Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Lettre de la Conférence épiscopale du Vietnam au Comité populaire de la ville de Hanoi (25 septembre 2008)

Publié le 18/03/2010




(Le texte est signé par le président de la Conférence épiscopale, Mgr Pierre Nguyên Van Nhon.) Nous avons bien reçu la lettre N° 437/UY BAN NHAN DAN-NC, signée par M. le président du Comité populaire de la ville de Hanoi, le 23 septembre 2008, et concernant « les sanctions des infractions de certains ecclésiastiques du diocèse de Hanoi ».

Dans cette lettre, le Comité populaire propose à la Conférence épiscopale, « après examen et jugement », de proposer de sérieuses sanctions, conformément aux dispositions législatives de l’Eglise, à l’encontre de l’archevêque Ngô Quang Kiêt, du prêtre Vu Khôi Phung et des ecclésiastiques Nguyên Van Khai et Nguyên Ngoc Nam Phong.

 

Après examen, nous constatons que les personnes citées n’ont rien fait qui soit contraire au droit canon actuellement en vigueur dans l’Eglise catholique. Nous tenons à faire connaître cela clairement au Comité populaire. En même temps, nous lui envoyons en annexe le texte intitulé « Ce que pense la Conférence épiscopale d’un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle » pour que le Comité soit davantage informé.

 

 

 

 

Point de vue de la Conférence épiscopale

sur un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle

 

Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses du peuple vietnamien sont nos joies et nos espérances, nos souffrances et nos soucis, nous, membres de la Conférence épiscopale du Vietnam. L’Eglise n’a pas pour fonction de faire de la politique, mais elle ne se tient pas en marge de la société. Dès lors, en tant que dirigeants au sein de l’Eglise catholique, nous avons la responsabilité d’enseigner la doctrine sociale de l’Eglise, pour la promotion de l’homme et de la vie sociale dans son intégralité. Après avoir prié et échangé entre nous, nous voulons exposer nos conceptions concernant un certain nombre de questions relatives à la situation actuelle.

 

I.) Situation

 

1.) Le délai entre les plaintes concernant les terrains et leur règlement ne cesse de se prolonger. Il n’a pas encore été donné une réponse satisfaisante aux problèmes posés par les réclamations de terrain, qui est le problème du moment. Parmi ces réclamations de terrains, il y a celles des religions en général et de l’Eglise catholique en particulier. Pour prendre un exemple concret, il faut citer celle qui concerne la Délégation apostolique située aux 42 de la rue Nha Chung, et de la paroisse de Thai Ha (178 Nguyên Luong Bang, Hanoi). Il y a certainement de nombreux motifs qui ont conduit à cette situation. Ici, nous voulons porter notre attention spécialement sur un point. La loi sur les terrains a été amendée à plusieurs reprises mais elle est encore insuffisante, elle n’est pas adaptée aux actuels changements de la vie sociale. Elle ne se préoccupe pas du droit de propriété légitime du citoyen. En outre, le fléau de la concussion et de la corruption ne fait qu’aggraver encore la situation. Il semble qu’il n’y aura pas de solution radicale si l’on ne tient pas compte de ces deux éléments.

 

2.) Dans le règlement des conflits, un certain nombre de médias, au lieu de servir d’intermédiaires et d’aider à la compréhension, cherchent à créer la sensation et à jeter le soupçon. Alors qu’aujourd’hui, les médias se développent puissamment et rapidement, on devrait voir s’intensifier la compréhension des hommes et se développer leur solidarité. Mais, en réalité, les moyens de communication ne sont utiles à l’homme et à la communauté sociale que s’ils servent la vérité et reflètent la réalité d’une façon sincère. Aujourd’hui, l’une des réalités qui froissent la conscience des hommes est la malhonnêteté en de nombreux domaines, y compris dans le milieu qui a le plus besoin de la vérité, à savoir l’éducation scolaire. Tous ceux qui sont préoccupés par l’avenir de notre pays ne peuvent se désintéresser de cet état de choses.

 

3.) Dans leur démarche pour donner une solution aux conflits évoqués ci-dessus, un certain nombre de personnes s’orientent vers l’utilisation de la violence et ainsi ajoutent encore à l’injustice existant dans la société. Cet état de choses est en train de se développer non seulement dans les grands problèmes de la société, mais aussi dans la vie familiale ou encore à l’école. La violence et l’agressivité ont leur source au cœur même de l’homme, lieu où continue sans trêve le combat entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. S’il n’est pas orienté et formé, l’homme sera facilement entraîné par les passions égoïstes et ainsi le mal s’introduira dans la vie sociale. C’est pourquoi l’éducation morale et la formation de la conscience sont de la responsabilité fondamentale de l’ensemble de la société et exigent la participation positive des citoyens comme des organisations sociales.

 

II.) Point de vue

 

Compte-tenu d’une situation, nous formulons les propositions suivantes :

 

1.) Avant tout, la loi sur les terrains comportant de nombreuses insuffisances, il convient de la refondre complètement. Cette refonte doit prendre en compte le droit de propriété des individus conformément à ce que stipule la Déclaration des Nations Unies sur les droits de l’homme : « Tous les hommes jouissent du droit de propriété sur leurs biens et sur leurs terres, seuls ou associés avec d’autres, et personne ne peut être dépouillé de ses biens d’une façon arbitraire » (article 17). C’est pourquoi nous considérons qu’au lieu de régler les problèmes au cas par cas, de façon particulière, les responsables devraient chercher une solution plus radicale, en laissant aux citoyens le droit d’être propriétaire de leurs biens et de leurs terres. Par ailleurs, ces citoyens devront être conscients de leurs responsabilités à l’égard de la société. Il s’agit là d’une exigence rendue encore plus pressante par le contexte de la mondialisation actuelle, alors que le Vietnam s’adapte de plus en plus au rythme de vie commun à toute la planète. Cela constituera les prémices d’un règlement radical du problème des plaintes des citoyens concernant les terrains. Cela contribuera aussi à l’expansion économique et au développement assuré de notre pays.

 

2.) D’autre part, la morale professionnelle exige que les personnes qui travaillent dans les médias respectent la vérité. En fait, des nouvelles sont déformées, tronquées, comme dans le cas du conflit sur la propriété de l’ancienne Délégation apostolique. C’est pourquoi nous proposons que tous ceux qui travaillent dans les médias prennent les plus grandes précautions lorsqu’ils publient des nouvelles ou des photos, surtout en rapport avec l’honneur et la réputation d’un individu ou d’une communauté. Lorsque des informations erronées ont été publiées, il est nécessaire de les rectifier. Ce n’est qu’en respectant la vérité que les médias accompliront la fonction qui est la leur, à savoir diffuser des nouvelles et éduquer afin d’édifier une société juste, démocratique et civilisée.

 

3. La tradition morale et culturelle du peuple vietnamien a toujours mis en valeur les sentiments d’amitié, d’estime et de concorde qui animent les relations sociales. Il est regrettable que, dans le règlement des conflits récents, aient été commises des actions qui ont recouru à la violence et ont rompu les liens de concorde existants. C’est pourquoi nous souhaitons ardemment que tous renoncent à toute forme de violence aussi bien en actes qu’en paroles. Il convient aussi de ne pas envisager les conflits actuels sous l’angle politique ou pénal. On ne pourra parvenir à une solution adéquate que par un dialogue franc, ouvert et sincère, mené dans la paix et le respect mutuel.

 

Ces réflexions ont pour objet le désir de contribuer positivement au bon développement du pays. Selon notre souhait, elles sont adressées à tous nos frères et sœurs catholiques et à tous les hommes de bonne volonté. Nous sommes persuadés que, lorsque, tous ensemble, nous édifierons notre pays sur la base de la justice, de la vérité et de l’amour, notre patrie, le Vietnam, sera de plus en plus riche, procurera le bonheur et la prospérité et contribuera à l’édification d’un monde meilleur.

 

Fait à l’évêché de Xuân Lôc,

Pour la Conférence épiscopale :

Mgr Pierre Nguyên Van Nhon