Eglises d'Asie

Au nom du principe de laïcité, le gouvernement de l’Etat de l’Orissa refuse l’indemnisation des lieux de culte chrétiens détruits par les hindouistes

Publié le 18/03/2010




Après sept semaines de violences quasi continues contre les chrétiens dans l’Etat de l’Orissa, Mgr Raphael Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, a déposé une demande d’indemnisation pour les lieux de culte chrétiens détruits par les hindouistes. Le 20 octobre dernier devant la Cour suprême du pays, à New Delhi, le gouvernement de l’Etat de l’Orissa a affirmé qu’une telle requête, si elle était acceptée, irait « contre le principe de laïcité interdisant à l’Etat de payer des dommages à des institutions religieuses ».

L’évêque de Cuttack-Bhubaneswar a rappelé que les violences qui ont éclaté dans le district de Kandhamal le 24 août dernier et se sont propagées dans d’autres districts, aussi bien en Orissa que dans plusieurs autres Etats de l’Union indienne, ont fait au moins 58 morts, des chrétiens dans la quasi-totalité des cas, 50 000 sans-abris et de très importantes destructions ; 4 500 maisons, couvents, presbytères, églises et autres institutions chrétiennes ont été détruits. Sa requête portait sur une demande d’indemnisation pour 100 lieux de culte et un total de 30 millions de roupies (470 000 euros).

 

Devant la Cour suprême à New Delhi, le gouvernement de l’Etat de l’Orissa, issu d’une coalition formée d’un parti régional et du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), parti pro-hindou, était représenté par son secrétaire général, Tarun Kanti Mishra. Celui-ci a déclaré que la demande de Mgr Cheenath n’était « pas acceptable » et que les violences, au Kandhamal, reflétaient des tensions ethniques et non religieuses. Le responsable gouvernemental a ajouté que la présence d’enquêteurs du Central Bureau of Investigation n’était pas souhaitée sur le terrain, les instances locales de la police remplissant parfaitement leur office. Il a cité à cet égard l’arrestation de huit personnes dans le cadre de l’enquête sur le viol d’une religieuse catholique le 25 août dernier. L’Eglise catholique avait demandé une enquête fédérale sur cette affaire, la police locale faisant traîner le dossier. Tarun Kanti Mishra a également suggéré que les tensions entre le groupe aborigène des Kandhas et le groupe des Panas, des dalits, s’étaient envenimées à la suite de l’adhésion d’un grand nombre de Panas « à une autre communauté religieuse », la communauté chrétienne, qu’il s’est abstenu de citer.

 

Toutefois, deux jours plus tôt, le 18 avril, le Premier ministre Manmohan Singh avait reçu à New Delhi le secrétaire général du Conseil œcuménique des Eglises (World Council of Churches), le pasteur kenyan Samuel Kobia. Répondant à l’inquiétude de ce dernier face aux violences interreligieuses en Inde, Manmohan Singh avait affirmé qu’une aide financière serait débloquée pour reconstruire une centaine de lieux de culte chrétiens détruits ces dernières semaines en Orissa. Il ajoutait qu’une commission d’enquête formée de trois membres du gouvernement fédéral serait dépêchée prochainement dans cet Etat afin de mettre en œuvre cette mesure, « le devoir du gouvernement étant de protéger les droits de tous les Indiens ».

 

Le 21 octobre, à Bhubaneswar, Mgr Cheenath s’est déclaré « profondément déprimé » par l’attitude des autorités indiennes, notamment du gouvernement de l’Orissa. Il a dit ne pas avoir confiance en la commission d’enquête récemment mise en place par les autorités de l’Etat et confiée à un ancien juge de la Haute Cour de l’Etat. Il a cité son expérience avec une précédente et similaire commission sur les violences antichrétiennes commises à la Noël 2007. Cinq personnes avaient été assassinées par des hindouistes, des églises et établissements chrétiens détruits, 400 demeures de chrétiens incendiées : la commission avait alors produit un rapport exonérant le gouvernement en place de toute responsabilité dans ces événements. Mgr Cheenath a ajouté que les violences perpétrées ces dernières semaines ne pouvaient pas être interprétées comme un conflit entre chrétiens et hindous. « Ceux qui s’en prennent aux chrétiens au nom de la religion, a-t-il affirmé, sont profondément anti-hindous et antipatriotes ; ils veulent affaiblir la nation en cherchant à la diviser. »

 

Par ailleurs, dans le diocèse de Cuttack-Bhubaneswar, la paroisse catholique de Betticola, mise en cause par des hindouistes, a décidé de se défendre en portant plainte pour diffamation. Une organisation hindouiste, le Hindu Jagaran Manch (Front de réveil des hindous) a publié des documents soi-disant signés par des paroissiens de Betticola et attestant d’un complot des chrétiens visant à assassiner Swami Saraswati, le religieux hindouiste dont le meurtre, le 23 août, a été le signal déclencheur des attaques antichrétiennes. Le conseil paroissial de Betticola a porté plainte pour faux en écriture et diffamation ; il réclame une indemnité de 500 millions de roupies (7,8 millions d’euros) en réparation du préjudice moral subi.