Eglises d'Asie – Inde
Mgr Menamparampil, grande figure de la paix et de la défense des aborigènes, passe les rênes de l’archidiocèse de Guwahati à son coadjuteur
Publié le 19/01/2012
Né en 1936 au Kerala, Thomas Menamparampil a été ordonné prêtre salésien en 1965. Il est élevé à l’épiscopat en 1981 pour le diocèse de Dibrugarh, situé dans l’Etat d’Assam, dans le quart nord-est de l’Inde, un Etat ‘tribal’ réputé difficile et soumis à des violences endémiques, auquel il consacrera toute sa vie de mission. En 1992, il est ensuite nommé, toujours en Assam, à la tête du diocèse nouvellement créé de Guwahati – lequel deviendra archidiocèse en 1995 –, où il restera en fonctions jusqu’en 2012.
Mgr Menamparampil, considéré comme l’une des grandes figures de l’épiscopat indien, s’est fait connaître pour son action en faveur de la réconciliation interethnique et de la paix religieuse. A la tête d’un diocèse régulièrement victime de poussées de violences meurtrières entre les différentes communautés aborigènes et religieuses, l’archevêque s’est rapidement forgé une réputation de médiateur et d’ardent défenseur de la paix.
En tant que spécialiste reconnu des questions aborigènes et initiateur de projets de réconciliation intercommunautaire, Mgr Menamparampil a été régulièrement appelé à faire part de son expérience, aussi bien dans d’autres Etats indiens en butte aux mêmes difficultés qu’à l’étranger (1).
Sous l’impulsion de son archevêque, l’Eglise de l’Assam, pourtant très minoritaire (toutes obédiences confondues, les chrétiens ne rassemblent que 3,7 % de la population), est devenue progressivement le principal organe médiateur dans les conflits intertribaux et a permis la passation de nombreux accords de paix. A la tête de ses équipes du Joint Peace Team of Northeast India qui œuvrent en milieu aborigène depuis une quarantaine d’années, Mgr Menamparampil a ainsi été à l’origine de la signatures d’accords de paix entre les musulmans et les Bodo (2009), les Karbi et les Kuki (2003), les Kuki et les Paite (1998), les Bodo et les Santal (1996), ou encore les Dimasa et les Hmar (2).
Le nom de Mgr Menamparampil est aussi attaché à l’impressionnant essor du christianisme dans l’Etat isolé de l’Arunachal Pradesh. Alors que sous la tutelle britannique comme après l’indépendance, cet Etat était interdit aux missionnaires au nom de la protection des cultures aborigènes, le P. Menamparampil, qui dirigeait à l’époque un collège salésien à Shillong, baptisa un jour d’août 1978 un jeune chef de tribu, Wanglat Lowangcha, de la tribu des Noctes, et sa famille. A partir de ce point de départ, les conversions ont été très nombreuses dans cette région, les tribus locales trouvant dans la mort et l’intercession de deux missionnaires français assassinés cent-trente ans plus tôt par leurs ancêtres, la source spirituelle de leur conversion au christianisme (1). Une fois évêque, Mgr Menamparampil ne perdit jamais de vue ces communautés, qui réunissent aujourd’hui environ la moitié de la population de l’Arunachal Pradesh (dont 50 % de catholiques).
Par ailleurs, en 1998, lors du Synode des évêques pour l’Asie, convoqué par Jean Paul II, Mgr Menamparampil joua un rôle pivot. Secrétaire du Synode, il œuvra à synthétiser les diverses contributions d’une assemblée dont un des thèmes centraux fut l’inculturation du message évangélique.
Enfin, entre autres fonctions, l’archevêque salésien de Guwahati assume la direction du Bureau pour l’évangélisation de la Fédération des Conférences épiscopales d’Asie (FABC) et de la Commission pour l’Education et la Culture de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI). Il préside aussi la Conférence des évêques du Nord-Est de l’Inde. Auteur de nombreux ouvrages sur l’évangélisation en milieu aborigène, le prélat a également beaucoup œuvré à la formation des missionnaires, leur demandant de « comprendre et considérer avec respect » les adivasi (aborigènes ou ‘tribals’), à « l’inverse des fonctionnaires du gouvernement qui les traitent comme des sous-hommes ou des criminels » (3). Particulièrement attaché à la préservation de l’identité culturelle des peuples aborigènes, Mgr Menamparampil avait mis en place, dès son installation à Guwahati, des sessions régulières réunissant l’ensemble de l’Eglise de l’Inde et traitant du rôle des chrétiens dans la promotion et défense des droits des adivasi.
En 2009, il avait été désigné par Benoît XVI pour rédiger les méditations du Chemin de croix du Vendredi saint à Rome. S’il n’avait pas hésité à dénoncer les attaques dont les chrétiens avaient été victimes dans son pays, les violences en Orissa étant encore dans tous les esprits, Mgr Menamparampil avait voulu mettre l’accent sur les fruits des persécutions et l’espérance d’« une Eglise ayant un avenir ». A l’occasion du rapport sur l’Asie qu’il avait été chargé de présenter au XIIe synode des évêques à Rome (octobre 2008), l’archevêque avait tenu également à rappeler que dans cette région de violence endémique qu’était le Nord-Est de l’Inde où il exerçait son ministère, la progression du nombre des baptisés avait cependant été très forte au cours des cinquante dernières années (4).
Son successeur, Mgr John Moolachira, présente un parcours étonnement proche. Originaire du Kerala lui aussi, il est né en 1951 dans le village Puthusserykadavu. Après avoir été ordonné prêtre en 1978, il devient prêtre en paroisse à Udalgri de 1996 à 2005. A l’âge de 55 ans, en 2007, il est nommé évêque de Diphu, un autre diocèse de l’Assam, proche de celui de Guwahati et en butte aux mêmes difficultés interethniques et interreligieuses. En avril 2011, il reçoit la charge de coadjuteur de Mgr Menamparampil. A l’heure actuelle, le siège du diocèse de Diphu est toujours vacant.
Mgr John Moolachira prendra la tête d’un archidiocèse dont le territoire compte un peu plus de 1 % de catholiques, majoritairement issus des communautés aborigènes, et dispose de 37 paroisses et 5 missions desservies par plus d’une centaine de prêtres.