Eglises d'Asie – Inde
Madhya Pradesh : le gouvernement accusé de négligence après la mort de près de 120 pèlerins hindous dans une bousculade
Publié le 14/10/2013
Etalée sur neuf jours, la fête de Navaratri (littéralement ‘les neuf nuits’), appelée dans certaines parties du monde indien la Durga Puja, célèbre les neuf formes de la Shakti, l’énergie féminine de la Grande Déesse ou Déesse-mère (1).
L’incident s’est produit au 9e jour de la fête, sur le pont menant au célèbre temple hindou de Ratangarh, dans le district de Datia, au Madhya Pradesh. Ce sanctuaire consacré à Durga, attire des foules de dévots chaque année à la même époque, venant de tout l’Etat mais également de différentes parties de l’Inde. Environ 400 000 pèlerins étaient présents aux alentours du temple au moment du drame.
Selon le Times of India de ce lundi 14 octobre, le bilan s’élèverait aujourd’hui à près de 120 morts et plus de 135 blessés. Les victimes sont principalement des femmes et des enfants, piétinés par la foule. Les autorités ont annoncé que les chiffres risquaient de s’alourdir ce lundi, en raison du grand nombre de personnes portées disparues. Les recherches et les opérations de secours viennent d’être suspendues et les familles commencent déjà à préparer les corps pour les crémations, après l’autopsie rapide effectuée par des responsables sanitaires dépêchés sur place.
Les circonstances du drame sont encore mal définies, en particulier les causes de la bousculade. Selon la police locale, ce serait la rumeur selon laquelle le pont enjambant la rivière Sindh et menant au sanctuaire était en train de s’effondrer, qui serait à l’origine de la catastrophe. La panique se serait alors emparée des quelque 25 000 pèlerins qui se trouvaient alors sur le pont : certains d’entre eux pris dans la bousculade sont morts écrasés, d’autres se sont noyés après avoir sauté du pont.
D’autres sources, principalement des survivants du drame, présentent une version très différente, affirmant que le mouvement de foule meurtrier se serait produit à la suite d’une intervention de la police qui aurait chargé la foule, frappant au hasard à coups de matraque, pour empêcher des personnes de doubler les files d’attente vers le temple.
Mangal Kishore, qui a perdu son fils de 2 ans et dont la femme a été hospitalisée, accuse les autorités locales de ne pas avoir pris les mesures de sécurité nécessaires pour de tels rassemblements. « Nous étions venus ici pour que notre fils reçoive la bénédiction de la Déesse et voilà que nous l’avons perdu », témoigne-t-il auprès de l’agence Ucanews dans une dépêche ce lundi.
Les autorités du Madhya Pradesh ont déclaré dès dimanche 13 octobre au soir, qu’une enquête sur les causes du drame serait ouverte d’ici deux jours. Des indemnités seront versées aux familles ayant perdu un proche dans la catastrophe, ainsi qu’aux personnes blessées.
Mais les mesures annoncées ainsi que le discours du ministre-président de l’Etat Shivraj Singh Chouhan, faisant part de « sa grande affliction aux victimes », ne semblent pas avoir suffi à enrayer la polémique qui enfle depuis dimanche.
C’est en effet une véritable levée de boucliers qui a accueilli la déclaration du ministre- président, les différents partis d’opposition, les médias mais aussi les pèlerins, accusant le parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), d’être le responsable du drame. Alors que se préparent les prochaines élections (2), la tragédie de la rivière Sindh s’est transformée, en quelques heures, en un véritable combat pré-électoral.
« Lorsque le BJP organise un rassemblement des membres du parti, le gouvernement du Madhya Pradesh déploie des centaines de policiers, a accusé le leader du Parti du Congrès, Ajay Maken. Mais au temple de Ratangarh, il n’y avait qu’une présence policière ridiculement faible ; cet incident révèle le gouvernement catastrophique de cet Etat et la corruption des autorités. »
Accusant l’incompétence et l’inconséquence des autorités locales, les opposants au BJP soulignent que cela fait la deuxième fois que se produit un incident mortel, au même endroit et lors de la même fête. En 2006, la Durga Puja au temple de Ratangarh avait été endeuillée par le décès de 56 pèlerins, balayés par les flots sur le pont de la rivière Sindh, à la suite d’un ‘lâcher d’eau’, sans aucun avertissement, d’un barrage situé en amont.
Après la tragédie de 2006, rapporte The Hindu ce lundi 14 octobre, le gouvernement du Madhya Pradesh avait reconstruit le pont, mais aucune responsabilité dans la catastrophe n’avait été reconnue et les conditions d’accueil des pèlerins n’avaient pas été modifiées.
« Le gouvernement du Madhya Pradesh n’a tiré aucune leçon des tragédies précédentes ; il doit désormais prendre les mesures qui s’imposent pour qu’elles ne se reproduisent plus », a déclaré D. Raja, leader du Parti communiste (CPI). Les mêmes reproches ont été adressés au BJP de la part du Nationalist Congress Party (NCP). « De tels événements n’arrivent que lorsque le gouvernement de l’Etat manque de prendre les précautions les plus élémentaires », a lancé son leader.
C’est le ministre-président de l’Etat lui-même qui a répondu aux reproches de ses différents détracteurs, accusant à son tour le Parti du Congrès et les autres partis d’opposition de « faire honteusement de la politique sur le dos des morts ».
(eda/msb)