… enchaîner des poses suggestives avec un chapelet descendant le long de son décolleté. Aux côtés de plusieurs associations chrétiennes, le Catholic Secular Forum (CSF) a vigoureusement protesté auprès des producteurs du film et du Comité de censure.
« L’usage abusif et détourné de symboles religieux chrétiens [dans le film] est inacceptable. Le chapelet est un objet sacré pour les catholiques avec lequel ils prient la Très Sainte Vierge Marie et méditent sur la vie de Jésus Christ », a rappelé le responsable de l’ONG, Joseph Dias.
Les producteurs du film bollywoodien ont présenté leurs excuses le mardi 18 juin dernier pour « avoir blessé les sentiments religieux » des chrétiens. Expliquant qu’il s’agissait de photos promotionnelles, ils ont assuré qu’aucune scène correspondant à ces clichés ne serait présente dans le film.
L’actrice a également fait amende honorable. « Je présente mes profondes excuses pour cette erreur et le fait que j’ai heurté sans le vouloir votre sensibilité religieuse », a-t-elle déclaré à l’attention de la communauté chrétienne lors d’une conférence de presse, ajoutant qu’elle prendrait garde à l’avenir d’utiliser les objets religieux avec le plus grand respect.
Le président du CSF a cependant averti la production de Policegiri et le bureau de censure que si les scènes incriminées n’étaient pas retirées avant la sortie du film, il porterait plainte. Joseph Dias n’en est effectivement pas à sa première déception, concernant les promesses des censeurs et des producteurs de Bollywood.
Les films ridiculisant la foi chrétienne – et en particulier les catholiques – se sont multipliés ces derniers temps à Bollywood, nom donné à la production cinématographique de Bombay (Mumbai) qui sort plus de 250 films en hindi par an. Malgré sa réputation de sévérité (notamment concernant « le respect de la pudeur »), les services de censure ont accordé récemment leur licence à plusieurs productions de l’usine bollywodienne qui ont scandalisé les chrétiens. Ces derniers dénoncent aujourd’hui la fréquence avec laquelle leur communauté, autrefois ignorée des films hindi, est désormais tournée en ridicule et la façon dont leurs objets religieux sont utilisés « sans le respect dû à toute religion ».
En 2012, deux autres films produits par Bollywwod avaient soulevé l’indignation de l’Eglise catholique : Kamaal Dhamaal Malamaal (« Ris et sois heureux ») et Kya Super Kool Hain Hum (« On est super cool ! »).
La communauté catholique de Goa (qui représente 26 % de la population de l’Etat) avait notamment menacé d’empêcher la diffusion de Kamaal Dhamaal Malamaal si les passages ridiculisant l’Eglise – comme un prêtre catholique obsédé par ses loteries portant des guirlandes de billets autour du cou – , n’étaient pas retirés. La Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCP) avait publié de son côté une déclaration sévère, tandis que Mgr Felix Machado, évêque de Vasai et président de la commission épiscopale pour l’œcuménisme, exprimait « la profonde désapprobation de l’Eglise en Inde concernant un film particulièrement offensant pour la foi chrétienne ».
Tout en évoquant les « conséquences funestes du film ‘L’innocence des musulmans’ », les évêques avaient déploré « l’attitude irresponsable des producteurs ainsi que des organismes de censure des films ». Ajoutant que « les chrétiens, bien que gravement offensés, choisiraient toujours le chemin de la paix et du dialogue », la CBCP avait cependant tenu à rappeler que la communauté chrétienne « avait le droit elle aussi d’être respectée dans ses croyances ».
Le 26 septembre 2012, soit deux jours avant la sortie en salle de Kamaal Dhamaal Malamaal, plusieurs groupes catholiques (1) et des représentants de l’archidiocèse de Bombay, avaient défilé en protestation dans la mégapole pour demander la suppression des scènes « offensantes » au nom de l’article 295A du Code pénal (atteinte aux sentiments religieux). A l’issue de la manifestation, une délégation avait remis au comité de censure, le Central Board of Film Certification (CBFC), un mémorandum dont une copie avait été transmise au ministre de l’Information.
Comme lors du litige qui avait opposé l’Eglise catholique aux producteurs de Bollywood à l’occasion de la sortie de Kya Super Kool Hai Hum (2) quelques mois auparavant, les censeurs s’étaient réfugiés derrière l’impossibilité d’agir sans l’accord du gouvernement central (3) « Pour que ne se produisent plus d’incidents de ce type, il faudrait des représentants permanents des différentes communautés religieuses au comité de censure », avait suggéré Joseph Dias, avant de réclamer avec les autres associations de défense des chrétiens la démission des responsables du CBFC et la fermeture du bureau de censure de Bombay régissant la production de Bollywood , « un lobby au service de l’industrie du film ».
« La foi chrétienne est trop souvent présentée de manière erronée, ce qui la discrédite et alimente l’incompréhension et la haine », avait expliqué à l’agence Fides le P. Babu Joseph, porte-parole de la Conférence épiscopale indienne. « Les stéroétypes transmis à travers les films de Bollywood causent un grand préjudice » à la communauté chrétienne en « dépeignant un rassemblement d’hommes ivres, de femmes de petite vertu et de prêtres licencieux et attirés par l’argent », ajoutait-il.
Cette levée de boucliers avait fini par porter ses fruits, du moins en ce qui concernait la suppression de certains passages, l’ensemble du scénario, qui singeait la communauté catholique servant de cadre au film, ne pouvant être modifié.
Mais dans l’histoire récente du conflit qui oppose l’Eglise à Bollywood, la plus importante controverse reste la promotion du thriller Kaun Hain Wahan (Who’s there ?) sorti le 18 novembre 2011.
Sur la première affiche publicitaire du film, on pouvait voir le Christ en croix face à un homme, un poignard à la main, avec pour sous-titre : « Cette fois, c’est le mal qui vaincra. » Le thriller bollywoodien n’avait pourtant pas pour objet la religion chrétienne mais une histoire de fantôme hantant un jeune marié pour se venger d’avoir épousé sa fiancée.
Après l’envoi de milliers de lettres et de pétitions, l’affiche avait été retirée mais, le 15 novembre 2011, le CSF relançait sa plainte : les nouvelles bandes-annonces et publicités présentaient toujours des signes religieux « blasphématoires » dont un crucifix renversé. « Ces images ne seraient tolérées par aucune religion, s’indignait le CSF. Pourquoi les chrétiens sont-ils traités comme des citoyens de seconde zone ? »
La CBCP et le CSF portaient alors plainte, organisant plusieurs jours de manifestations qui aboutissaient le 3 décembre 2011 à l’arrestation des réalisateur, producteur et publicitaire du film. Mais après leur audition le 5 décembre, la cour concluait que Who’s There ne « portait aucun préjudice à la foi chrétienne ».
Plus aucune trace ne subsiste aujourd’hui de la polémique qui a accompagné la sortie du thriller : les affiches incriminées ont été remplacées par celles de films d’horreur classiques (mains ensanglantées, couple terrorisé en train de fuir), mais sans plus de référence au christianisme ni image de crucifix.
Aujourd’hui, avec les excuses publiques de la production de Policegiri, il semble que les chrétiens aient obtenu pour la première fois la reconnaissance des « atteintes à la liberté religieuse » par Bollywood qu’ils dénonçaient depuis des années.