Eglises d'Asie – Inde
Des catholiques appellent à la généralisation d’une éducation à la sexualité dans les écoles du pays
Publié le 09/01/2013
Dans l’immédiat, alors qu’a commencé le procès des cinq hommes âgés de 19 à 35 ans accusés d’avoir violé et frappé le 16 décembre dernier une jeune étudiante, qui a succombé à ses blessures le 28 décembre, la tension reste vive. Une déclaration du père de la victime, demandant que les agresseurs de sa fille soient condamnés à la peine de mort, a soulevée un vif débat. Des éditorialistes de la presse de bonne tenue ont abondé dans son sens, tel le Hindustan Times : « Des peines sévères et rapides contre les violeurs, y compris la peine de mort, auront pour effet que les gens ne considèreront plus ce crime (le viol) comme une simple infraction que l’on peut oublier. » Au Parlement, des partis politiques ont évoqué un projet de durcissement du Code pénal pour les violeurs.
Dans ce contexte surchauffé, des voix dans l’Eglise catholique se sont élevées pour rappeler qu’en aucune circonstance la peine de mort n’était souhaitable. Basé à Bombay et réunissant différentes associations chrétiennes, le Catholic Secular Forum (CSF) a écrit au gouvernement fédéral pour affirmer que « ni la peine de mort ni la castration chimique ne faisaient partie des positions de l’Eglise ». Plaçant le débat au niveau de la défense de la dignité de la femme en Inde, le CSF propose au pouvoir exécutif de rendre obligatoire l’éducation sexuelle dans les lycées publics et cite en exemple un programme mené en ce sens au Kerala.
Dans cet Etat méridional où les chrétiens sont fortement implantés, le diocèse syro-malabar d’Ernakulam-Angamaly a mis en place un programme intitulé « Eclairer » (‘Enlight’) dans les écoles dont il a la tutelle. Il s’agit d’un programme d’éducation sexuelle s’adressant aux préadolescents et aux adolescents fréquentant les classes de catéchisme (dès l’âge de 10 ans). Mettant l’accent sur l’égale dignité de l’homme et de la femme, le programme vise à expliquer que la sexualité est un don de Dieu et que chacun, garçon et fille, se doit de l’accepter comme tel en le respectant et en respectant l’autre. Des équipes d’enseignants formés à cette fin veillent à introduire les enfants à la vision chrétienne de la sexualité et du corps humain, en évoquant notamment les changements biologiques intervenant dans le corps lors de la puberté ou bien l’attraction sexuelle entre homme et femme. Elles sont notamment attentives à ne pas laisser les enfants découvrir seuls la sexualité à travers l’image qui peut en être colportée sur Internet et les réseaux sociaux.
Selon le P. Jimmy Poochakkatt, directeur du catéchisme et de l’éducation morale pour le diocèse d’Ernakulam, la réponse des enfants, des parents et des enseignants au programme a été « si positive » qu’il va être étendu et généralisé à toutes les écoles du diocèse. « Pour les adultes, nous avions déjà une préparation au mariage qui comprenait des cours d’éducation sexuelle et de conseil conjugal. Avec ces cours, nous allons plus loin et nous constatons qu’ils sont nécessaires », a-t-il expliqué, ajoutant qu’à ce jour seulement 8 000 enfants avaient suivi cette formation et que l’objectif était de toucher rapidement 100 000 jeunes.
Pour le Catholic Secular Forum, la généralisation de ce type de programme pourrait avoir un impact dans le pays tout entier tant la présence de l’Eglise catholique dans le domaine de l’éducation est forte en Inde, avec les quelque 15 000 écoles et établissements dont elle a la charge.
Selon certains observateurs locaux de la société indienne, parvenir à inscrire dans les mentalités l’égale dignité de l’homme et de la femme est une entreprise de longue haleine. La persistance du déséquilibre des sexes à la naissance témoigne de la préférence fortement marquée pour les enfants de sexe masculin, que ce soit dans les milieux ruraux défavorisés ou au sein des classes moyennes montantes. De plus, la permanence du phénomène de la caste vient aggraver les biais entretenus envers certaines catégories de femmes : les études indiquent que la probabilité pour une Indienne d’être violée est d’autant plus forte qu’elle se situe en bas de l’échelle des castes. Pour les tribals et les dalits, à la violence du crime de viol s’ajoute le fait que, souvent, la police, dans le cas où elle a à se saisir d’une telle affaire, tend à minimiser l’offense, voire à la retourner contre la victime.