Eglises d'Asie – Inde
Kerala : le gouvernement donne son feu vert à la création d’une commission pour les minorités
Publié le 27/11/2012
… vient d’être annoncée officiellement par le gouvernement de l’Etat du sud de l’Inde.
Si le Kerala semblait, il y a peu encore, avoir été épargné par les vagues de violences extrémismes qui ont secoué l’Inde ces dernières années, l’équilibre intercommunautaire que lui enviaient ses voisins donne aujourd’hui des signes de faiblesse. L’influence grandissante des islamistes dans le nord de l’Etat (1), les passes d’armes entre l’Eglise catholique et le gouvernement communiste, les tensions entre chrétiens et musulmans – qui se cristallisent essentiellement autour des questions d’éducation – sont autant d’indicateurs d’un changement dans le statut dont bénéficiaient jusqu’alors les minorités au Kerala.
Aux côtés des hindous qui forment la majorité des 34 millions d’habitants de l’Etat, les musulmans sont estimés rassembler entre 20 et 25 % de la population, les chrétiens entre 16 et 22 % , tandis que les sikhs, les parsis, les bouddhistes et les membres d’autres religions se partagent le pourcentage restant.
Dans cet Etat, qui offre l’un des taux les plus élevés de scolarisation de l’Inde et qui est réputé pour l’excellence de ses écoles – essentiellement chrétiennes -, le terrain de l’éducation est celui de tous les conflits, en particulier dans le domaine de la liberté religieuse.
En 2007 notamment, le gouvernement communiste a tenté d’imposer une réforme du système éducatif, déclenchant immédiatement une forte réaction d’opposition de l’Eglise. Les évêques des trois rites catholiques présents au Kerala (2) avaient dénoncé la mise en place d’une idéologie subversive et athée, ainsi qu’une tentative de prise de contrôle des institutions chrétiennes en matière d’éducation et de santé.
Si le parti communiste, porté au pouvoir régulièrement depuis une cinquantaine d’années, a été défait l’an dernier aux élections législatives, les affrontements entre les minorités sont en revanche en augmentation constante, comme l’attestent l’attaque d’un professeur d’université catholique par des islamistes ou encore les pressions de plus en plus fréquentes exercées par les groupes musulmans à l’encontre des écoles chrétiennes où sont scolarisés des membres de leur communauté (3).
Les musulmans, de leur côté, se plaignent d’être les victimes d’une « campagne d’intolérance » et de violences de la part de groupes extrémistes hindous.
Dans une dépêche de l’agence Fides datée du 24 novembre 2012, Ignatius Gonsalves, directeur de publication de l’hebdomadaire catholique Jeevanaadam (‘La Voix de la Vie’), tient cependant à nuancer ces rapports alarmistes. « Il existe quelques groupes islamistes au Kerala, affirme-t-il, mais dans l’ensemble la communauté musulmane est modérée (…). Quant au parti hindouiste Baratiya Janata Party (BJP) qui fait la loi dans bon nombre d’Etats indiens, ici il n’a même pas un seul député à l’Assemblée. »
La nouvelle de la création d’une commission pour les minorités a été, quoi qu’il en soit, accueillie favorablement par l’ensemble des communautés religieuses du Kerala. Le 24 novembre dernier, le Catholic Christian Secular Forum (CCSF) a annoncé sur son site Internet que le ministre de l’Urbanisme et des Minorités, Manjalamkuzhi Ali, venait de confirmer l’accord du gouvernement pour l’établissement de l’organe de protection des droits des communautés religieuses minoritaires, lors de l’ouverture d’un séminaire sur les madrasas (écoles coraniques) à Kozhikode. Le ministre avait également déclaré que, parallèlement à la création de la commission, la National Minority Development & Finance Corporation (NMDFC) verserait des allocations logement aux femmes divorcées et débloquerait des fonds pour aider les jeunes diplômés issus des minorités, en recherche d’emploi.
Etablie sur le modèle de la commission fédérale, la commission pour les minorités du Kerala sera constituée de trois membres, dont une femme, et siègera à Thiruvananthapuram, la capitale de l’Etat. Elle aura « tout pouvoir pour agir dans les différents domaines concernant les droits des minorités ethniques, religieuses et culturelles », et pourra prendre « les mesures nécessaires afin de sanctionner les violences ou infractions » commises à l’égard de celles-ci. Dans ce cadre, elle aura le droit de diligenter des investigations, de faire appel à la police et de réclamer tout document qui lui semblera nécessaire. L’organe de surveillance aura également le rôle de conseiller auprès des autorités de l’Etat sur tous les problèmes concernant les minorités et veillera à développer le statut et la reconnaissance des communautés religieuses ethniques et culturelles minoritaires.
Ce dispositif de protection des droits des minorités est déjà en vigueur depuis plusieurs décennies dans la plupart des Etats de l’Inde et sa mise en place par les gouvernements retardataires – en particulier le Kerala – a fait l’objet de nombreux rappels à l’ordre de la part de la Commission fédérale pour les minorités (NCM) (4).
La constitution de cette commission avait pourtant été projetée par le gouvernement communiste du Kerala, avant d’être suspendue par les élections de 2011 qui avaient porté au pouvoir l’United Democratic Front (UDF), parti affilié au Congrès. C’est à l’initiative du ministre des Minorités Manjalamkuzhi Ali que le projet a été remis à l’ordre du jour. La création de la commission, qui est en passe d’être validée par le Parlement du Kerala, n’attend plus que l’approbation finale du gouverneur de l’Etat pour devenir effective.