Eglises d'Asie – Japon
Des religieuses catholiques fondent un couvent pour venir en aide aux populations déplacées par la catastrophe de Fukushima
Publié le 27/09/2013
… auprès des populations déplacées par la catastrophe nucléaire de Fukushima qui, plus de deux ans après le tremblement de terre du 11 mars 2011, vivent toujours dans des conditions de grande précarité.
Le district de Haramachi, dans la ville de Minamisoma, se trouve dans la zone où, dans les jours qui ont suivi la survenance de la catastrophe, la population n’a pas été évacuée mais où, pour ceux qui avaient choisi de rester sur place, consigne avait été donnée de rester confiné à l’intérieur des habitations. La ville elle-même avait été partiellement ravagée par le tsunami consécutif au tremblement de terre et, huit jours après le 11 mars, le maire de la ville, Sakarai Katsunobu, avait fait les titres des journaux en affirmant que ses administrés étaient « abandonnés » des autorités. Plus de deux ans après la catastrophe, une partie de la ville a été rouverte à ses habitants mais, en raison du niveau de radioactivité, une autre est toujours fermée et interdite à tout habitant, tandis qu’une troisième partie est d’accès limité. Plusieurs milliers de personnes doivent donc encore vivre dans des baraquements érigés d’une manière provisoire mais qui, de fait, se prolonge dans la durée.
C’est dans ce contexte humain difficile que, parmi d’autres organisations caritatives, la Caritas Japon intervient. Elle gère notamment cinq centres dont la « Caritas Haramachi Base », où ses bénévoles apportent soutien matériel et réconfort psychologique à une population très largement composée de personnes âgées désemparées du fait des bouleversements que connaît leur vie. Les jeunes adultes, notamment les mères d’enfants en bas âge, sont rares, ayant le plus souvent choisi de partir ailleurs, loin de Fukushima, de son chômage et de ses radiations.
Parmi le personnel responsable de la Caritas sur place figurent Sœur Hisamatsu Kazue, 75 ans, et Sœur Kayakawa Setsuko, 74 ans, envoyées là par leur congrégation, la Congrégation missionnaire des Servantes du Saint-Esprit. Leur provinciale, Sœur Murakami Tamiyo, explique que les deux religieuses ont été dépêchées en avril dernier auprès de la Caritas Haramachi Base car le P. Masayoshi Kariura, coordinateur des initiatives de l’Eglise catholique sur place, lui avait fait part du manque de personnel sur place, aucun couvent catholique féminin n’étant implanté à Minamisoma.
Arrivées sur place, les deux religieuses ont rapidement appris qu’une autre religieuse était présente dans la ville, Sœur Hatanaka Chiaki, 62 ans, de la Société du Sacré-Cœur, et qu’elle vivait seule. Ainsi que le raconte Sœur Murakami à l’agence Ucanews, dans une dépêche publiée le 25 septembre dernier, « pour une religieuse, il est très difficile de vivre seule ». « Il nous a semblé nécessaire de former une communauté [avec ces trois sœurs], même si elles n’appartenaient pas au même ordre religieux », précise la provinciale des Servantes du Saint-Esprit. Une fois le contact établi avec la supérieure de la Société du Sacré-Cœur, décision a donc été prise de fonder un nouveau « couvent » – un modeste appartement en réalité – où les trois religieuses commenceront une vie commune au début de ce mois d’octobre. Les locaux du tout nouveau « Couvent du Saint-Esprit » ont été bénis le 8 septembre dernier par le P. Masayoshi.
Pour Sœur Hatanaka, qui a passé près d’une année seule, sans le soutien d’une vie communautaire, la perspective de retrouver une vie de communauté est un grand soulagement. « Je sais l’importance de la vie communautaire dans un couvent, notamment pour la prière. Or, en vivant seule, je prenais conscience que je me laissais submerger par le travail. Je commençais à ressentir le danger spirituel d’une vie menée dans la solitude. Et c’est à ce moment que ce projet de fonder un couvent avec les Servantes du Saint-Esprit est apparu ! », explique-t-elle, ajoutant qu’au-delà des charismes propres à chaque communauté, l’essentiel est le service de l’Evangile. De plus, dans un Japon où les communautés religieuses sont le plus souvent vieillissantes et voient le nombre de leurs membres diminuer, l’expérience menée à Haramachi est « importante », conclut-elle.
Sur les quelque 150 000 réfugiés de Fukushima recensés début septembre 2013, si une partie est allée refaire sa vie dans d’autres préfectures du pays, ceux qui sont installés dans des habitations temporaires au sein même de la préfecture de Fukushima sont environ 54 000. Plus qu’une détresse matérielle, c’est aujourd’hui une détresse psychologique et spirituelle qui caractérise cette population.
Le 26 août dernier, le journal local de Fukushima publiait un article au sujet de ces souffrances, sous le titre : « Graves sont les blessures du cœur, sentiment d’isolement, subsistance difficile et maladie. » En voici un extrait, traduit en français par le blog Fukushima (1) : « La préfecture de Fukushima a ouvert, en avril 2012, un ‘Centre de soutien psychologique aux réfugiés’. Beaucoup de demandes y affluent. Plus de la moitié d’entre elles ont trait à l’insomnie et à l’inquiétude. Certains réfugiés souffrent de mélancolie ou d’alcoolisme. Plus se prolonge le séjour dans un lieu-refuge de la préfecture d’origine ou d’autres préfectures, et plus les problèmes de subsistance se multiplient. Selon une enquête menée en 2012 auprès de 66 014 personnes réfugiées dans 13 villes de la préfecture de Fukushima, 4 677 d’entre elles (7%) ont besoin d’aide pour leur stress mental. »
Toujours selon le blog Fukushima, 1 599 personnes ont péri dans la préfecture de Fukushima directement du fait du tsunami (2). Ensuite, parmi les populations qui ont dû fuir leur domicile, un grand nombre a trouvé refuge « dans des lieux qui leur étaient étrangers ». En raison des mauvaises conditions dans les refuges, des séjours prolongés dans ceux-ci, des maladies et des suicides, déjà 1 539 d’entre elles sont « mortes dans le désespoir ». Et comme 109 autres décès pourront être reconnus comme tels, il est clair que le nombre de « décès liés à la catastrophe » va dépasser celui des décès directement dus au tsunami. Les raisons de ces décès sont « la fatigue en refuge » (33,7 %), « la fatigue pendant l’exode » (29,5 %), « le manque de soins médicaux à cause de dysfonctionnement des hôpitaux » (14,5 %) et « le suicide » (9 personnes, 1,2 %). « En raison de l’accident nucléaire, les réfugiés restés à l’intérieur du Fukushima (…) n’ont aucun espoir quant à leur avenir », peut-on encore lire sur ce blog.
(eda/ra)