Eglises d'Asie

Face aux menaces de « guerre totale » de la Corée du Nord, les Eglises chrétiennes réaffirment leur volonté de paix

Publié le 10/03/2013




Suite aux sanctions votée par le Conseil de sécurité de l’ONU le 7 mars en réaction au troisième essai nucléaire de la Corée du Nord, Pyongyang a dénoncé dès le lendemain, vendredi 8 mars le pacte de non-agression entre les deux Corées et menacé Séoul et ses alliés de guerre nucléaire. Les Eglises protestantes comme catholique de Corée du Sud, réaffirment quant à elles … 

… que la seule issue pour sortir de l’impasse reste le dialogue et « la dénucléarisation de la péninsule ».

Le Comité (nord-coréen) pour la réunification pacifique de la patrie (CPRK) a annoncé par communiqué officiel, le 8 mars au matin, la coupure de la ligne de communication directe installée à Panmunjom dans la Zone démilitarisée (1), « la dénonciation immédiate du pacte de non-agression » entre les deux Corées ainsi que l’annulation des accords de 1991 et de l’armistice de 1953 (2) à compter du 11 mars prochain.

Le communiqué, qui utilise les habituelles menaces de « guerre totale » contre la Corée du Sud, les Etats-Unis et leurs « alliés impérialistes », justifie la dénonciation du pacte de non-agression par la « provocation » que représenteraient pour Pyongyang les prochains exercices militaires conjoints de Séoul et de Washington. Cette déclaration a suivi cependant de quelques heures seulement le vote, le 7 mars, de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Par la résolution 2094 (3), les Nations Unies, qui avaient déjà condamné l’essai nucléaire de la Corée du Nord le mois dernier, ont désormais pour objectif de tarir les sources de financement de Pyongyang pour s’approvisionner en armes et technologies balistiques. Fait notable, la Chine, seul alliée jusqu’à présent de la Corée du Nord, a voté la résolution.

Le 7 mars, quelques heures après l’annonce des sanctions de l’ONU, le jeune dictateur nord-coréen Kim Jong-un a effectué un déplacement, retransmis à la télévision d’Etat, auprès de l’unité d’artillerie qui avait bombardé l’ile sud-coréenne de Yeonpyong en 2010, faisant quatre morts. Cet incident grave avait été imputé au futur leader de la Corée du Nord, qui était à l’époque responsable des armées. L’observation par satellite des mouvements de l’armée nord-coréenne a démontré des entraînements intensifs depuis janvier, une importante mobilisation de sous-marins et d’avions de chasse, ainsi qu’une augmentation très notable des exercices des unités d’artillerie sur la côte ouest, avec des simulations de tirs visant Séoul (4).

Peu après la publication du communiqué de Pyongyang, le ministère de l’Unification sud-coréen déclarait à son tour que « la Corée du Nord ne gagnerait rien avec des menaces et des provocations » et serait « seule responsable de ce qui pourrait se passer après rupture des accords ». Le ministère soulignait par ailleurs que, selon le droit international, des accords officiels ne pouvaient pas être modifiés ou annulés de façon unilatérale. La veille, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-mon avait encore réaffirmé la validité du pacte de non-agression entre les deux Corées.

La présidente tout récemment entrée en fonctions Park Geun-hye a réaffirmé sa position de fermeté vis-à-vis du régime nord-coréen, tout en maintenant que sa priorité était « de construire entre les deux pays les bases nécessaires pour cheminer ensemble dans la confiance mutuelle vers la réunification ». Elle a cependant averti Pyongyang que « les pays qui cherchaient à développer des armes nucléaires alors que leurs citoyens étaient affamés ne pouvaient que se diriger vers l’autodestruction ». Le ministère sud-coréen de la Défense a surenchéri en mettant en garde Pyongyang sur les conséquences de ses actes, lui assurant que « si la Corée du Nord attaquait la Corée du Sud avec l’arme nucléaire, le régime de Kim Jong-un disparaîtrait de la surface du globe ».

Aujourd’hui, s’ils estiment qu’une attaque nucléaire de la Corée du Nord reste « peu probable », les experts la soupçonnent néanmoins de chercher à provoquer un incident sous la forme d’un nouvel essai de missile balistique ou d’un tir d’artillerie. Pour Paik Hak-soon, chercheur au Sejong Institute à Séoul, « il s’agit sans aucun doute de la crise la plus dangereuse depuis la guerre de Corée ». Selon lui, à la différence de ses habituelles ‘gesticulationsà l’adresse de la communauté internationale, Pyongyang a mis ses menaces à exécution et, en déclarant l’abrogation du pacte de non-agression, mis les deux Corées « techniquement en état de guerre ».

Les chrétiens, protestants comme catholiques, réaffirment quant à eux que la résolution du conflit ne pourra se faire que dans le dialogue. Selon des sources locales de l’organisation Christian Aid Mission, le régime de Kim Jung-un serait encore plus répressif que celui de ses prédécesseurs, et s’appuierait sur une idéologie militaire d’une plus grande ampleur. Todd Nettleton, directeur de la communication de Voice of the Martyrs, une ONG protestante, analyse qu’en votant la résolution de l’ONU, la Chine a montré qu’elle « était en train de perdre patience vis-à-vis de la Corée du Nord » et cherchait à envoyer à son jeune dictateur un message sur les limites à ne pas dépasser.

L’Eglise catholique en Corée du Sud maintient de son côté plus que jamais son engagement pour une politique de dialogue et d’apaisement. L’un de ses porte-paroles les plus influents, Mgr Andrew Yeom Soo-jung, archevêque de Séoul depuis juin 2012,  également président de la Commission épiscopale pour la réconciliation du peuple coréen, est depuis longtemps un fervent partisan du dialogue de paix entre les deux Corées.

Quelques jours seulement avant la dénonciation du pacte de non-agression et la menace de guerre nucléaire proférées par la Corée du Nord, l’archevêque avait justement lancé un appel pour « la dénucléarisation de la péninsule coréenne ». Dans des propos repris par l’agence Fides le 6 mars dernier, Mgr Yeom avait réaffirmé ses convictions : « L’Eglise propose de dénucléariser la péninsule coréenne et cet objectif doit être atteint de manière pacifique. » Ajoutant  « qu’en tant qu’archevêque de Séoul, [il] était également administrateur apostolique de Pyongyang (…) et avait donc à cœur le peuple de Corée du Nord », l’archevêque avait insisté sur le soutien indéfectible que l’Eglise catholique continuerait à apporter à ses « frères » : « Je crois fermement que la résolution du conflit intercoréen se trouve dans le dialogue (…) et l’instauration d’une confiance réciproque afin de prévenir de nouveaux conflits. Entretemps, notre diocèse continuera d’aider la Corée du Nord en fournissant de l’aide humanitaire par la Caritas. »

Une déclaration qui se veut toujours d’actualité, malgré le communiqué de Pyongyang affirmant qu’il est désormais « impensable de parler d’une quelconque dénucléarisation » et que les relations entre le Nord et le Sud « n’étant plus réparables, une guerre nucléaire peut désormais éclater à tout instant sur la péninsule de Corée ».