Eglises d'Asie

Transformées avec le temps en fêtes folkloriques, certaines dévotions traditionnelles demandent à être repensées

Publié le 18/03/2010




Transformées avec le temps en fêtes folkloriques, certaines dévotions traditionnelles demandent à être repensées. C’est ce qu’a déclaré un responsable d’un diocèse du centre des Philippines, déplorant que certaines pratiques et rituels de fêtes religieuses aient perdu tout contact avec la foi catholique et, de par leurs excès, puissent quelquefois même mettre en danger des vies humaines. Le P. Marnito Bansig, chancelier du diocèse de Maasin, a expliqué que l’Eglise « devait toujours veiller à ce que la dévotion des croyants ne dévie pas précisant que cela exigeait également « l’élimination des croyances populaires superficielles et sans lien avec la foi ».

Le prêtre, chancelier d’un des diocèses de la province Leyte-Sud, répondait ainsi à des journalistes deux jours après qu’un bateau avec 200 personnes à bord ait chaviré. Il s’agissait d’une fête nautique avec procession pour honorer « Santo Nino » (le saint enfant), une fête traditionnelle à San Ricardo. Le bateau appartenait au maire adjoint de la ville.

Seize personnes, dont quatorze enfants entre 2 et 16 ans, ont péri. Un homme et trois enfants ont été portés disparus, mais l’image du Santo Nino, quant à elle, a pu être repêchée. Le P. Bansig a expliqué que la tragédie avait eu lieu dans le district de Binit où les gens organisent chaque année en l’honneur de Santo Nino une procession nautique « sakay-sakay » d’une quinzaine de bateaux, une tradition vieille de plusieurs décennies parmi la population côtière. « Sakay-sakay » est une expression populaire pour parler d’une « promenade tranquille ». Les gens qui, sur l’eau, s’associent aux prières et aux chants, croient que l’Enfant Jésus leur accordera ses bénédictions et exaucera leurs demandes. Les bateaux sont décorés plusieurs jours auparavant.

Ce sont les explorateurs espagnols qui ont introduit la dévotion au Santo Nino en 1521. Les missionnaires augustiniens l’ont développée et la fête se déroule maintenant chaque année dans différentes provinces du pays. Le P. Ransig voudrait que la tragédie apprenne aux adultes la prudence et aux autorités la vigilance en vérifiant le nombre et l’identité des personnes embarquées sur les bateaux. Le diocèse et l’Eglise locale ont pris en charge les frais d’hospitalisation des victimes et les funérailles, mais surtout devront prendre des mesures de sécurité plus strictes, insiste-t-il.

Le prêtre qualifie la dévotion au Santo Nino des catholiques de Maasin de « profondément ancrée ». La fête en son honneur est l’une des deux dévotions les plus populaires du diocèse – avec celle consacrée à saint Isidore – et est laissée à l’initiative des paroissiens. « Nous ne pouvons pas réellement décourager les gens et les empêcher de se joindre à la fête, alors qu’ils ont fait des promesses et croient qu’ils seront exaucés continue le P. Bansig. Il explique que, pour les gens, prendre des enfants avec eux est une source de bénédictions pour leurs familles. Lui-même se souvient avoir participé à des processions sur l’eau lorsqu’il avait 7 ans. « C’était juste pour s’amuser dit-il.

Selon lui, l’Eglise « ne devrait pas décourager » cette dévotion mais suggérer aux chrétiens « une alternative plus sûre comme une procession à pied. « Il nous faut éliminer les exagérations ou les manifestations extrêmes de ces dévotions en nous aidant d’une catéchèse appropriée donnée par exemple au cours d’une neuvaine fixée à l’avance pour mieux préparer la fête, recommande-t-il.

Un autre responsable de diocèse a exprimé les mêmes réticences au sujet de certaines dévotions folkloriques. Mgr Josefino Ramirez, vicaire général de l’archidiocèse de Manille, a demandé aux catholiques une pratique « plus priante, plus sereine et raisonnable » de leurs dévotions traditionnelles. Il a publié ce mandement après que deux personnes soient mortes et que plusieurs autres aient été blessées, le 9 janvier dernier, au milieu d’une bousculade au cours d’une procession en l’honneur du « Nazaréen noir » de Quiapo, dans la banlieue de Manille. Le jour de la fête du Nazaréen noir des milliers de dévots, pieds nus, des hommes pour la plupart, processionnent en portant une statue du Christ grandeur nature à travers les rues de Quiapo. Les historiens rapportent que les bousculades autour de la statue pour parvenir à la toucher datent du début du XIXe siècle et que cette dévotion a été importée aux Philippines au temps de la colonisation espagnole. Quant au Nazaréen noir, il s’agit, disent-ils, d’une réplique d’une statue du Christ en croix apportée par les missionnaires espagnols et qui aurait été noircie au cours d’un incendie à bord du bateau qui la transportait. Les chrétiens l’ont retrouvée à moitié calcinée et en ont fait un objet de dévotion.