Eglises d'Asie – Indonésie
Les chrétiens de Bekasi vivent toujours sous la menace des islamistes
Publié le 05/11/2012
Ils protestaient contre la dernière attaque des islamistes à l’encontre de la communauté protestante de Jejalen Raya à Bekasi, dans la banlieue de la capitale, qui a conduit à la suspension de la célébration dominicale par les forces de l’ordre, dimanche 4 novembre dernier.
Le Rév. Palti Panjaitan, pasteur de l’Eglise de Bekasi – rattachée à la HKBP -, a déclaré que l’office avait été annulé en raison des menaces des extrémistes musulmans, venus en foule afin d’empêcher le culte qui avait lieu comme à l’ordinaire, devant le terrain où la communauté attend depuis 2007 de voir s’édifier son église. « Ils étaient déjà là une heure avant que nous ne commencions la célébration, relate le pasteur à l’agence Ucanews. Ils avaient apporté des haut-parleurs et diffusaient des versets coraniques à plein volume. Puis ils ont commencé à menacer tous les fidèles – y compris les femmes et les enfants – pour qu’ils ne participent pas au culte. »
Alors que la foule des islamistes devenait plus agressive, les forces de l’ordre, « afin de prévenir toute violence », ont exigé que les chrétiens annulent leur rassemblement « En agissant ainsi, ils ont violé notre droit constitutionnel à pratiquer librement notre religion », s’indigne le Rév. Panjaitan.
Depuis des années déjà, la communauté protestante de cette grande agglomération proche de Djakarta, est victime d’attaques continuelles de la part des islamistes et de l’opposition des autorités locales qui refusent de lui délivrer un permis de construire pour son église.
La loi régissant la construction des lieux de culte en Indonésie, déjà encadrée par de longues et complexes procédures, a rendu pour les non-musulmans, l’obtention du permis de construire encore plus difficile depuis le décret de 2006. Ce dernier permet à la communauté locale, si elle fait part de son opposition à la présence d’un édifice religieux, d’interdire la construction de celui-ci ou même d’en obtenir la fermeture.
En 2007, l’Eglise protestante de Bekasi – qui s’était considérablement développée depuis sa fondation en 2000 où elle ne comptait que quelques familles batak émigrées -, avait voulu faire édifier un lieu de culte pour ses 1 500 fidèles, qui ne pouvaient plus se réunir à domicile. Après avoir obtenu l’accord du voisinage, majoritairement musulman, les responsables de la communauté, rattachée à la HKBP sous le nom d’Eglise de Philadelphie, avaient déposé une demande de permis de construire en bonne et due forme.
Mais en décembre 2009, les autorités du district annonçaient qu’elles interdisaient la construction de l’église – qui était déjà dans sa phase préparatoire – , ainsi que tout rassemblement religieux sur les lieux. Les leaders musulmans locaux avançaient que le dossier de candidature de l’Eglise protestante était falsifié et n’avait jamais reçu l’accord explicite des résidents.
Selon un reportage paru dans le Jakarta Globe du 19 mai dernier, bon nombre de musulmans de Bekasi continuent aujourd’hui d’accuser les chrétiens d’avoir fait signer aux habitants des pétitions en blanc, mis des défunts sur la liste, et offert une forte somme d’argent pour chaque signature. Des affirmations fermement démenties par la communauté protestante qui, dès 2009, s’est lancée dans une longue bataille juridique afin de faire valoir la légitimité de sa demande.
En juillet 2011, la Cour suprême a donné raison à la communauté chrétienne, mais la situation est restée inchangée à Bekasi où les autorités locales refusent toujours de délivrer le permis et continuent de bloquer la construction tandis les opposants musulmans viennent en masse menacer les chrétiens qui tentent de se réunir deux dimanches par mois pour prier devant le site où leur église aurait dû s’élever.
C’était ce qui se passait dimanche dernier, lorsque les menaces habituelles ont dégénéré jusqu’à nécessiter l’intervention de la police, qui encadre systématiquement chaque rassemblement des chrétiens depuis les premiers incidents de 2009. Un dispositif qui ne suffit pas toujours : le 17 mai dernier, la centaine de chrétiens qui s’étaient réunis pour célébrer l’Ascension étaient protégés par près de 400 policiers. Mais une foule d’environ 300 islamistes a réussi à interrompre l’office en attaquant les chrétiens et les forces de l’ordre avec des pierres, des sacs remplis d’urine et d’autres projectiles. Le dimanche suivant, la même scène se reproduisait avec des violences accompagnées de menaces de mort, et un bilan comptant de nombreux blessés.
La situation à Bekasi est d’autant plus tendue qu’elle abrite le quartier général du Front des défenseurs de l’islam (FPI) et du Forum pour la fraternité islamique (FUI), dont la violence est dénoncée régulièrement tant par les minorités religieuses que par la majorité des responsables musulmans d’Indonésie. De plus, cette banlieue de Djakarta est devenue aujourd’hui un centre d’entrainement des unités paramilitaires du FPI, lesquelles ont pour but de « faire respecter la charia » et de « défendre l’islam contre les chrétiens ». Malgré les demandes répétées de différentes instances religieuses auprès du gouvernement pour qu’il fasse interdire ces mouvements « qui mettent en danger la stabilité de l’Indonésie », ces derniers poursuivent et intensifient leurs attaques antichrétiennes, qu’il s’agisse des communautés de la HKBP ou des églises catholiques, très présentes également à Bekasi.
Régulièrement, les fidèles se retrouvent pour manifester pacifiquement devant le palais présidentiel de Djakarta. Lors des incidents les plus importants, il n’est pas rare que d’autres Eglises viennent grossir les rangs des manifestants, comme l’ont fait à plusieurs reprises les membres de l’HKBP ou même de la Communion des Eglises (protestantes) d’Indonésie (Gereja Kristen Indonesia, GKI).
L’Indonésie est le premier pays musulman au monde (240 millions d’habitants dont plus de 85 % appartiennent à l’islam). La minorité chrétienne y représente 10 % de la population.