Eglises d'Asie

Deux jours après l’attentat commis au sanctuaire bouddhique de Bodh Gaya, l’incertitude demeure sur ses commanditaires

Publié le 09/07/2013




Deux jours après l’attentat commis sur le site du sanctuaire bouddhique de Bodh Gaya, au Bihar, les différents services de police et de renseignements indiens poursuivent leurs investigations. Plusieurs pistes se dessinent pour un acte qualifié de « terroriste » par le ministre fédéral de l’Intérieur et qui a amené …

… le Premier ministre Manmohan Singh à réagir en déclarant que « les attentats contre les lieux saints ne seront jamais tolérés [en Inde] ».

A Bodh Gaya, localité située à une centaine de kilomètres au sud de Patna, capitale du Bihar, le temple de Mahabodhi est considéré comme l’un des quatre lieux saints du bouddhisme. Selon la tradition, c’est là, en 531 avant Jésus-Christ, que Siddharta Gautama a atteint l’illumination et l’état de Bouddha. Dimanche 7 juillet au petit matin, une série de huit ou neuf explosions de faible puissance a fait deux blessés et des dégâts mineurs en divers lieux du sanctuaire. « L’arbre saint de la bodhi [au pied duquel Siddharta a trouvé l’illumination] est intact, il n’a pas été endommagé », a rapidement précisé le chef de la police du Bihar, l’un des engins explosifs ayant été placé au pied du banyan sacré, tandis que l’identité des deux blessés, dont les jours ne sont pas en danger, était communiquée à la presse : un pèlerin tibétain âgé de 50 ans et un moine birman âgé de 30 ans.

L’Inde étant en période pré-électorale (les élections générales sont prévues d’ici moins d’un an), l’attentat a très rapidement été commenté par les acteurs de la scène politique. Le ministre fédéral de l’Intérieur Sushilkumar Shinde a annoncé qu’il se rendrait sur les lieux de l’attentat demain mercredi, tandis que le président du BJP (Parti du peuple indien, dans l’opposition), Rajnath Singh, l’y a précédé ce 9 juillet. Tout en prenant soin d’éviter d’attaquer le ministre-président du Bihar, Nitish Kumar, dont le parti, le Janata Dal, a un temps été l’allié du BJP, le chef de l’opposition hindouiste a rejeté la faute de l’attentat sur New Delhi, accusé d’être incapable d’assurer la sécurité du pays.

Dans le contexte très sensible de cohabitation entre les communautés religieuses, le fait qu’un des centres mondiaux du bouddhisme soit pris pour cible aujourd’hui en Inde interroge sur l’identité et les motivations des auteurs et des commanditaires de l’attentat. La presse indienne a rapidement fait état de l’avertissement adressé en octobre dernier par la police de New Delhi aux autorités en charge de la gestion du sanctuaire bouddhique. La police aurait alors mis en garde contre une possible attaque du site par les Moudjahidines indiens (Indian Mujahideen), groupe islamiste qui, en 2008 notamment, avait revendiqué une série d’attentats meurtriers commis à New Delhi, Ahmedabad et Jaipur. Des membres de ce groupe terroriste auraient récemment effectué des repérages dans le sanctuaire bouddhique de Bodh Gaya, peut-on lire dans le Times of India ; ils auraient eu pour motif de venger les musulmans des violences dont ils ont été la cible ces derniers mois en Birmanie.

Dans le Hindustan Times, une source à l’intérieur de la NIA (National Investigation Agency), l’une des unités de lutte antiterroriste du gouvernement indien, précise que les Indian Mujahideen sont une piste mais que d’autres possibilités sont explorées. L’enquête est rendue difficile du fait que les captures vidéo du circuit de surveillance du sanctuaire sont de mauvaise qualité et ne permettent pas une identification aisée de six suspects, aperçus autour des lieux où ont été déposées les bombes peu avant la détonation de celles-ci.

Toujours dans le Hindustan Times du 9 juillet est posée la question de la concomitance de l’attentat de Bodh Gaya avec l’ouverture à Djedda, en Arabie Saoudite, de l’Arakan Rohingya Union (ARU) Conference. Fondée en mai 2011, l’ARU aspire à représenter la cause des Rohingyas de Birmanie sur la scène internationale. Placée sous les auspices de l’OCI (Organisation de la coopération islamique, ex-Organisation de la conférence islamique), la conférence de l’ARU qui s’est ouverte le 7 juillet à Djedda vise à sensibiliser la communauté internationale, et en premier lieu les pays à majorité musulmane, au sort dramatique fait aux Rohingyas de Birmanie. Selon les services secrets indiens, une autre organisation rohingya, la Rohingya Solidarity Organisation (RSO), qui d’organisation caritative aurait versé dans la lutte armée, pourrait être impliquée dans l’attentat de Bodh Gaya. Les fondateurs de la RSO, le maulana Anwar et le Dr Younus, seraient revenus il y a quelques mois en Arakan, en Birmanie, après avoir levé des fonds à Londres et en Arabie Saoudite, et ils animeraient un réseau terroriste basé au Bangladesh et ayant des connexions jusqu’au Pakistan, dont ferait partie « le Lashkar-e-Taiba, lié à l’ISI (Inter-Services Intelligence) ». La RSO viserait à provoquer des troubles intercommunautaires en Asie du Sud, tout en cherchant à déstabiliser les pays de l’ASEAN.

En l’absence, pour l’heure, de tout élément concluant dans l’enquête sur l’attentat de Bodh Gaya, le gouvernement indien a ordonné le renforcement de la sécurité autour des temples bouddhiques ainsi que des implantations tibétaines sur le sol indien. Le dalai lama, qui participe actuellement à un rassemblement de bouddhistes tibétains réunis à l’occasion de son 78ème anniversaire à Bylakuppe, au Karnataka, a vu sa sécurité rapprochée renforcée.

Du côté catholique, l’attentat a été condamné, les chrétiens indiens partageant avec les bouddhistes indiens le fait d’appartenir à une minorité numériquement faible (1). « Les évêques d’Asie condamnent fermement la violence perpétrée à l’encontre du temple bouddhique de Bodh Gaya. Ils condamnent également l’esprit de division, de discrimination et de communautarisme qui alimente la violence. Ils demandent un engagement sérieux en faveur de l’harmonie interreligieuse et de la justice, surtout envers les pauvres et les minorités », a déclaré à l’agence Fides le P. Nithiya Sagayam, secrétaire exécutif du Bureau pour le développement humain de la FABC (Fédération des Conférences épiscopales d’Asie).