Eglises d'Asie

Après des mois de protestation, les chrétiens sont en passe d’obtenir du gouvernement un premier terrain pour ensevelir leurs morts

Publié le 27/05/2011




Plus d’un millier de chrétiens ont bravé le mardi 24 mai dernier les grèves générales qui paralysent actuellement le pays, afin d’assister à Katmandou à la réunion nationale du Comité consultatif chrétien pour la nouvelle Constitution et de se réjouir des engagements pris par le gouvernement concernant la concession de cimetières pour leur permettre enfin ensevelir leurs morts.

Cela faisait des dizaines d’années que les communautés chrétiennes du Népal demandaient en vain aux gouvernements successifs, des terrains afin de pouvoir enterrer leurs morts selon leur religion. Une nécessité devenue d’autant plus impérieuse que le nombre des chrétiens était en forte augmentation (1). L’affaire des « tombes chrétiennes » a éclaté en décembre dernier lorsque les autorités du temple hindou de Pashupatinath, proche de Katmandou, ont interdit aux chrétiens d’enterrer leurs morts dans la forêt de Sleshmantak, jouxtant le temple, et ont commencé à détruire et à profaner les tombes déjà existantes. Le bras de fer entre la communauté chrétienne et les autorités népalaises, qui ne voulaient pas s’aliéner la population hindoue majoritaire, avait duré plusieurs mois, pour ne s’achever que tout récemment, début mai, après des manifestations de plus en plus importantes et surtout une grève de la faim de cinq semaines, qui a finalement eu raison de l’immobilisme du gouvernement (2).

Le vice-président du comité, le Rév. Isu Jung Karki, a exprimé devant le Comité consultatif chrétien pour la nouvelle Constitution son soulagement que les chrétiens aient fini par avoir gain de cause dans le conflit qui les opposait au gouvernement népalais depuis décembre dernier. « Pour la première fois, nous avons le sentiment que nous ne sommes plus des citoyens de seconde zone et que nous avons enfin été entendus ! », s’est-il félicité, rappelant que le gouvernement s’était engagé à former un comité pour étudier les modalités d’attribution aux chrétiens de terrains pouvant leur servir de cimetières.

Le caractère officiel des promesses du gouvernement a été confirmé par Laxmi Pariyar, membre de l’Assemblée constituante et seule chrétienne au Parlement, qui a ajouté que la concession des terrains était acquise et que ce n’était plus maintenant qu’une question de temps. Un autre membre de l’Assemblée constituante, Udaya Sumsher Rana, également député du parti du Congrès népalais, a assuré le comité consultatif chrétien de son soutien : « Tant que les minorités ne seront pas protégées, il ne pourra y avoir aucune paix possible au Népal. Je suis député à Lalitpur [district et ville du même nom, très proches de la capitale, NDLR], exactement là où vous avez identifié un terrain pouvant vous être attribué. J’ai l’intention de vous aider à l’obtenir aussi vite que possible. »

Quant au Rév. Chari Bahadur Gahatraj, secrétaire général du Comité, qui avait pris la tête du mouvement de protestation, il a déclaré à l’assemblée que le responsable du district de Lalitpur s’activait à accélérer le processus qui permettrait de céder aux chrétiens le terrain en question, situé dans la petite municipalité de Badikhel. « Une fois que nous aurons acquis ce terrain, tout le reste bougera et d’autres parcelles seront débloquées dans les 75 districts du Népal », a-t-il assuré avec optimisme.

Cependant, si le gouvernement a bien entériné le 25 mai dernier sa proposition de mettre en place un comité spécial chargé de régler la question des cimetières chrétiens (3), son mandat, qui n’est que provisoire, expire demain 28 mai à minuit, date butoir de la remise de la Constitution du Népal par l’Assemblée et de la nomination d’un nouveau gouvernement.

Mais une fois encore, cette échéance très attendue risque de se transformer en rendez-vous manqué pour le Népal qui a déjà vu la promulgation de sa Constitution repoussée à plusieurs reprises. Mardi 24 mai dernier, le gouvernement de Jhalanath Khanal a en effet annoncé que l’Assemblée constituante avait besoin d’un nouveau délai (de six mois à un an), les différents partis n’arrivant à s’entendre sur aucune des questions essentielles, et en particulier sur les revendications des maoïstes, ce qui menace gravement le processus de paix, celui-ci devant se concrétiser par un accord entre les anciens rebelles et le gouvernement ce même 28 mai (4). Depuis l’annonce de l’échec de la Constituante, et malgré les rappels à l’ordre de la Cour suprême du Népal et des Nations Unies qui ont réaffirmé la nécessité absolue pour les parlementaires de trouver un accord et de finaliser la Constitution (5), la population népalaise, exaspérée, afflue à Katmandou pour manifester devant le Parlement, toutes organisations politiques, ethniques ou religieuses confondues. Paralysé déjà depuis des mois par des bandhs (grèves générales) ininterrompus, le pays menace de plonger dans le chaos, les maoïstes, les minorités ethniques et religieuses et depuis hier, les extrémistes hindous, s’affrontant aux forces de l’ordre au cours de manifestations violentes.