Dimanche 11 août dernier, rapporte l’Indian Christian Activist Network (ICAN), le Rév. Paramajyothi, pasteur d’une Eglise pentecôtiste indépendante d’une soixantaine de fidèles à Monakalmuroo Taluk, dans le district de Chitradurga, était attaqué par un groupe d’hindouistes lors de l’office dominical. Les agresseurs, après avoir traîné le pasteur en dehors de l’église, en l’accusant de pratiquer des conversions forcées, l’avaient battu avec une grande violence devant ses fidèles, sa femme et ses deux enfants. Ils l’avaient ensuite traîné sur la route, le laissant presque nu et dans un état si grave qu’il ne pouvait être pris en charge par l’hôpital de Chitradurga lequel le faisait transférer dans un autre établissement pour soins intensifs.
Dès qu’il a pu quitter l’hôpital, le pasteur envoyait un courrier au commissariat de police local pour demander la protection des forces de l’ordre, les hindouistes l’ayant menacé de mort s’il ne quittait pas le village sous huitaine. La police, refusant d’intervenir, se contentait d’enregistrer les plaintes des deux parties, les agresseurs comme la victime. Avant le Rév. Paramajyothi, deux autres pasteurs avaient été chassés du village par les mêmes hindouistes et avec les mêmes méthodes, rapportent aujourd’hui plusieurs témoins.
Au nord de Bangalore, une église pentecôtiste a été quant à elle attaquée plusieurs dimanches de suite. Le 25 août, une vingtaine de militants extrémistes du Rashtriya Savayamsevak Sangh (RSS) et du Bajrang Dal, s’introduisaient pendant l’office dominical dans une église de la Living Hope Church, une congrégation pentecôtiste indépendante, implantée à Yelahanka, au nord de la capitale de l’Etat. Après avoir hurlé « pas de prière, pas d’église ! », et saccagé le lieu de culte, les assaillants accusaient le pasteur William John et toute l’assemblée de convertir les hindous de force au christianisme. Cette accusation, à l’origine de toutes les violences antichrétiennes au Karnataka de la part des hindouistes depuis les pogroms de 2008, sont régulièrement réfutées par les Eglises, en vain.
Immédiatement après les fait, le Rév. William John portait plainte auprès de la police qui s’engageait à faire protéger l’église. Mais une semaine plus tard, le 1er septembre, les mêmes extrémistes attaquaient de nouveau la Living Hope Church et frappaient violemment les fidèles, sans aucune intervention des forces de l’ordre. Selon certaines sources, dont l’agence ICAN, les mêmes faits se seraient reproduits encore le 8 septembre suivant.
« Ces attaques, a déclaré Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), semblent faire partie d’un plan des hindouistes pour discréditer le gouvernement du Karnataka dirigé actuellement par le Parti du Congrès, avant les élections parlementaires de 2014. »
Ciblant essentiellement les Eglise protestantes, les attaques hindouistes, loin d’avoir diminué depuis que le Bharatiya Janata Party (BJP) a perdu les élections en mai dernier, se sont tout au contraire multipliées. Un paradoxe que Sajan Georges explique par le profond enracinement au Karnataka de l’idéologie de l’hindutva (1) : « Bien que le Parti du Congrès dirige [aujourd’hui] le Karnataka, plusieurs années de gouvernement par le BJP ont converti la police à l’hindouisme radical (…), ce qui encourage les fondamentalistes [à continuer] de violer la loi. » A chaque rapport d’attaque antichrétienne correspond en effet le récit de l’inaction de la police, voire de son soutien affiché aux fondamentalistes hindous.
C’est le cas du Rév. Hemachandra Hebal, passé à tabac dimanche 22 septembre par un groupe d’hindouistes, dans le lieu de culte de sa petite communauté de la Gypsy Church à Tarikere, dans le district de Chikmagalur. Après l’attaque, le pasteur s’était rendu au commissariat pour porter plainte. Mais le dimanche suivant, le 29 septembre, les agresseurs étaient revenus, avaient frappé les fidèles, le pasteur et sa famille, avant de les enfermer dans l’église et de se rendre au poste de police dénoncer de prétendues conversions forcées d’hindous au christianisme par la Gypsy Church, expliquant avoir enfermé les fauteurs de troubles pour faciliter leur arrestation. Ne tenant aucun compte de la plainte déposée quelques jours auparavant par le pasteur, la police de Tarikere avait alors interpellé le Rév. Hemachandra et sa femme, et leur avait fait signer de force au commissariat une déclaration par laquelle ils s’engageaient à ne plus prêcher leur religion ni à faire de conversions. Les policiers leur avaient ensuite signifié qu’ils avaient 24 heures pour quitter le village, délai au delà duquel les forces de l’ordre ne pourraient être tenues responsables de ce qui pourrait leur arriver et n’assureraient pas leur protection.
Le Catholic Secular Forum (CSF) donne encore de multiples exemples de ces attaques qui ont émaillé l’été et le début de l’automne au Karnataka, comme celle du pasteur Samson de la Jehovah Shalom Prayer House, hospitalisé dans un état grave après avoir été roué de coup pendant une réunion de prière le 24 août par un groupe d’hindouistes, toujours pour « avoir pratiqué des conversions forcées ». La police avait également refusé s’intervenir, comme pour le Rév. Kotresh, à Davanagere, battu violemment avec ses fidèles par des extrémistes hindous lors d’un rassemblement de prière, quelques jours plus tôt.
Les agressions touchent également des laïcs : dans le district de Chikkamalaguru, Mme Doddamma et sa fille, membres de la Rehebothe Prarthana Mandir Pentecostal Church, ont été attaquées par des hindouistes qui leur ont reproché de parler du christianisme à des familles hindoues. Traînées dans un temple hindou tout proche où leurs assaillants voulaient leur faire abjurer leur foi chrétienne, elles ont été sévèrement frappées pour avoir refusé. D’autres exemples rapportés par le GCIC font mention de différentes tentatives de « reconversion » de chrétiens à l’hindouisme ; plusieurs d’entre eux ont été conduits à l’hôpital suite à ces séances d’intimidation, de coups et de menaces, sans que la police ait accepté de prendre leur plainte ou leur déposition.
L’un des derniers incidents en date est l’incendie de l’église en construction de la Believers Church of India à Tiptur, dans le district de Tumkur. Dans la nuit du 28 au 29 septembre, des groupes d’hindouistes ont incendié le bâtiment, le laissant totalement détruit. Le pasteur Aneef, qui s’est rendu au poste de police de Tiptur, s’est heurté au refus des forces de l’ordre d’enregistrer sa déposition.
Le même samedi, le Rév. Solomon Ramesh, 32 ans, en charge de l’Eglise Saint Thomas de Varasandra, située dans le district de Mandya, tentait lui aussi de déposer plainte. Son église venait d’être attaquée lors d’une réunion de prière spéciale qui rassemblait environ 150 fidèles. Vers 11 h du matin, une vingtaine d’hindouistes forçaient les portes et commençaient à « détruire tout ce qui leur tombait sous la main », accusant le pasteur et ses fidèles de vouloir convertir les hindous au christianisme. Mais les policiers ont refusé de prendre la déposition du pasteur, ayant déjà enregistré une plainte des agresseurs pour « conversion forcée et frauduleuse d’hindous au christianisme ».
(eda/msb)