Eglises d'Asie

Des islamistes menacent de perturber le déroulement de l’élection de Miss Monde

Publié le 27/08/2013




Latentes depuis plusieurs mois, les menaces de différents milieux musulmans indonésiens se précisent à l’approche de la tenue, en septembre prochain, de l’élection de Miss Monde en Indonésie. Le week-end dernier, le Conseil des oulémas indonésiens (Majelis Ulama Indonesia, MUI) ainsi que des organisations islamistes ont multiplié les mises en garde, …

… demandant au président de la République d’interdire la tenue en Indonésie d’une manifestation jugée « païenne » et « étrangère à la culture » du pays.

Prévue pour débuter le 7 septembre prochain à Bali, île à majorité hindoue et haut lieu du tourisme international, l’élection de Miss Monde doit s’achever le 28 du même mois dans le Palais des congrès de Bogor, au sud de Djakarta. Planifié depuis plus d’un an, l’événement a déjà suscité une levée de boucliers chez les islamistes indonésiens, au point que les organisateurs de la manifestation, basés à Londres, ont fait savoir dès le départ, il y a environ douze mois, que le traditionnel défilé en maillot de bain des quelque 137 jeunes candidates serait remplacé par une présentation en sarong indonésien. Le 5 juin dernier, Julia Morley, organisatrice de l’événement, confirmait l’abandon du bikini en ces termes : « Je ne veux contrarier personne et placer quiconque dans une situation qui nous ferait passer pour irrespectueux. »

A l’approche du début de la manifestation, des organisations islamistes parmi les plus bruyantes en Indonésie ne se satisfont pas de ces aménagements et réclament l’annulation de l’événement. Ce 25 août, Habib Rizieq Shihab, chef du Front des défenseurs de l’islam (FPI), organisme connu pour chercher à imposer l’observance d’un islam rigoriste en Indonésie, a déclaré que ses partisans « étaient prêts à empêcher la tenue de cette manifestation afin de libérer Bali de l’immoralité » et a lancé un appel au gouvernement pour que celui-ci interdise l’élection de Miss Monde.

La branche indonésienne du Hisbut Tahrir (HTI), organisation prônant le rétablissement du califat sur l’ensemble du monde musulman, s’est prononcé dans le même sens, arguant du fait que l’élection de Miss Monde était une insulte à la dignité des femmes. Le 24 août, on pouvait lire sur le site Internet du HTI une adresse appelant les musulmans à « farouchement s’opposer à la tenue de cette manifestation païenne en Indonésie ainsi qu’à l’importation de toute culture libertine sur notre sol, y compris la ‘chosification’ des femmes et la culture obscène du divertissement qui promeut l’immoralité ».

Durant ce même week-end, le Conseil des oulémas indonésiens, qui s’est saisi de l’affaire en réponse à la demande des organisations islamistes telles le FPI, a ajouté sa contribution, son président Amidan Shaberah déclarant le 24 août : « Parce qu’exposer le corps [des candidates] est contraire à l’enseignement de l’islam, notre position est claire : nous rejetons le fait que l’Indonésie accueille sur son sol cette élection. »

Face à ces multiples déclarations, rares ont été les voix divergentes. Membre du PDIP (Parti démocratique indonésien de lutte), musulmane et députée à la Chambre des représentants, connue pour ses prises de position en faveur des minorités religieuses, Eva Kusuma Sundari a publié un communiqué pour tenter d’expliquer que « c’était une erreur » de ne voir en l’élection de Miss Monde qu’une compétition liée à la seule plastique des candidates. L’intelligence, le courage et l’esprit d’à-propos sont jugés autant que la beauté physique, a-t-elle fait valoir, tout en rappelant que « l’Indonésie n’était pas un Etat islamique ».

Du côté du groupe de médias qui organise la retransmission de l’élection, on s’inquiète du risque d’annulation de l’élection de Miss Monde, chacun ayant en souvenir l’annulation, au printemps 2012, sous la pression du FPI, d’un concert de Lady Gaga à Djakarta. Mais une porte-parole du MNC (Media Nusantara Citra) a rappelé que les bikinis seraient absents des podiums, les candidates devant faire preuve de « créativité » pour « dessiner elles-mêmes des sarongs ou des robes de plage ».

Organisée depuis 1951, l’élection de Miss Monde a pris une ampleur considérable en Asie. Elle a déjà été organisée à Taiwan, en Inde (en 1996, où des hindous fondamentalistes ainsi que des catholiques avaient protesté contre sa tenue dans le pays) et en Chine populaire. Il est estimé que l’élection de Miss Monde 2012 (une Chinoise) a été suivie par plus d’un milliard de téléspectateurs, dont une majorité en Asie.