Eglises d'Asie

Papouasie occidentale : les responsables religieux chrétiens dénoncent les violations des droits de l’homme perpétrées par les forces de l’ordre dans la province

Publié le 18/03/2010




Au nom de l’Association des Eglises (chrétiennes) en Papouasie (PGGP), Mgr Leo Laba Ladjar, archevêque du diocèse catholique de Jayapura, en Papouasie occidentale, a présenté un rapport de onze pages détaillant les atteintes aux droits de l’homme commises par les forces de l’ordre. Le 29 septembre dernier, accompagné d’autres responsables religieux chrétiens, il s’est rendu au bureau de Jayapura de la Commission nationale des droits de l’homme, où il a remis ce rapport à son représentant local, Albert Rumbekwan. En Indonésie, la Commission nationale des droits de l’homme (Komnas HAM, selon son acronyme indonésien) est un organisme reconnu, mais indépendant du pouvoir.

L’évêque catholique était accompagné des Rév. H. Rollom et Herman Saud, respectivement secrétaire général et ancien président du synode de l’Eglise évangélique d’Indonésie en terre papoue (GKI, Evangelical Christian Church in the Land of Papua), la plus importante Eglise chrétienne de la province, dont les fidèles représentent, selon elle, un tiers des 2,5 millions d’habitants de la Papouasie occidentale. D’autres responsables religieux les accompagnaient : les Rév. Wim Rumainum, Eddy P. Kanata, Andreas Ayomi, ainsi que le président du secrétariat ‘Justice et paix’ de l’archidiocèse de Jayapura.

Le rapport, signé par Mgr Ladjar et les Rév. Ayomi et Saud, détaille les violences et les atteintes aux droits de la personne dont se sont rendues coupables les forces de l’ordre après les incidents du 16 mars dernier. Ce jour-là, devant l’université Cendrawasi à Abepura, à proximité de la ville de Jayapura, des affrontements avaient opposé forces de l’ordre et manifestants, principalement des étudiants, qui demandaient la fermeture de FT Freeport Indonesia, la mine d’or et de cuivre de Tembagapura, dans le district de Timika, exploitée par la firme américaine Freeport-McRoRan (1Quatre policiers – dont deux brûlés vifs – des Brimob (Brigade Mobile) ainsi qu’un militaire avaient trouvé la mort. Par la suite, vingt-quatre étudiants papous avaient été arrêtés et jugés tandis que trois autres trouvaient refuge en Papouasie-Nouvelle Guinée.

“Nous demandons à Komnas HAM de se saisir de notre rapport car de nombreuses violations des droits de l’homme ont été commises depuis le 16 mars. Nous avons les preuves de ce que nous avançons a déclaré Mgr Ladjar. Selon le Rév. Saud, la réponse des forces de l’ordre à l’incident du 16 mars a été disproportionnée et les forces de l’ordre ont été brutales au-delà du nécessaire lors des enquêtes et des fouilles menées par elles. “Les dépositaires de la force publique ne doivent en aucun cas laisser place à l’émotion dans l’exercice de leur mission, même si certains des leurs ont perdu la vie (le 16 mars). Dans un Etat de droit, le respect des procédures fixées par la loi est un principe essentiel a précisé le pasteur protestant qui s’est interrogé à haute voix sur la possibilité de voir l’Etat de droit respecté dans un pays où les fonctionnaires eux-mêmes ne respectent pas les lois.

“Le gouvernement central doit corriger les atteintes aux droits fondamentaux des victimes des violences commises par les forces de l’ordre, notamment les étudiants et leurs familles qui ont été torturés et ont vu leurs biens détruits ou confisqués a déclaré Mgr Ladjar. Les responsables religieux ont demandé à Albert Rumbekwan de mettre sur pied une commission d’enquête chargée de reprendre les éléments mis à jour dans le rapport de onze pages. Ils ont aussi demandé à ce que le ministère de l’Environnement étudie l’impact global de FT Freeport Indonesia sur le système social, économique, politique et juridique de la Papouasie. Enfin, ils ont demandé que la Cour suprême enquête sur certains juges, procureurs et avocats de Jayapura.

Le rapport demande aussi que la police, en tant que protectrice des personnes et des biens, s’assure que les étudiants qui ont fui le pays puissent y revenir en toute sécurité, pour retrouver leurs proches et reprendre leurs études. Par ailleurs, à l’adresse de la communauté internationale, le rapport demande que l’aide accordée par certains pays à la police indonésienne soit revue et restructurée, car, selon les responsables religieux, à ce jour, l’aide fournie ne s’est pas traduite par un meilleur respect des droits de la personne chez les policiers.

En 1995 déjà, l’évêque catholique de Jayapura avait rendu public un rapport sur les violences commises par l’armée autour de la mine de Timika. Il y était question d’exécutions sommaires et de tortures à l’encontre des populations civiles (2).