Eglises d'Asie

Les catholiques de Bombay préparent le grand « spectacle vivant » du Vendredi saint

Publié le 28/03/2013




Pour sa 26ème édition, le Chemin de croix « vivant et musical », organisé par le groupe Catholic-Christian Secular Forum (CSF) dans les rues de Bombay, promet d’accueillir encore plus de spectateurs, croyants ou non, pour cette représentation de plusieurs heures qui n’a pas son équivalent dans le pays.

Le « Way of The Cross Dramatised », comme le définissent ses organisateurs, a été particulièrement médiatisé cette année par de nombreuses brochures distribuées dans les paroisses, des communiqués de presse du secrétaire général du CSF, Joseph Dias, ainsi qu’une très large diffusion par les réseaux sociaux. The ‘CROSS’ bénéficie de plus du soutien actif du cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay (Mumbai) et président de la Conférence des évêques catholique de l’Inde (CBCI).

La popularité de cette gigantesque représentation grandit d’année en année et, selon Joseph Dias, de nombreux non-croyants venus une première fois par curiosité viennent désormais grossir les rangs des milliers de spectateurs qui assistent aux 15 stations du chemin de croix, jouées avec le plus grand réalisme, hormis une seule mais importante exception qui consiste à ne pas crucifier réellement (mais seulement attacher sur la croix) le personnage qui joue le Christ, contrairement à ce qui se produit chaque année dans certains pays comme les Philippines.

La manifestation débutera demain vendredi 29 mars, à 10 h 30, devant l’église du Sacré-Coeur (située dans la banlieue ouest de Bombay), pour traverser les quartier du Khar, Kurla, Santa Cruz et Kalina avant de s’achever près de l’église Saint-Antoine à Vakola, vers 15 heures, heure commémorée comme étant celle de la mort du Christ sur la croix. Une scène supplémentaire représentera la Résurrection, devant le couvent Saint-Charles tout proche.

Tout au long de ce périple de sept kilomètres à travers la mégapole, chaque station du chemin de croix est l’occasion d’un spectacle mimé et chanté (en playback), sur des extraits de pop louange en anglais ou de tubes hindi locaux. Suivent des textes de méditation et des intentions de prière pour les chrétiens assassinés, persécutés, victimes de violences et d’injustices en Inde et dans le monde.

Joseph Dias, organisateur du Live Musical Drama créé par lui il y a plus de 25 ans, explique dans son communiqué de presse que sont mis en parallèle dans le spectacle « l’agonie et la mort du Christ » il y a deux mille ans avec « la persécution et le génocide des chrétiens » qui continuent encore aujourd’hui. Le secrétaire du CSF poursuit en expliquant le thème des intentions de prière de cette année, qui sera spécialement en faveur des chrétiens persécutés au Cachemire par les islamistes, mais aussi de toutes les victimes de discriminations comme les chrétiens dalits, ceux qui sont faussement accusés par les lois anti-conversion, ou encore ceux qui subissent des violences communautaristes.

« Malgré le fait que la communauté chrétienne a considérablement contribué à améliorer le sort des pauvres et des ‘sans-droits’, le gouvernement laisse les chrétiens être les victimes d’attaques de plus en plus fréquentes de la part des extrémistes, qui agissent en toute impunité », dénonce Joseph Dias sur le site américain d’information Salem-News, le 25 mars dernier. « L’exemple de Jésus nous montre que nous ne devons pas répondre [à la persécution] par la violence (…). Nous allons donc en tout premier lieu jeûner et prier Dieu (…) et, comme le Christ nous l’a demandé, intercéder pour nos persécuteurs. »

Mais, poursuit le secrétaire général du CSF, le chemin de croix dans les rues de Bombay est aussi un moyen de « faire entendre une communauté qui est ignorée », d’être la voix des chrétiens persécutés et de faire en sorte qu’ils ne soient pas oubliés. « Les autorités semblent tenir pour acquis qu’en tant qu’infime minorité, les chrétiens ne présentent que peu de poids et d’intérêt politiques. Or, notre marche à travers la ville démontre que nous sommes des citoyens à part entière. »

Au-delà de la manifestation de la présence chrétienne en Inde, ‘The Cross’ est surtout un moyen de « témoigner, d’évangéliser et de dire au monde comment et pourquoi le Christ a souffert, a été crucifié puis est ressuscité », rappelle Joseph Dias. Le chemin de croix remportant chaque année plus de succès, les scènes jouées se veulent davantage didactiques et à la portée de tous, non-croyants compris. Depuis 2007, les prières et les dialogues de la représentation sont alternativement en anglais, hindi ou konkani, les langues les plus parlées localement.

« Ce spectacle vivant, qui est la seule manifestation de ce type dans toute l’Inde, a été lancé il y a plus de vingt ans pour expliquer aux non-chrétiens que le Vendredi saint n’était pas une célébration festive », explique encore le fondateur du CSF. Une difficulté récurrente en Inde, où la méconnaissance du sens des célébrations chrétiennes se double du fait que la Semaine sainte coïncide régulièrement avec la fête hindoue du Holi. C’est le cas cette année encore où il ne fait aucune doute que les derniers groupes célébrant cette joyeuse fête où chacun lance des poudres colorées à son voisin en l’honneur du printemps et des amours de Krishna, croiseront demain avec incompréhension les cortèges de pénitents du Vendredi saint.