Eglises d'Asie

Hanoi : 30 mois de prison et de lourdes amendes pour le militant catholique des droits de l’homme, Me Lê Quôc Quân

Publié le 02/10/2013




Le 2 septembre 2013, Journée internationale de la non-violence, l’avocat catholique Lê Quôc Quân, un des inspirateurs de la jeunesse catholique du Centre Vietnam, a comparu devant le Tribunal populaire de Hanoi. Accusé de fraude fiscale, son procès s’est ouvert à 8 heures du matin. En début d’après-midi, peu après la pause de midi, la sentence a été prononcée. L’accusé a été condamné à 30 mois…

… de prison, et son entreprise Giai Quyêt Viêt Nam (‘Solution Vietnam’) à l’acquittement d’une somme de 600 millions de dôngs (21 000 euros) pour impôts non payés et à une amende de 1,2 milliards de dôngs (42 000 euros).

On avait appris en fin de matinée que le représentant du Parquet populaire avait requis une peine de 24 à 28 mois de prison ferme, associée à une amende de 1,2 milliards de dongs. Ce qui est le minimum prévu par le Code pénal pour les fraudes fiscales sur les sommes dépassant les 500 millions de dongs. Après l’énoncé de la sentence, le militant des droits de l’homme a élevé une protestation et déclaré que les juges n’avaient pas respecté ni même écouté les plaidoiries de ses avocats.

Selon le récit du journaliste Chris Brummitt, de l’agence Associated Press (AP), qui a assisté au procès depuis la salle réservée aux journalistes, Lê Quôc Quân a déclaré : « Je suis la victime de manœuvres politiques. Depuis longtemps, j’ai dénoncé et combattu les fléaux de la corruption, de la bureaucratie et de l’immobilisme qui portent gravement tort à notre pays. Pour dire la vérité, je suis condamné pour avoir aimé mon pays. »

La fraude fiscale, commise en tant que chef d’entreprise, était l’accusation officielle inscrite sur l’acte d’accusation et reprise dans le réquisitoire du procureur. Mais peu de gens ont été dupes. Le passé militant de l’avocat a pesé beaucoup plus lourd dans la condamnation de l’accusé. Ses écrits appelant à la liberté démocratique, sa participation au mouvement pour la liberté religieuse, aux manifestations contre l’expansionnisme chinois, son influence auprès des jeunes ont très certainement joué un grand rôle dans sa condamnation, même s’il n’en a pas été question dans le réquisitoire du procureur et dans la sentence des juges.

Bien qu’il ait été qualifié de « public », peu de personnes ont pu assister au procès. L’épouse de l’accusé a dû attendre deux heures avant de pénétrer dans la salle d’audience, accompagné d’un membre de la famille et d’un prêtre, le P. Joseph Nguyên Van Binh.

A cause de son militantisme et, sans doute aussi, pour avoir mis ses connaissances juridiques à la disposition des plus défavorisés, l’avocat jouit d’un grand prestige auprès de la population, en particulier dans les milieux catholiques. Depuis son arrestation en décembre 2012, ses amis lui ont manifesté leur soutien. A l’approche du procès, des manifestations en sa faveur s’étaient multipliées. Deux jours avant le procès, le dimanche 29 septembre, de nombreuses églises dans le diocèse de Vinh et dans beaucoup d’autres diocèses du pays ont célébré des eucharisties aux intentions des victimes de My Yên et à la sienne, pour que son procès soit conforme à la justice. Dans la soirée du dimanche 29 septembre, en l’église de la paroisse de Thai Ha à Hanoi, une grande assemblée composée de catholiques et de non-catholiques, participait, une bougie allumée à la main, à la messe célébrée pour le soutien spirituel de l’avocat. Au premier rang de l’assistance se trouvait son épouse et les membres les plus proches de sa famille. Certains participants portaient un T-shirt où était inscrit : « Liberté pour Me Lê Quôc Quân ».

Par ailleurs, un certain nombre de blogueurs, animés du même esprit que l’avocat, avaient appelé leurs lecteurs à venir nombreux sur place, au procès, pour y manifester leur soutien à l’accusé. Au courant de cette campagne, les autorités ont tenté des manœuvres d’intimidation auprès des personnes ayant l’intention de participer au procès. Dans le quartier de Giap Bat à Hanoi, un groupe de l’action populaire (Dân Vân) (autrefois appelée Agitprop) a ainsi systématiquement rendu visite à chacune des personnes ayant exprimé leur intention de manifester auprès du tribunal le jour du procès.

Dès la veille du procès, de nombreux amis de l’accusé venus de tout le Vietnam étaient arrivés à la paroisse rédemptoriste de Thai Ha. Ils étaient plus de 1 000 à la messe célébrée à 6 heures du matin. A 6h30, les grandes artères menant au tribunal étaient déjà bloquées par des agents de la Sécurité publique qui interdisaient la circulation des voitures et des piétons. Malgré cela, à 7 heures du matin, un groupe d’environ 700 personnes, parmi lesquelles trois prêtres rédemptoristes et un religieux bouddhiste, se dirigeait depuis la paroisse de Thai Ha vers le tribunal, en chantant la prière pour la paix attribuée à saint François d’Assise. Le groupe a été arrêté et dispersé bien avant d’atteindre le quartier du tribunal, resté inaccessible tout au long du procès grâce à déploiement d’importantes forces de police. Malgré les efforts de cette dernière, de nombreux rassemblements ont pu cependant se former dans divers quartiers proches du tribunal (1).

(eda/jm)