Eglises d'Asie

Comme chaque année, la Sécurité publique s’est efforcée d’empêcher la commémoration de la mort du fondateur du bouddhisme Hoa Hao

Publié le 10/04/2013




Traditionnellement, au 25ème jour du deuxième mois de l’année lunaire (le 5 avril cette année), les adeptes du bouddhisme Hoa Hao « originel » (1) célèbrent la commémoration de la mort de leur fondateur, Huynh Phu Sô, assassiné en 1947 sur ordre des responsables Vietminh. Depuis 1975 – et c’est également devenu une habitude –, les autorités s’opposent de multiples manières à cette célébration.

A Saigon, plusieurs religions s’étaient associées à cette commémoration. Du côté catholique, un prêtre séculier et un religieux rédemptoriste sont venus apporter une lettre de communion à la communauté des bouddhistes Hoa Hao. Le Bloc 8406 (groupe d’opposants d’inspiration chrétienne) avait également envoyé un représentant participer à la cérémonie, qui s’est déroulée dans une maison privée. L’épouse du célèbre blogueur Diêu Cay (‘la pipe à eau’) avait été pressentie pour représenter le bouddhisme unifié (2). Les agents de la Sécurité publique l’en ont empêché.

A cette occasion, le principal dirigeant du bouddhisme Hoa Hao « originel » a fait parvenir au cardinal Jean-Baptiste Pham Minh Mân, archevêque de Saigon, un message de communion souhaitant que toutes les religions s’unissent pour édifier un nouveau Vietnam, libre, démocratique et prospère. A leur sortie, les participants ont franchi les portes sous le regard vigilant des nombreux agents de la Sécurité publique postés à cet endroit depuis le début des cérémonies.

A Lai Vung, dans la Plaine des Joncs, deux jours avant la fête, la maison de M. Nguyên Van Diên, responsable local, où devait avoir lieu la commémoration, était déjà cernée par plus de 200 policiers. Des forces de l’ordre de diverses origines avaient été mises en faction sur les routes conduisant au lieu de la célébration, avec pour consigne de ne laisser passer personne. Le jour de la fête, une délégation des autorités est venue avertir M. Diên qu’il n’y aurait pas de cérémonie et que les drapeaux et calicots accrochés aux murs devaient être retirés. Le dignitaire Hoa Hao a refusé d’exécuter cet ordre.

A Can Tho, à An Giang, à Vinh Long, les autorités policières ont mis en œuvre des scénarios analogues. Les cérémonies ont été interdites et les chemins menant aux lieux de célébration, étroitement contrôlés. En certains lieux, des échauffourées ont opposé fidèles Hoa Hao et policiers. Cependant, à An Giang ou à Vinh Long, la cérémonie a pu avoir lieu grâce à la résistance opiniâtre des dignitaires et des fidèles.

Huynh Phu Sô, le fondateur du bouddhisme Hoa Hao, est né en 1919 au village de Hoa Hao, dans la province de Chau Dôc. En 1939, après un pèlerinage accompli en compagnie de son père dans la région des Sept Montagnes et à Ta Lon, il reçut l’illumination. Il avait 20 ans et son enseignement, entrecoupé de séances de guérisons, rencontra un extraordinaire succès dans la région du delta du Mékong. Sa doctrine et le mode de vie bouddhiste qu’il préconisait n’était cependant pas une innovation totale. Il s’inscrivait, en réalité, dans la lignée de l’enseignement et du style de vie religieuse du bouddhisme « Buu Son Ky Huong » (‘Le Parfum rare de la montagne des Trésors’). Son initiateur, le Vénérable Phât Thây Tây An (1807-1856), préconisait la gratitude à l’égard des parents, des ancêtres et de la patrie. Du bouddhisme proprement dit, il retenait le Bouddha, le Dharma (la loi) et la Sangha (la communauté des religieux). Il dénonçait toutes les superstitions et pratiques magiques. Il a surtout donné une place importante aux laïcs, qui peuvent présider les cérémonies au même titre que les religieux et sont invités à vivre en communautés paysannes. Huynh Phu Sô a intégré cet enseignement à l’intérieur de sa prédication, qu’il a dispensée sous forme de petits poèmes simples et attrayants. En 1945, le nombre des adeptes du bouddhisme Hoa Hao atteignait déjà le million. Il est estimé aujourd’hui à 1,5 million.

Le fondateur et ses adeptes se sont heurtés, dès le début, à l’administration coloniale. Huynh Phu Sô a été plusieurs fois jeté en prison ou placé en résidence surveillée, menacé d’exil au Laos. En 1945, il s’est allié aux divers groupes luttant pour l’indépendance, dont le Vietminh. Craignant son influence, les responsables de ce mouvement organisèrent le guet-apens où il est mort. Il fut assassiné le 16 avril 1947 sur ordre de Pham Hung (Parti communiste vietnamien, PCV) et de Trân Van Giau, responsable suprême du PCV pour la Cochinchine.