Eglises d'Asie – Philippines
Deux travailleurs humanitaires catholiques enlevés sur l’île de Basilan
Publié le 06/09/2013
Les deux victimes, Frederick Banot et Cherben Masong, travaillaient comme instituteurs auprès des enfants aborigènes badjaos (1), appelés communément les « gitans de la mer », une ethnie particulièrement pauvre et discriminée aux Philippines, en grande partie en raison de son fort taux d’analphabétisme.
« Quelle tristesse que ce drame, qui touche deux humanitaires dont le seul but était d’essayer de redonner leur dignité aux Badjaos ! », a déclaré ce vendredi 6 juillet Mgr Martin Jumoad, évêque de Basilan, au Philippine Daily Inquirer. Le prélat, qui a été le premier à révéler la nouvelle de l’enlèvement des deux hommes, a expliqué que Frederick Banot et Cherben Masong faisaient partie d’un programme d’alphabétisation des Badjaos pour Charity Children Foundation (CCFI), une ONG catholique dépendant de la congrégation des clarétains (Missionnaires Fils du Cœur Immaculé de Marie)
Selon les premiers éléments de l’enquête, un groupe d’hommes armés a pénétré mercredi soir, vers 20h00, dans la maison mère de l’ONG à Lantawan où les deux enseignants dormaient. Ils ont ensuite emmené les deux hommes sous la menace de leurs armes vers des hors-bords qui attendaient près du rivage, avant de s’enfuir au large.
Bien que l’enlèvement n’ait pas encore été revendiqué, de fortes suspicions pèsent d’ores et déjà sur le groupe terroriste Abu Sayyaf (2) lié à Al-Qaida, qui est responsable d’un grand nombre de kidnappings, attentats et assassinats dans la région.
Des témoins ont de plus affirmé avoir vu les assaillants embarquer avec les otages dans des hors-bords pneumatiques utilisés couramment par le groupuscule islamiste. Ils auraient ensuite disparu vers le sud-ouest, où se trouvent les îles de Sulu, bastion d’Abu Sayyaf.
Le capitaine Jefferson Somera, porte-parole de l’armée dans la région, a tenu cependant à rappeler que de nouveaux groupes terroristes avaient récemment émergé ces dernières années et que la guerre des clans faisait rage sur toute la partie sud de l’archipel philippin.
Dès le jeudi matin, Mgr Jumoad s’exprimait sur le site de la Conférence épiscopale catholique des Philippines, se disant certain que la collaboration entre l’Eglise, la police et les autorités militaires permettrait de localiser et de délivrer les deux travailleurs humanitaires.
Le colonel Carlito B. Galvez, qui commande la 104ème brigade d’infanterie dans la région, a assuré de son côté que l’armée philippine allait agir en lien avec la police de Basilan, les fonctionnaires du gouvernement, les autorités locales, ainsi qu’avec le Front moro de libération nationale (MNLF) et le Front moro de libération islamique (MILF), lesquels ont récemment servi d’intermédiaires entre le gouvernement et les groupes armés du sud-philippin dans des cas d’enlèvements similaires.
Le Manilla Bulletin de ce 6 septembre rapporte que des forces spéciales de l’armée ont été déployées dans toute la région, et des points de surveillance mis en place tout autour de l’île, sur les côtes mais aussi en mer.
L’île de Basilan est située dans la Région autonome musulmane de Mindanao (ARMM), zone en proie à la violence armée depuis plus de quarante ans. Malgré les récents accords signés entre Manille et les acteurs principaux de la rébellion moro (le MILF) il y a un an, l’insécurité continue de régner dans la partie sud de l’archipel philippin.
Depuis le mois dernier, plusieurs attaques contre des enseignants travaillant pour des écoles publiques comme privées dans la région de Mindanao ont coûté la vie à quatre personnes.
Le dernier attentat s’est produit le 26 août 2013 : trois instituteurs ont été attaqués alors qu’ils rentraient chez eux, à Lamitan, sur l’île de Basilan. L’un d’eux est mort sur le coup, un autre a été grièvement blessé. Cinq jours plus tôt, un inconnu en armes avait abattu Dennis Ugong, instituteur à Malapatan dans la province de Sarangani, à Mindanao.