Eglises d'Asie – Divers Horizons
Le président de la Conférence épiscopale philippine promet de porter l’affaire de Sabah à l’attention du Saint-Siège
Publié le 02/04/2013
Hier, 1er avril, Mgr Jose Palma était à Manille où il a eu un entretien d’une demi-heure avec Jamalul Kiram III, rencontre organisée à l’initiative de deux ONG philippines, Volunteers Against Crime and Corruption et The Gausbaug Coalition for Peace and Humanitarian Resolution of Sabah. A l’issue de l’entretien, Mgr Palma a déclaré que la crise à Sabah n’était pas liée à des facteurs religieux mais qu’il existait « une même manière, chrétienne et musulmane d’établir la paix en recherchant l’harmonie », laquelle s’appliquait « à la situation à Sabah ». L’archevêque de Cebu, dont le diocèse doit accueillir en 2016 le prochain Congrès eucharistique international et qui partait au Vatican pour ce motif (1), a ajouté qu’il « estimait qu’il y avait des agences à Rome susceptibles d’apporter une aide » dans cette affaire.
En réponse à la visite de Mgr Palma, la fille du sultan, la princesse Jaycel Kiram, a exprimé sa reconnaissance à l’archevêque, estimant que sa démarche témoignait de « la solidarité islamo-chrétienne aux Philippines ». Elle a ajouté : « Le sultanat veut la paix. Ce qu’il désire vraiment, c’est s’asseoir et négocier (…). Pour les Philippines et la Malaisie, si [les gouvernements] sont véritablement désireux de trouver une solution à ce problème, ils doivent le prouver [en entamant des négociations]. »
Depuis le débarquement sur la côte orientale de l’Etat de Sabah, en Malaisie, le 12 février dernier de 200 hommes armés des « Forces royales du sultanat [de Sulu] » venues des Philippines, ce qui aurait pu rester comme une équipée sans conséquence et sans lendemain d’une poignée de nostalgiques d’une époque révolue tourne à la tragédie humanitaire. Après quelques semaines d’hésitation, le gouvernement malaisien a en effet décidé de répondre militairement à l’intrusion : une soixantaine de personnes au moins ont trouvé la mort, dont une dizaine de policiers et soldats malaisiens ainsi qu’une cinquantaine de « soldats » du sultan de Sulu. L’armée malaisienne semble toutefois avoir du mal à localiser le restant des troupes du sultan et multiplie les contrôles et, – selon des sources difficiles à recouper – les exactions auprès des populations d’origine philippine installées à Sabah (2) Selon Manille, près de 5 000 personnes d’origine philippine ont déjà préféré quitter Sabah et ses troubles pour trouver refuge sur les îles tout proches de Tawi-Tawi, en territoire philippin.
L’équipée des soldats de fortune du sultan de Sulu remet aussi sur le devant de la scène un chapitre ouvert au XIXe siècle et jamais complètement refermé depuis, concernant la souveraineté de Sabah. Les Etats-Unis, que le sultan a tenté d’embarquer dans l’affaire au nom d’un traité passé il y a près d’un siècle entre un de ses aïeux et le gouvernement colonial américain du début du XXe siècle, ont clairement fait savoir, le 20 mars dernier, par la voix de leur ambassadeur à Manille, qu’ils n’étaient pas concernés et que le conflit devait être résolu par les seuls gouvernements philippin et malaisien.
Du côté de Manille, le président Aquino, qui avec les élections de mid-terms du mois de mai prochain fait face à un quasi-référendum sur sa personne et ses réalisations, se retrouve critiqué pour n’avoir pas su anticiper la crise et la résoudre pacifiquement. Craignant de voir ruiné l’accord de paix pour Mindanao qu’il est en train de mettre en place avec l’aide du Premier ministre malaisien, il a choisi de se montrer ferme avec les soldats du sultan qui ont réussi à fuir Sabah. Trente-huit d’entre eux ont été arrêtés alors qu’ils cherchaient à pénétrer sur le territoire philippin ; ils ont été mis en examen par un juge de Tawi-Tawi pour « activités criminelles ». Parallèlement, le président ne peut apparaître comme cédant du terrain face à la Malaisie et, le 26 mars dernier, le ministère philippin des Affaires étrangères a remis en circulation un texte de 2008 demandant aux agences gouvernementales de ne pas mentionner l’Etat de Sabah comme faisant partie intégrante du territoire malaisien.
A Kuala Lumpur, le Premier ministre Najib Razak a également fort à faire avec son opposition politique qui, menée par Anwar Ibrahim, pourrait être en mesure de remporter les élections législatives prévues d’ici le mois de juin 2013. En choisissant d’apporter une réponse militaire au défi lancé par le sultan de Sulu, le Premier ministre assied sa stature nationale mais risque en prêtant le flanc aux attaques pour violations des droits de l’homme, de perdre des voix à Sabah.