Eglises d'Asie

Conflit à Zamboanga : les évêques catholiques de Mindanao appellent au dialogue et à la paix

Publié le 16/09/2013




Samedi 14 septembre, les 18 évêques catholiques de Mindanao, la grande île du sud philippin, ont lancé un appel au gouvernement ainsi qu’au MNLF pour trouver une solution négociée par le dialogue à la crise qui se joue depuis une semaine à Zamboanga. Dans cette ville de l’extrémité sud-ouest de Mindanao, l’armée gouvernementale encercle un commando de plusieurs dizaines d’hommes…

… du MNLF qui se sont retranchés dans trois quartiers de la ville derrière des civils retenus en otages comme autant de « boucliers humains ».

« Nous les appelons à discuter plus à fond des questions qui concernent les négociations de paix en cours entre le MILF et le gouvernement », écrivent les évêques dans leur communiqué, précisant par là que l’action commando des rebelles du MNLF (Front moro de libération nationale) trouve sa racine dans les négociations que Manille mène avec le MILF (Front moro de libération islamique), mouvement rival du MNLF.

Depuis le début de l’opération menée par les hommes du MNLF, le 9 septembre dernier, la ville de Zamboanga dans sa totalité est « virtuellement paralysée » et ses habitants vivent « dans un état de peur », déplorent les évêques. Au moment où les évêques écrivaient leur communiqué, le nombre des morts dus aux combats entre les rebelles et l’armée se montait à 53 et celui des blessés à plus de 70 ; les personnes ayant fui la zone des affrontements étaient environ 62 000 (pour une population totale de 800 000 personnes à Zamboanga). « Nous sommes profondément attristés et troublés par cette tragédie que constitue la perte de vies humaines et la destruction de biens matériels. Nous exprimons notre solidarité à tous ceux qui sont affectés, qu’ils soient musulmans ou chrétiens », peut-on encore lire dans le texte des évêques, qui « condamnent la terreur » ainsi que « l’action inhumaine qui consiste à utiliser les otages comme boucliers humains ».

Les évêques concluent en appelant le MNLF et le gouvernement à négocier pour permettre la libération des otages. « En tant que responsables de nos communautés catholiques, nous joignons les mains avec les autres responsables religieux – musulmans, protestants et lumad (terme désignant les aborigènes de Mindanao, adeptes de l’animisme) – pour prier et travailler à la paix. Oui à la paix, non à la guerre ! », écrivent-ils.

A Zamboanga, les autorités philippines ne semblent pas avoir prêté attention à l’appel à la paix et à la modération lancé par les évêques catholiques. Dès le vendredi 13 septembre, il était clair que le président Benigno Aquino, venu sur place superviser les opérations, avait choisi une solution militaire pour supprimer une action commando menaçant de faire dérailler le processus de paix engagé avec le MILF. Ce lundi 16 septembre, après un week-end ponctué d’escarmouches, un assaut général paraît avoir été ordonné. Des hélicoptères légers sont intervenus à plusieurs reprises au-dessus des quartiers contrôlés par les rebelles à Zamboanga et ont tiré des roquettes ; sur l’île toute proche de Basilan, où des groupes alliés au MNLF avaient également entrepris des actions commando, l’armée a lancé des actions coordonnées d’assaut. Selon un porte-parole de l’armée, les militaires « progressent » mais les opérations sont ralenties par « le souci de s’assurer que les civils [retenus en otages] ne seront pas blessés ».

Pour Human Rights Watch, ce sont désormais des « opérations de guerre » qui se déroulent à Zamboanga et « les deux camps doivent faire en sorte de protéger les civils ». Le nombre des otages retenus par le MNLF ne serait plus que de quelques dizaines, certains ayant été libérés au cours du week-end et d’autres ayant réussi à s’enfuir. Le nombre des combattants du groupe rebelle ne serait plus que d’une centaine, 51 d’entre eux ayant trouvé la mort lors des accrochages avec les militaires et 48 autres ayant été faits prisonniers. Il semble que, parmi les combattants restant, certains tentent de fuir en se faisant passer pour des civils. L’armée, de son côté, retiendrait les civils, en demandant aux responsables de quartier de désigner qui fait partie des habitants et qui est susceptible d’appartenir au commando du MNLF.

Quant à Nur Misuari, le leader historique du MNLF, il serait, selon un porte-parole de l’armée, retranché dans la province de Sulu, au large de Zamboanga. Avec pour capitale Jolo, la province de Sulu fait partie de la Région autonome musulmane de Mindanao, créée à la faveur des accords de paix de 1976 entre le MNLF et Manille. Nur Misuari y rassemblerait des forces armées prêtes à se battre sous son drapeau.