Eglises d'Asie – Philippines
Le président de la Conférence épiscopale dénonce le « manque de zèle » du clergé catholique
Publié le 30/08/2013
Vice-président de la Conférence épiscopale depuis 2011, Mgr Socrates B. Villegas est l’archevêque de Lingayen-Dagupan, diocèse de la côte ouest de Luzon, depuis 2009. Au 1er décembre prochain, il prendra la tête de l’épiscopat philippin, mais, dans une lettre rendue publique aujourd’hui et datée du 31 août, jour du douzième anniversaire de son ordination épiscopale, c’est à ses prêtres qu’il s’adresse. Commentant la crise que traverse en ce moment le pays avec le scandale du système du « pork barrel » (détournements des fonds publics par les élus du Congrès philippin), Mgr Villegas s’interroge sur les remises en cause que ce scandale devrait provoquer non seulement dans la société mais aussi dans l’Eglise elle-même, et en particulier les ministres du culte.
« Nous, les prêtres, écrit-il, avons failli dans notre mission consistant à mener notre peuple à imiter le Christ. La prière qui ne s’accompagne pas d’une conversion morale n’est qu’une cloche qui sonne faux. Le credo qui ne va pas de pair avec une bonne conduite morale n’est que sécheresse et mort. Ce n’est pas la fumée de l’encens qui nous mènera au Ciel. Ce n’est pas la lecture des livres de prière qui nous fera devenir saints. Ce n’est pas l’éclat de nos chandeliers qui nous rendra meilleurs. Ce à quoi nous devons aspirer, c’est l’imitation du Christ. La finalité dans l’Eglise, c’est l’intimité avec le Christ et l’imitation du Christ. ».
« Or, malheureusement, dénonce-t-il encore, frères prêtres, nous sommes devenus des ‘pasteurs de statu quo’. Nous nous sommes transformés au point de ne plus faire que ‘maintenir’ l’Eglise, observer les horaires, suivre l’ordre du jour. » Mgr Villegas affirme que cette sécularisation et l’embourgeoisement du clergé « ne peuvent pas continuer ». « Nous devons aller dehors, dans les villages et les écoles, visiter les hôpitaux et les pauvres, enseigner à frais nouveau le catéchisme, visiter les familles chez elles – en un mot, secouer la société », écrit-il encore, insistant avec ces mots : « Le problème n’est pas le manque de prêtres, mais leur manque de zèle. »
Mgr Villegas dénonce le fait que si la doctrine est enseignée, elle n’est pas « vécue et connectée à la vie ». « Nous avons la foi mais nous n’en vivons pas », écrit-il, ajoutant : « A quoi bon réciter les Dix commandements dans l’ordre et dans le désordre si les gens continuent à voler et à tuer, à tricher et à convoiter ? A quoi bon réciter les mystères du Rosaire si nous faisons en sorte que le Christ ne vienne pas nous déranger dans notre complaisance ? ». « Dire la foi sans la vivre revient à se masser tranquillement l’ego », poursuit-il, appelant le clergé à être un exemple inspirant qui amène les fidèles à imiter le Christ.
Il donne comme exemple le problème maintes fois analysé de célébrations liturgiques trop longues et ennuyeuses où des homélies sans fin chassent les jeunes des églises. « Comment mettre le feu à leurs cœurs si nous-mêmes nous ne brûlons pas pour Dieu ? », interroge-t-il, rappelant aux prêtres que la meilleure préparation pour une homélie est la prière et la méditation de l’Evangile.
L’Eglise, conclut-il, a toujours été une Eglise en réforme. « Les murs blancs de nos églises ne deviennent pas plus blancs avec le temps. Les murs blancs deviennent poussiéreux, tachés, craquelés. Ils peuvent s’effriter. Il en va avec l’Eglise comme avec les murs ! »
Venu de Mgr Villegas, un tel appel n’est pas inédit. Agé de 52 ans, ancien secrétaire personnel du cardinal Sin (1928-2005), celui qui fut ordonné à l’épiscopat à l’âge de 40 ans porte ce message de renouveau de l’Eglise depuis quelques temps déjà. En octobre dernier, à Rome, à l’occasion du Synode pour la nouvelle évangélisation, il avait fait sensation en déclarant que, pour prétendre évangéliser de façon crédible, l’Eglise et sa hiérarchie devaient « éviter l’arrogance, l’hypocrisie et la bigoterie ». Selon lui, la nouvelle évangélisation appelle à « une nouvelle humilité », ancrée dans une sainteté et un visage renouvelés dans la charité. « Notre expérience du Tiers-monde me montre que l’Evangile peut être annoncé à des estomacs vides, mais à l’unique condition que l’estomac du prédicateur soit aussi vide que celui de ses paroissiens », avait-il déclaré en congrégation générale lors du Synode.
Cet appel est lancé par celui qui va prendre d’ici quelques semaines la tête de l’épiscopat philippin, à un moment où différentes études et témoignages indiquent que, si les Philippines demeurent « le pays le plus catholique d’Asie », les catholiques philippins sont, plus que les autres croyants aux Philippines, touchés par la sécularisation et s’éloignent de l’Eglise.