des Heures et avec le P. Trần Phúc Nhân.

A l’occasion de la Toussaint 1971, il réussit à les inviter tous à une séance de travail chez les bénédictines de Thủ Đức. Il leur soumet un certain nombre de traductions de Xuân Ly Băng, pensant naïvement qu’en une journée de travail on pouvait mettre au point une vingtaine de psaumes au moins. Or, en fin de journée, on a réussi à s’entendre sur deux ou trois traductions seulement. Cependant, le plus important est que chacun ait eu une première expérience du travail en équipe ; tous sont d’accord pour se retrouver.

Au moment des vacances du Tết 1972, une vraie première session de travail eut lieu chez les franciscains de Thủ Đức : à raison de dix heures par jour, le groupe s’attèle avec enthousiasme à la traduction de la Liturgie des Heures. Le travail s’arrête à la fin des vacances pour reprendre aux vacances de Pâques de la même année. Le résultat est la publication de la première semaine de la Liturgie des Heures. Ce premier livre fut accueilli avec beaucoup de sympathie. Ceux qui se soucient de la qualité de la langue et de la culture vietnamiennes se sont réjouis d’une telle traduction. Dans l’ensemble, les congrégations religieuses l’ont adoptée puisqu’il n’en existait pas d’autre. Le Groupe commence ainsi à se faire connaître. Le mouvement est lancé. Il ne s’arrêtera plus.

L’été 1973, un mois de travail chez les cisterciens de Đơn Dương, en pleine campagne, aboutit à la traduction de la deuxième semaine de la Liturgie des Heures. C’est le P. Đỗ Xuân Quế, revenu de France, qui se charge de la publication. La traduction de la troisième et de la quatrième semaine sera réalisée pendant l’été 1974. Ainsi, la partie essentielle de la Liturgie des Heures est complète.

En mars 74, l’Alliance biblique organise à Dalat une conférence sur la traduction de la Bible. Trois membres du groupe y assistent : les PP. Nguyễn Ngọc Tỉnh, Trần Phúc Nhân et Đỗ Xuân Quế. Outre les échanges sur les principes de la traduction, c’est la première fois que le groupe entre en relation avec une organisation biblique mondiale et rencontre des protestants vietnamiens. La discussion aboutit à un projet important : réaliser une traduction du Nouveau Testament commune aux protestants et aux catholiques. Ce beau projet est balayé par les événements de 1975.

La formation du groupe

A partir du premier noyau, le groupe va s’agrandir en accueillant d’autres membres au fil des ans. Les derniers arrivés datent de 2010. A vrai dire, ils ne sont pas nombreux : à peine une trentaine. Comme ils ont tous leur charge pastorale ou d’enseignement et, de surcroît, résident loin les uns des autres, ils ne peuvent se rencontrer qu’au prix de beaucoup de difficultés, à l’occasion des vacances. Certains ne travailleront dans le groupe que pendant quelques temps et seront affectés à d’autres tâches par leurs supérieurs.

Presque tous sont religieux ou religieuses. On compte aussi quelques prêtres diocésains et un laïc. Avant 1975, le groupe était assez restreint. Il était composé de Nguyễn Ngọc Tỉnh, franciscain, initiateur du Groupe, Trần Phúc Nhân, prêtre séculier, Đỗ Xuân Quế, dominicain, Xuân Ly Băng, prêtre séculier, Thiện Cẩm, dominicain, Hoàng Kim, prêtre séculier, Trần Ngọc Thao, rédemptoriste, Nguyễn Văn Hòa, dominicain, Nguyễn Thị Sang, Congrégation Notre-Dame, Nguyễn Công Đoan, jésuite.

Sœur Nguyễn Thị Sang ne rejoint le Groupe qu’à la fin de 1974 et le P. Nguyễn Công Đoan vers le milieu de 1975. Avec environ sept ou huit personnes, le Groupe a traduit entièrement la Liturgie des Heures pour le temps ordinaire. Dans l’enthousiasme de leur jeunesse, les auteurs ont travaillé activement.

Il faut mentionner en particulier le P. Hoàng Kim, décédé en 1985. Au témoignage de tous, il a imprimé sa marque à la traduction de la Liturgie des Heures. Hoàng Kim n’était pas exégète, mais poète et musicien. Il aimait tellement les mots que parfois il restait des heures à attendre que vienne le mot qui sonne juste. Sa prose est déjà une prosodie. De sorte que l’invention musicale qui la transforme semble se contenter d’expliciter les potentialités de la langue. Les morceaux composés par lui sont très vietnamiens et en même temps très priants.

A partir de 1975, le Groupe recrute des membres nouveaux, de plus en plus jeunes. Ce sont surtout des religieuses. Les voici dans l’ordre d’intégration au Groupe : Nguyễn Hữu Phú (1976), rédemptoriste, Hoàng Đắc Ánh (1977), dominicain, Trịnh Văn Thậm (1984), sulpicien, Nguyễn Tất Trung (1984), dominicain, Nguyễn Ngọc Rao (1986), dominicain, Nguyễn Cao Luật (1990), dominicain, Nguyễn Đạt Tam (1990), Congrégation du Très Saint Sacrement, Nguyễn Cao Siêu (1992), jésuite, Hoàng Ngọc Lễ (1992), laïc, Trần Hòa Hưng (1996), salésien, Lê Thị Thanh Nga (1996), Congrégation Notre-Dame, Phạm Xuân Hưng (1997), dominicain, Nguyễn Tiến Dũng (2001), franciscain, Lê Thị Vân Nga (2003), amante de la Croix, Vũ Anh Quốc (2006), dominicain, Lê Minh Thông (2008), dominicain, Nguyễn Thị Cảnh Tuyết (2008), dominicaine, Đỗ Thị Yến (2009), dominicaine, Vũ Văn Lượng (2010), dominicain.

Ce sont tous de fortes personnalités aux compétences très variées, non seulement exégétiques, mais aussi pastorales, liturgiques, littéraires, poétiques… Ils se distinguent aussi par leurs connaissances des langues anciennes et modernes (l’hébreu, le grec, le latin, le chinois, l’allemand, le français, l’italien). On comprend ainsi qu’il est difficile d’aboutir à une traduction qui satisfasse l’ensemble. Le P. Tinh, animateur avisé, marque parfois au tableau les traductions litigieuses, et invite à continuer. Ainsi, le travail n’est pas bloqué par un détail sur lequel chacun a tout loisir de ruminer. Le P. Trân Phuc Nhân résume en quelques mots l’esprit et la méthode de travail du Groupe : « Pour moi, les jours où je viens travailler dans le Groupe, je me sens particulièrement à l’aise. En effet, malgré les différences de milieux, d’âge et de caractères, nous nous accordons bien et sommes tous disponibles pour l’œuvre commune. Avec la capacité intellectuelle de chacun, cette entente est peut-être l’un des facteurs qui font la force du Groupe et qui l’aide à surmonter les obstacles rencontrés à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur. »

Voilà pour l’esprit et voici pour la méthode de travail : « D’habitude, le groupe confie à chacun une tâche, par exemple traduire ou annoter un des livres de la Bible. Les annotations sont ensuite relues par un autre, qui donnera ses avis à l’auteur. Quant à la traduction, elle est confiée à l’examen d’un sous-groupe comprenant des personnes aux compétences différentes (linguistique, littéraire, liturgique,…) pour réexamen. Chacun donnera son avis afin d’arriver à une traduction acceptée par tous. Ainsi la traduction est le résultat d’un travail collectif, et non d’une seule personne. Evidemment, l’examen d’une traduction est plus ou moins exigeant en fonction de l’importance du livre.

En ce qui concerne la traduction des Psaumes, première contribution du Groupe, le travail a été très soigné. Chaque traduction est examinée, réexaminée plusieurs fois. Surtout parce que les Psaumes sont des poèmes et sont d’ordinaire psalmodiés en commun, à haute voix, la traduction doit, de ce fait, arriver à rendre la poésie des psaumes tout en étant agréable à écouter (…). Nous avons adopté la forme poétique libre, tout en essayant de varier la tonalité et le rythme du texte, surtout à la fin de chaque ligne. Ainsi, en général, il n’y a pas plus de quatre trắc à la suite dans une ligne comme il n’y a pas deux lignes de suite qui finissent par un trắc (…). Ce principe de traduction s’applique aussi, d’une manière plus souple évidemment, à la traduction en prose. Par ailleurs, nous tâchons d’avoir un texte qui ne sonne pas ‘occidental’ et qui soit agréable à entendre. C’est pourquoi, en particulier, beaucoup de substantifs dans les langues occidentales sont traduits par des verbes. On peut le constater clairement en comparant notre traduction des Oraisons avec celles réalisées par d’autres. »

Les indispensables

Les traducteurs traduisent. Mais pour qu’ils puissent continuer à travailler et que le fruit de leur travail parvienne aux utilisateurs, surtout pendant les heures les plus sombres après 1975, il a fallu le courage et le dévouement de nombreux collaborateurs anonymes et indispensables. Selon le récit du P. Trịnh Văn Thậm, à cette époque, machines à écrire, ronéos devaient être déclarées dans le détail aux autorités. Taper et ronéotyper en cachette la Liturgie des Heures, le Missel Romain, les Livres de Lectures des Dimanche et Grandes Fêtes était extrêmement dangereux. Les œuvres religieuses étaient alors classées dans la catégorie văn hóa đồi trụy (‘culture décadente’) ou tuyên truyền chống phá cách mạng (‘propagande contre-révolutionnaire’). Il faut remercier le jeune Lành, Melle Phương Liên et le jeune Tuấn pour avoir tapé sur stencils tous ces textes. Il fallait ensuite ronéotyper. C’était l’opération la plus dangereuse, puisque passible de dix ans de prison au moins pour crime de đội lốt tôn giáo in tài liệu chống phá cách mạng (‘sous couvert de religion, imprimer des documents pour saboter la Révolution’). Le P. Savio Nguyễn Chí Chức s’en chargeait au risque de sa vie. « Notre ami, casse-cou de nature, refusait de se lier les mains « pour que la Parole de Dieu ne soit pas enchaînée » (2 Tm, 2, 9). Pour imprimer, il choisit le moment adéquat, quand tout alentour les bruits divers ‘s’harmonisent’ avec le ronronnement de la ronéo et effacent le bruissement des feuilles qui sortent. » A une époque, ce travail clandestin était devenu si dangereux que le P. Savio obtint la permission d’installer sa machine dans la clôture des carmélites de Saigon. La Liturgie des Heures, le Missel Romain, les Lectures des Dimanches et Grandes Fêtes, ronéotypés en quantité de cette manière, ne sont peut-être pas les plus belles œuvres, mais certainement les plus précieuses pour le peuple chrétien.

Une fois les feuilles imprimées, il reste à relier ce qui a été produit. Les cisterciens de Phuoc Ly s’en chargeaient. Evidemment, les paquets de feuilles devaient être transportées en cachette et une fois reliés, les stocker, distribuer, aux risques et périls de ceux qui en étaient chargés. Des jeunes gens comme Tuấn, Hưng, Hạnh, utilisaient mille et une astuces pour échapper à l’attention des contrôleurs installés le long des chemins et des rues.

Les difficultés rencontrées

La mainmise sur le Sud-Vietnam par le communisme a fait l’effet d’un séisme sur la population. Cet ébranlement n’a pas épargné le groupe, mais il a continué à travailler dans des conditions extrêmement précaires, comme tout le monde. Nous laisserons cependant de côté les persécutions féroces et multiformes exercées après 1975 par le pouvoir communiste. (Elles sont d’ailleurs toujours d’actualité).

Paradoxalement, les difficultés n’ont pas été seulement le fait du pouvoir. Elles ont été aussi rencontrées à l’intérieur même de l’Eglise. A cette époque, l’église (bâtiment) est devenue le lieu unique où l’on peut accomplir la formation de la foi des fidèles, tandis que la messe dominicale constituait le seul moment possible pour dispenser un enseignement religieux. Conscient de cette situation, tout en continuant la traduction des Heures, le groupe consacre une partie important de son temps à réaliser une nouvelle traduction du Missel, car la traduction existante est très imparfaite. Mais l’évêque de Dalat, Mgr Lâm, qui préside la Commission liturgique épiscopale, souhaite limiter l’activité du groupe à la Liturgie des Heures. Il confie la nouvelle traduction du Missel romain à un groupe de prêtres diocésains. Quand la traduction du rituel est achevée et qu’elle est mise à l’essai, elle fut loin d’obtenir l’assentiment de tous. Le Groupe se fit alors un devoir de mettre en garde contre un travail qui, s’il continuait, risquait d’avoir des conséquences catastrophiques pour le peuple de Dieu. Le P. Trần Phúc Nhân fut chargé de rédiger un rapport d’une quarantaine de pages. Après avoir été discuté et mis au point par le Groupe, il fut envoyé en son nom à tous les évêques. Même si le rapport attisa quelque animosité, il mit un terme à cette tentative de traduction.

Une épreuve douloureuse au sein du groupe

Depuis le milieu de l’année 1981, le groupe est accueilli chez lui par l’archevêque de Saigon, Mgr Nguyễn Văn Bình. Considéré par certains comme trop souple à l’égard du pouvoir, Mgr Bình, tiraillé de tous côtés, a essayé tant bien que mal de tenir le gouvernail de la barque. Il n’a pas hésité à protéger le Groupe, fortement visé par le pouvoir. Une sorte de hall derrière l’archevêché, complété ensuite au-dessus par deux petites salles, est proposé au Groupe qui trouve là un lieu de travail relativement sécurisé pendant treize ans. Mgr Bình ne manque pas d’aider le Groupe matériellement : il donna au P. Tỉnh trois taels d’or. Evidemment en lui recommandant de ne rien dire. D’autres à l’archevêché ont d’autres vues, voire d’autres exigences. En treize ans, l’archevêque ne rend visite au Groupe que deux ou trois fois.

En 1984, la Conférence épiscopale décide d’adopter la Liturgie des Heures du Groupe, à condition d’apporter quelques corrections mineures. En 1986, la Commission épiscopale, présidée par Mgr Nguyễn Sơn Lâm, décide de rééditer le Missel publié dans le Sud-Vietnam avant 1975. Le P. Nguyễn Ngọc Sơn qui en est chargé répond, dans une longue lettre envoyée à la Commission et à quelques évêques, qu’il y a mieux à faire que de rééditer un Missel très imparfait et dépassé. Il propose d’utiliser les traductions réalisées avec méthode et compétence par le Groupe TLH. Du coup, le Groupe est invité à rejoindre la Commission liturgique. Ce fut une joie immense de voir ainsi honoré et mis en valeur le travail accompli depuis tant d’années. Désormais, sur les quatorze membres de la Commission liturgique, sept sont choisis par Mgr Lâm, sept par le Groupe.

A cette époque deux membres du Groupe, devenus critiques à son égard, demandent à le quitter. L’un des deux alla jusqu’à porter plainte devant le tribunal civil. Il a fallu l’intervention de l’archevêque pour arranger l’affaire. Le P. Tinh reconnaît qu’« il est incontestable que cet épisode regrettable a eu des conséquences douloureuses pour les personnes concernées. Ce fut pour l’Eglise un triste événement. C’était aussi une des plus grandes épreuves que le Groupe a eu à surmonter ».

Autres épreuves

Le Décret N° 5 de la Congrégation pontificale pour le culte divin et la discipline des sacrements, paru au mois de mai de 2001, contient des dispositions sévères concernant la traduction. L’article 6 du décret, par exemple, écrit : « A partir de la promulgation de la Constitution sur la Sainte Liturgie, le travail de traduction des textes liturgiques en langues vernaculaires, promu par le Siège Apostolique, a comporté la promulgation de normes et d’avis, communiqués aux Evêques. Cependant, il est devenu évident que les traductions des textes liturgiques ont besoin, en divers endroits, d’être améliorées, soit en les corrigeant, soit en réalisant une rédaction entièrement nouvelle. Les omissions et les erreurs, qui affectent jusqu’à présent les traductions en langues vernaculaires, ont constitué un obstacle au juste progrès de l’inculturation, spécialement en ce qui concerne certaines langues ; cela entrave ainsi l’aptitude fondamentale de l’Eglise à préparer les bases d’un renouveau à la fois plus complet, plus sain et plus authentique. » Ces directives romaines servirent de prétexte à un prêtre, membre de la Commission liturgique, pour exhorter des religieuses qui suivaient son cours à ne plus acheter la traduction de la Liturgie des Heures du Groupe, car, disait-il, la Commission publierait une nouvelle traduction…

Il faut dire que, avant même le Décret N° 5 et l’accueil très favorable de leur traduction, les membres du Groupe eux-mêmes restaient insatisfaits de leur travail, à leurs yeux, encore trop éloigné du texte d’origine. Ils avaient entrepris de le corriger et d’y apporter des améliorations. Le P. Đỗ Xuân Quế, dans une missive personnelle datée du 24 novembre 2012, affirmait à ce sujet : « La première traduction a été revue et corrigée quatre fois, à chaque fois avec beaucoup d’efforts et de soins pour la rendre plus proche du texte d’origine. L’avant-dernière version (celle qui est en circulation actuellement) est considérée par beaucoup comme meilleure du point de vue littéraire, mais nous considérions qu’elle comporte encore des éléments insuffisamment fidèles au texte d’origine. C’est pourquoi il nous a fallu un an de travail pour la rectifier. »

A l’intérieur de la Commission liturgique

Pendant toutes les années où il faisait partie de la Commission liturgique, c’est le Groupe qui grâce à sa méthode et sa compétence avait assuré l’essentiel du travail. Lors d’une réunion de la Commission au mois de mai 1999, le prêtre représentant l’évêque responsable déclara en son nom qu’il ne fallait pas « laisser le Groupe des Traducteurs de la Liturgie des Heures contrôler la Commission liturgique ».

Il était temps de partir. Réaliste et bon gestionnaire, le P. Tỉnh y avait pensé bien avant. Il fallait trouver un lieu de travail qui appartienne vraiment au Groupe. Dès 1996, conseillé par le P. Nguyễn Duy Lam, gestionnaire de l’Ordre des frères mineurs, le P. Tỉnh a acheté à crédit une plantation d’hévéas de 18 hectares, contiguë à la plantation de l’Ordre. Le P. Lam était conscient de l’importance du Groupe pour l’Eglise et voulait l’aider à disposer des ressources matérielles nécessaires. D’ailleurs, c’était lui qui se chargeait de surveiller et gérer la plantation. En 1998, avec l’argent économisé grâce à la plantation, la vente des traductions et l’aide des amis, il a pu acheter un lopin de terre bien situé. Mais construire, à cet endroit, et à cette époque, une maison qui réponde aux besoins du groupe, était quasiment impossible. Toutefois, le P. Tinh est homme à remuer ciel et terre. Sur le plan légal, la vice-directrice du Comité du Développement et de la Construction du IIIème arrondissement, une bouddhiste ancienne élève des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, a apporté son aide pour obtenir le permis de construire, permettant même une construction dépassant la hauteur légale. Sur le plan financier, le P. Tinh a su alerter les franciscains et des amis à l’étranger. Finalement, en dehors de la contribution modeste d’une fidèle et plus important d’un vieux prêtre, le Centre missionnaire provincial franciscain de Saxe (Allemagne), Missio (Allemagne) et les MEP (France) lui ont apporté les fonds nécessaires. Le 1er novembre 1998, jour anniversaire du Groupe, la construction commença. Le 30 juin 1999, le P. Tinh s’y installait et, au début du mois de juillet, le Groupe quittait l’archevêché tout proche pour s’y réunir.

Nouvel obstacle

La traduction de la Bible publiée en 2006 avait intégré les commentaires de la fameuse Bible des peuples des PP. Hurault, une Bible retraduite dans plusieurs langues et distribuée à 72 millions d’exemplaires. Le Groupe a mis cinq ans pour traduire ces commentaires. Dès que le travail a été achevé, le P. Alberto Rossa, supérieur général des clarétins, a demandé lui-même l’imprimatur auprès de la Conférence épiscopale vietnamienne. Il fut accordé mais avec une sérieuse restriction : « Après avoir été consulté Mgr Bui Van Doc, président de la Commission épiscopale pour la doctrine de la foi, fait savoir que le livre ne présente aucun danger (Nihil obstat), la Conférence des évêques du Vietnam accorde l’imprimatur à cette Bible en vue du bien spirituel du Peuple de Dieu, en dehors de la célébration liturgique. » La lettre, datée du 7 septembre 2006, est signée par le président de la Commission pour la doctrine de la foi et le président de la Conférence épiscopale vietnamienne. Depuis des années, les traductions du Groupe sont utilisées dans les célébrations liturgiques, aussi bien dans le pays qu’à l’étranger au sein des communautés vietnamiennes. Alors que signifie cette restriction « en dehors de la célébration liturgique » ?

Les soutiens

Dès le début, le Groupe a trouvé un allié de poids chez Mgr André Jacq, vicaire apostolique de Lang Són et Cao Bang. Au moment où le Groupe prépare l’impression de la Première semaine de la Liturgie des Heures, Mgr André Jacq, responsable des congrégations religieuses à la Conférence épiscopale, s’inquiète de ce que cette traduction puisse faire double emploi avec celle qui, en principe, devrait être faite par la Commission liturgique. Le P. Tỉnh vient voir Mgr Jacq, lui expose en détail la composition et la méthode de travail du groupe. Ce dernier est convaincu et devient l’ardent défenseur du Groupe auprès de la Conférence des évêques. Avant de quitter le Vietnam, il a dit au P. Tinh : « A chaque assemblée épiscopale, je prends votre défense. »

Les supérieurs de diverses congrégations soutiennent le Groupe moralement, mais aussi matériellement. La plupart des membres du groupe viennent de ces congrégations et, sans leur permission et leur soutien, le Groupe n’existerait pas. Ce sont eux qui plaident leur cause auprès des évêques. Bien des sessions de travail se déroulent d’ailleurs dans une abbaye ou un monastère…, chez les bénédictines de Thủ Đức, les franciscains de Nha Trang, les cisterciens de Đơn Dương, l’Institut Don Bosco de Dalat.

Les soutiens deviennent nettement plus importants après 1975. Paradoxalement, les travaux du groupe, dans les conditions de clandestinité et de dénuement, étaient abondants. Tout a été confisqué ou mis sous scellé. Les interdits se sont multipliés. Les membres du groupe qui étaient enseignants ou chargés de paroisse (souvent les deux à la fois) sont maintenant tous ‘libres’. Eux aussi ont été envoyés dans les nouvelles zones économiques, mais comme tout le monde, ils sont retournés chez eux au bout de quelque temps, la vie étant impossible dans ces lieux dépourvus de tout. En raison de leur compétence, certains ont été affectés par les autorités à l’élaboration de dictionnaires (hébreu/vietnamien, grec/vietnamien). Mais n’ayant jamais obtenu la moindre pièce officielle attestant de la mission qui leur était confiée, ils n’ont pas tardé à revenir sans tambour ni trompette à leurs anciens travaux. La pagaille générale qui régnait alors n’avait pas que des inconvénients ! En effet, c’est aussi à cette époque que le Groupe s’enrichit de quelques nouveaux membres.

Cependant, pour continuer à travailler, il fallait manger et ce n’était pas une mince affaire à l’époque. Début 1976, le P. Pascal Nguyên Ngoc Tinh, dans une rencontre avec Mère Bénédicte, supérieure des bénédictines de Thủ Đức et amie du Groupe, lui parle de leur situation économique de plus en plus précaire. Elle en parle au P. Collaudin, curé de Xóm Chùa, qui se préparait à quitter le pays, frappé qu’il était d’expulsion comme tous les prêtres étrangers. « Le P. Collaudin, dit le P. Tinh, rassemble tous les biens qui lui restent et me remet la somme de 4 600 USD. J’apporte la somme à Cholon pour convertir en 46 taels d’or. Je confie l’or au P. Tran Phuc Nhân, qui l’a caché près d’un groupe de bananiers. Cet or a financé nos activités pendant plus de dix ans. »

A partir de 1989, c’est-à-dire après la canonisation des martyrs vietnamiens, le pays entre dans la période dite d’ouverture. Les occasions de rencontre sont plus faciles. Les soutiens aussi.

Dans le pays : l’Institut Don Bosco de Dalat qui accueille le Groupe deux fois par an pour deux sessions de travail. Le Groupe s’y trouve si bien qu’il a considéré ce lieu comme sa seconde patrie. Les religieux de Don Bosco les aiment aussi beaucoup. Le père supérieur Phan Đình Khơi qui recevait le Groupe témoigne : « Comme pendant neuf ans, chaque année, le Groupe organise deux sessions de travail intensifs, de trois semaines chacune, à notre Institut Don Bosco de Da Lat, nous connaissons bien la manière de fonctionner du Groupe : très scientifique, documenté et soigné. On pèse chaque mot, dissèque chaque phrase. Un membre du Groupe m’a raconté combien ils avaient peiné pour traduire les psaumes au début : parfois, ils passaient toute une journée rien que pour quelques phrases. Les voir travailler ensemble, prier ensemble, se distraire ensemble, dans la simplicité et l’amitié, me fait tout d’un coup penser à la première communauté chrétienne dans les Actes des Apôtres. »

Ông-Già-Lã-Vọng est un pseudonyme créé à partir d’une déformation plaisante de la phonétisation vietnamienne de François Xavier, prénom du cardinal Nguyễn Văn Thuận. Pour garder le secret, c’est par ce pseudonyme que Mgr Thuận correspondait avec le P. Tỉnh. Ils se connaissaient de puis longtemps. « Une fois, dit le P. Tỉnh, il se dit Abraham (l’intercesseur qui prie Dieu) et me nomme Moise (car il savait que je m’emportais facilement… Discret mais extrêmement efficace, pendant plusieurs années, après sa sortie de prison (en 1988), depuis sa résidence surveillée à l’archevêché de Hanoi, il nous a indirectement ou directement aidé sur le plan financier, particulièrement pendant la période difficile du début des années 1990. »

De l’étranger, l’Alliance biblique universelle, après plusieurs rencontres et enquêtes, a proposé au Groupe son soutien. Le Groupe s’occupe du planning des publications. L’Alliance se charge du financement. Le désir du groupe (que chaque famille chrétienne ait une bible) devient réalité. Voici, jusqu’au 28 novembre 2012, la diffusion chiffrée des publications, communiquée par le P. Pascal Nguyễn Ngọc Tỉnh.
– La Bible édition 2011 : 10 000 ex. ;
– La Parole de Dieu pour Tous: La Bible : 80 000 ex. ;
– La Bible (avec commentaires et annotations succincts): 200 000 ex. ;
– La Bible grand format (Bible d’autel): 500 ex. ;
– Le Nouveau Testament: 2 100 000 ex.

« A travers les rencontres multiples depuis plusieurs années, dit le P. Tỉnh, ce qui suscite notre admiration à l’égard des représentants de l’Alliance, c’est leur délicatesse et leur passion pour servir La Parole de Dieu. Leur esprit œcuménique est exemplaire. Le fait que nous soyons catholiques ne les gêne en aucune façon. Leur seul souci est que La Parole de Dieu soit largement proclamée. »

Un an après avoir renoué avec l’Alliance biblique universelle, le Groupe a reçu la visite de deux représentants de la Fédération biblique catholique, Mgr Alberto Ablondi, président de la Fédération biblique et aussi vice-président de l’Alliance biblique, et le P. Ludger Felkamper, secrétaire général. Tous les deux ont aidé efficacement le Groupe à établir des relations avec les organismes catholiques et le Groupe est devenu membre de l’Alliance biblique catholique en 1995.

Conclusion

En guise de conclusion, citons le témoignage de deux jeunes religieuses, nouvelles venues dans le Groupe. Sœur Thanh Nga : « Partout où je vais, j’entends dire que les Vietnamiens travaillent difficilement ensemble. Mais j’ai eu la chance d’apprendre auprès des aînés du Groupe ce qu’est la solidarité dans une tâche commune. Chacun d’eux a une personnalité forte. Chacun possède une richesse singulière, à nulle autre pareille, sur le plan des connaissances comme sur le plan de l’expérience. Mais ils sont toujours disponibles à échanger et partager pour se compléter mutuellement. » D’où vient cette capacité de s’entendre qui transforme les différences en complémentarité, et amitié ? Sœur Vân Nga répond : « Ils n’ont pas seulement lu et traduit la Parole de Dieu. Ils se sont laissés imprégnés existentiellement par cette Parole. »

Observation de femme autant que de religieuse ! On ne peut pas mieux parler de la vie du Groupe. A ce propos, je pense aux chrétiens de Thái Hà, au Nord-Vietnam, qui vivent joyeusement leur foi du charbonnier. Le P. Nguyễn Ngọc Tỉnh et le P. Đỗ Xuân Quế ont profondément communié avec eux. J’ai l’intime conviction que les autres membres du Groupe partagent leur sentiment. Beaucoup connaissent le livre du P. Tỉnh : Thắp Một Ngọn Nến cho Thái Hà (‘Un cierge pour Thái Hà’).

Un cierge. Qui éclaire notre chemin.
Comme La Parole de Dieu.

Đỗ Mạnh Tri, 2012