Eglises d'Asie

Lourdes peines de prison infligées à deux jeunes accusés pour avoir fondé un groupe de « jeunes patriotes »

Publié le 16/05/2013




Ce 16 mai, une étudiante de 21 ans, Nguyên Thi Phuong Uyên, a comparu devant le Tribunal populaire de Long An en compagnie de Dinh Nguyên Kha, âgé de 25 ans. La première poursuit de brillantes études en « agro-alimentaire » en troisième année de l’université de Saigon. Le second, qui réside à Long An, est technicien en informatique. Ils ont été condamnés à de sévères peines de prison ferme : six ans pour Nguyên Thi Phuong Uyên…

… et huit ans pour Dinh Nguyên Kha (1). Dans la matinée, le procureur avait requis de huit à dix ans de prison pour ce dernier et de cinq à sept ans pour la jeune étudiante. A l’issue de leur emprisonnement, les deux jeunes gens se verront assignés à résidence pour une durée de trois ans.

Dans son acte d’accusation rendu public le 6 mars dernier, le parquet populaire leur faisait grief « d’avoir participé à l’organisation réactionnaire ‘La jeunesse patriote’ » dont le chef Nguyên Thiên Thanh serait aujourd’hui en Thaïlande. Au cours des mois d’août et d’octobre 2012, le groupe aurait rédigé, recelé et diffusé des documents s’opposant à l’Etat. Entre autres délits, il était reproché à la jeune fille d’avoir écrit avec son propre sang, sur une pièce d’étoffe, « des phrases désagréables pour la Chine ».

Au Vietnam, pays confucéen, la littérature, orale et écrite, est riche en histoires d’étudiants pauvres, traversant les pires humiliations et épreuves, avant d’obtenir le glorieux titre de docteur et de revenir dans leur village recevoir l’hommage de leurs proches. Cette ancienne tradition explique peut-être l’attention émue portée par l’opinion du pays au sort de cette jeune étudiante. Après l’affaire de Doan Van Vuon et de ses frères dans le Nord, le drame vécu par cette étudiante et son compagnon a retenu l’attention de toutes les couches de la société du pays depuis la mi-octobre 2012. Plusieurs centaines d’articles ont parus sur des blogs ou des sites indépendants, proclamant leur soutien à la jeune étudiante (2).

Les circonstances, mystérieuses, de l’arrestation et de l’incarcération par la Sécurité de Nguyên Thi Phuong Uyên, le 14 octobre 2012 ainsi que le mépris affiché des responsables pour le Code de procédure pénale, ont inquiété au plus haut point sa famille qui l’a recherchée par tous les moyens à sa disposition. Pendant les deux semaines qui ont suivi sa disparition, les services de la Sécurité ont dissimulé son arrestation aux parents et amis et ont dupé l’opinion publique à son sujet. Ces manœuvres ne réussirent qu’à faire grandir l’angoisse dans l’entourage de la jeune fille puis au sein de l’ensemble de la société.

Après de multiples et persévérantes démarches, le 23 octobre 2012, la mère de l’étudiante retrouva enfin la trace de sa fille, incarcérée dans la ville de Tân An, dans la province de Long An. Le 30 octobre 2012, une lettre de soutien fut envoyée au chef de l’Etat par ses camarades de classe, puis par 114 personnalités, dont plusieurs universitaires. Des pressions furent par la suite exercées sur les étudiants pour qu’ils retirent leur signature tandis que les 114 signataires faisaient l’objet de représailles.

Il fallut attendre le 3 novembre 2012 pour que, lors d’une conférence de presse, les autorités policières de Saigon et de Long An annoncent publiquement l’arrestation « temporaire » de Nguyên Thi Phuong Uyên et de son compagnon Dinh Nguyên Kha, accusés d’avoir diffusé des tracts s’opposant à l’Etat vietnamien, contrevenant ainsi à l’article 88 du Code pénal. Une campagne d’accusations fut alors lancée dans la presse officielle. Il fut reproché aux deux jeunes gens d’avoir reçu de l’argent (100 dollars) de l’étranger, d’avoir préparé des explosifs, de s’être « alliés aux forces hostiles au pays », etc.

On ne dispose encore que de très peu d’informations sur le contenu des débats qui ont eu lieu pendant le procès. Selon le témoignage de la mère de Dinh Nguyên Kha, celui-ci aurait déclaré aux juges : « Depuis toujours, j’aime mon pays. Je ne me suis pas opposé à ma nation, mais seulement au Parti communiste. Il n’y a aucun crime à cela. » Il a ajouté qu’il n’y avait aucune loi qui interdisait son attitude.

Dans la matinée, malgré la présence de nombreux agents de la Sécurité en uniforme et en civil, des groupes de jeunes et diverses personnalités de l’opposition se sont rassemblés autour du tribunal populaire. Le fonctionnement des téléphones mobiles avait été neutralisé et plusieurs arrestations ont eu lieu.

Dans l’après-midi, un groupe de jeunes étudiants présents sur place a réussi à s’introduire dans les locaux de la Sécurité afin de s’informer du sort des accusés, mais ont été rapidement repoussés à l’extérieur. Des membres de la famille ainsi que certains jeunes auraient pu, selon les dernières informations, pénétrer finalement à l’intérieur de la cour du tribunal (3).