Eglises d'Asie

Une messe a été célébrée sur la tombe du président de la Première République du Vietnam

Publié le 05/11/2013




Le 1er novembre dernier, les communautés catholiques vietnamiennes partout dans le monde ont commémoré le 50e anniversaire de la mort tragique du président de la Première République du Vietnam, Jean-Baptiste Ngô Dinh Diêm, assassiné avec son frère Jacques Ngô Dinh Nhu, à Cholon, le 2 novembre 1963, lors d’un coup d’Etat fomenté contre lui.

Au Vietnam, la commémoration a revêtu un certain caractère public inaccoutumé. Une eucharistie a été célébrée dans les lieux mêmes où reposent l’ancien président et ses proches, au cimetière Mac Dinh Chi de Lai Chiêu, dans la province de Binh Duong (province située immédiatement au nord de Hô Chi Minh-Ville). La célébration a eu lieu directement sur le tombeau du président. Tout à côté, se trouvaient la tombe de sa mère Luxia, et celle de son frère, le conseiller Ngô Dinh Nhu. Sur la pierre tombale des deux frères, seul leur prénom est inscrit comme si l’on voulait faire oublier leur personnalité. Non loin de là, à une vingtaine de mètres, on pouvait apercevoir la tombe du troisième frère, Ngô Dinh Cân, lui aussi assassiné en 1963.

Plusieurs prêtres participaient à la célébration ; des rédemptoristes, des dominicains et des prêtres séculiers. L’assemblée était composée d’une cinquantaine de participants, catholiques et non catholiques, venus de tout le Vietnam. On y trouvait aussi des jeunes gens qui ne connaissaient le défunt que par ouï-dire ou par leurs lectures.

L’assemblée a prié aux intentions de l’ancien chef d’État, de ses deux frères, Jacques Ngô Dinh Nhu, et Jean-Baptiste Ngô Dinh Cân, tous les trois disparus dans les mêmes circonstances. La jeune dissidente Phuong Uyên, dont le récent procès a ému une grande partie de la population vietnamienne, a assuré l’une des lectures de la messe.

Au cours des cinquante dernières années, les réunions de prières et les célébrations eucharistiques aux intentions du président de la Première République du Vietnam et de ses proches avaient toujours eu lieu dans la plus grande discrétion, pour ne pas dire clandestinement. Le 1er novembre dernier, c’était sans doute la première fois au Vietnam depuis 1975, qu’un groupe de personnes issues de tous les milieux « venait publiquement exprimer le respect et la reconnaissance éprouvées pour ces patriotes qui s’étaient sacrifiés pour leur pays » (1).

Au cours de sa prédication sur le thème des Béatitudes, le célébrant principal, le P. Lê Ngoc Thanh, a évoqué la personnalité de l’ancien président, « passionné de vérité, désireux d’apporter sa contribution à son pays, prêt à affronter souffrance, solitude, et rejet par sens du devoir ». Le prédicateur a regretté qu’aujourd’hui les manuels scolaires ne le présentent que comme un tyran et un traître et livrent un récit mensonger de sa vie. C’est ainsi, a souligné prêtre, que toute une génération sort de l’école avec une idée totalement fausse d’une grande personnalité du Vietnam du XXe siècle.

Né en 1901, d’une famille mandarins catholiques de la cour de Huê, après une jeunesse studieuse, Jean-Baptiste Ngô Dinh Diêm avait entamé une brillante carrière politique. Il se fit vite remarquer par son patriotisme, son nationalisme et son intransigeance. Après que la pente totalitaire du mouvement communiste se fut révélée avec davantage de clarté, il représenta pendant longtemps, et plus particulièrement pour les catholiques, une solution nationaliste alternative à celle que préconisaient Ho Chi Minh et ses partisans.

Après la partition du Vietnam à l’issue des accords de Genève, et alors qu’il était Premier ministre du chef de l’État Bao Dai, Jean-Baptiste Ngô Dinh Diêm fait proclamer la République du Vietnam, suite à un référendum populaire. Pour les Américains, venus soutenir le Sud-Vietnam dans la guerre qui l’opposait au Nord-Vietnam, il fut un allié difficile, intransigeant, soucieux de garder la souveraineté de son pays.

Ce fut sans doute la raison pour laquelle les États-Unis encouragèrent et inspirèrent le coup d’Etat déclenché contre lui par un groupe de généraux le 1er novembre 1963. Les archives déclassifiées de la Maison-Blanche publiées à ce jour ne laissent aucun doute sur la réalité de l’intervention des États-Unis. Au matin du 2 novembre 1963, le président et son frère avaient quitté le palais présidentiel et étaient venus assister à la messe dans une église de Cholon. À leur sortie, ils furent appréhendés par les militaires et jetés dans une voiture blindée. C’est là qu’ils trouvèrent la mort.

(eda/jm)