Eglises d'Asie

Mid-term elections : défaite d’un introuvable « vote catholique » ?

Publié le 17/05/2013




Alors que le dépouillement électoral se poursuit après le scrutin du 13 mai dernier organisé pour les mid-term elections (élections de la mi-mandat), les premiers résultats semblent indiquer que bon nombre des candidats que différents mouvements catholiques – ainsi que des évêques – …

… avaient soutenus au nom de leur commune opposition à la loi récemment votée « sur la santé reproductive » ont été vaincus aux urnes. Leurs adversaires – et soutiens du président Aquino – y voient la preuve de l’absence d’un « vote catholique » dans le pays.

Ce vendredi 17 mai, la Comelec (Commission on Elections) a proclamé élus trois nouveaux sénateurs, après six autres qui avaient été déclarés élus la veille. Sur la base d’un dépouillement qui n’est pas définitif, la Commission électorale a estimé qu’ils avaient réuni suffisamment de suffrages pour être certains d’être effectivement élus, une fois le décompte des bulletins de vote achevé. Sur les neuf sénateurs déclarés vainqueurs, cinq sont des partisans déclarés de la loi sur la santé reproductive (RH Bill), texte voté le 19 décembre dernier par le Congrès philippin en dépit d’une très ferme opposition de l’Eglise catholique.

Ces élections voyaient aussi le renouvellement de quelque 18 000 postes électifs à travers le pays (conseillers municipaux, gouverneurs de province, députés et sénateurs), et les données relatives à une centaine de candidats favorables à la RH Bill indiquent que 94 d’entre eux sont sortis en tête des urnes, que ce soit à titre individuel ou lorsque le scrutin était un scrutin de liste.

Fort de ces résultats et tendances issues du dépouillement partiel, le camp des « pro-RH Bill » a été prompt à crier victoire. Rom Dongeto, directeur exécutif de la Commission sur la population et le développement des parlementaires philippins (PLCPD), organisation qui regroupe des élus des deux Chambres du Congrès favorables à la RH Bill, a déclaré que la victoire des pro-RH Bill était « l’affirmation que les leaders de l’Eglise catholique ne pouvaient pas dicter les résultats des élections ». Il ajoutait aussi : « Il n’existe pas de ‘vote catholique’ et aucune action de propagande engagée par l’Eglise ne pourra voler la victoire des candidats qui défendent la santé reproductive. »

En face, le camp des « anti-RH Bill » a été tout aussi prompt à dénoncer les propos de Rom Dongeto. Le sénateur Vicente Sotto, qui a été l’un des plus ardents adversaires du projet de loi lors de son examen au Congrès, a au contraire estimé que les candidats opposés à la loi sur la santé reproductive qui ont été élus, l’ont été du fait de leur engagement aux côtés des catholiques engagés dans ce combat.

La tendance générale semble toutefois être à la victoire des candidats soutenant le président Aquino et les analystes politiques locaux estiment que le choix des électeurs ne s’est pas principalement déterminé autour des questions liées à la RH Bill. Les Philippins semblent avoir conservé leur confiance au président Aquino, très bien élu en juin 2010 et qui profite d’une conjoncture économique très satisfaisante pour l’archipel philippin (6,6 % de croissance en 2012).

Le Conseil des laïcs des Philippines, mouvement qui avait promu durant la campagne électorale le « White Vote Movement » – en opposition au « Purple Vote Movement », favorable à la RH Bill –, a reconnu « des lacunes » dans son approche de la campagne électorale et estimé qu’il « y avait de la marge de progression ».

« Nous avons eu peu de temps et peu de ressources », a expliqué Linda Valenzona, de l’association « Catholic Vote Philippines », qui a mené des « catéchèses politiques » en différents lieux du pays durant la campagne électorale. Former les catholiques philippins (qui représentent 85 % de la population du pays) à appliquer les enseignements de l’Eglise catholique dans la vie politique de tous les jours est « une tâche profondément satisfaisante », a toutefois noté cette responsable catholique. « Nous avons vu l’impact que nous pouvons avoir lorsque nous restons unis. Nous nous attendons à ce que d’autres groupes nous rejoignent dans notre croisade », a-t-elle conclu, donnant rendez-vous pour les élections de 2016.

Au sein de l’épiscopat, aucun commentaire officiel n’a été émis. Avant les élections, le vice-président de la Conférence épiscopale (CBCP) avait rappelé que l’Eglise était non partisane et que sa mission, « spirituelle », consistait « à guider et non à dicter » la conduite de ses fidèles, en ayant toujours à cœur le souci de l’unité du corps social tout entier.

Le secrétaire exécutif de la Commission pour la vie et la famille de la CBCP, le P. Melvin Castro, a cependant déclaré que si une leçon devait être tirée de ce scrutin, c’était l’importance du « nom ». Il a cité le cas de la jeune Grace Poe, fille de deux acteurs de cinéma extrêmement connus dans l’archipel, Susan Roces et Fernando Poe, et qui est en passe d’être élue au Sénat, battant ainsi des politiciens bien plus anciens et installés dans la vie politique qu’elle. Il a aussi souligné le caractère dynastique de la vie politique aux Philippines, une bonne partie des élus au Sénat étant « des fils et des filles de ». « Si nous voulons que les candidats [pro-vie et pro-famille] gagnent en 2016, c’est dès maintenant que nous devons nous attacher à familiariser [leurs noms] auprès des électeurs », a expliqué le prêtre, ajoutant que si, « à l’évidence », l’électeur philippin était encore attaché à la personne à laquelle il apportait son suffrage, il « devenait peu à peu plus sensible aux valeurs et au programme que cette personne incarnait ».